Réforme de l'audiovisuel : "Il faut éviter que TF1 ou Canal+ se retrouvent en concurrence frontale avec Netflix ou Amazon" (Aurore Bergé)

Que vont devenir les dispositions phares de la grande loi sur l'audiovisuel, qui a été abandonnée l'été dernier en raison des urgences législatives liées au Covid-19 ? De la contribution des plateformes comme Netflix au financement de la création française, à la fusion de l'audiovisuel public, en passant par la transposition de la directive européenne sur le droit d'auteur ou encore la lutte contre le piratage, la députée LREM Aurore Bergé, qui en était rapporteure générale, fait le point.
Aurore Bergé est députée LREM des Yvelines.
Aurore Bergé est députée LREM des Yvelines. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La grande loi sur l'audiovisuel, dont vous étiez co-rapporteure, a été abandonnée cette été. Pourquoi le gouvernement a-t-il préféré disperser son contenu dans plusieurs autres textes plutôt que de la remettre à l'agenda parlementaire ?

AURORE BERGÉ - Le contenu de cette loi n'a pas été abandonné. Le premier confinement, prononcé une semaine après l'adoption du texte en commission des Affaires culturelles à l'Assemblée nationale, a complètement bousculé l'agenda parlementaire. Et pour cause : depuis le mois de mars, nous avons voté quatre projets de loi de finance rectificative ! Cette loi étant très vaste, nous avons décidé d'étaler dans le temps l'adoption de toutes ses mesures, en utilisant plusieurs véhicules législatifs. Comme s'y était engagé le Président de la République, nous avons commencé par la transposition de deux directives européennes, l'une sur les droits d'auteur et l'autre sur les services de médias audiovisuels (SMA), qui seront intégrées au droit français en janvier 2021. Ces dispositions ont été greffées, via des amendements gouvernementaux, au projet de loi « Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne » (DDADUE) au moment de son examen devant le Sénat. De notre côté, à l'Assemblée, nous avons précisé le champ de ces transpositions pour nous assurer qu'elles respectent strictement les équilibres définis en commission des Affaires culturelles, lors de l'examen du projet de loi audiovisuel. Le projet de loi DDADUE et ces directives ont été définitivement adoptés ce mercredi, au Parlement, et un décret d'application est en cours de finalisation, après négociations entre les différentes parties prenantes.

Votre loi contenait également des dispositions sur le piratage, la fusion du CSA et d'Hadopi en un nouvel organe de régulation, ou encore la réforme de l'audiovisuel public. Que deviennent-elles ?

Ce sont des pans essentiels de la loi sur l'audiovisuel et ils seront votés. Un nouveau projet de loi est en cours d'écriture. Ne pas aller plus loin dans la lutte contre le piratage, alors qu'il est reparti très nettement à la hausse avec le confinement -sans compter les enjeux sur les droits sportifs-, fragiliserait la création dans notre pays. Sans la fusion entre le CSA et Hadopi en une nouvelle entité, l'Arcom, nous ne pourrons pas garantir la bonne application des directives européennes que nous venons de transposer. Enfin, il est crucial de poursuivre la modernisation des infrastructures. Certains avaient sans doute enterré trop vite la TNT, alors que la crise sanitaire a démontré la pertinence d'avoir un réseau gratuit et accessible à tous. Et nous accélèrerons aussi sur le déploiement de la technologie de radio numérique DAB+. Ces aspects constituent les piliers du projet de loi qui est en cours d'écriture. L'Elysée, Matignon, le ministère de la Culture et la majorité parlementaire travaillent main dans la main et, surtout, sont alignés sur le fond.

Quel est le calendrier pour cette nouvelle loi ?

L'objectif est celui d'un vote définitif avant la fin de 2021 et nous voulons nous y tenir. Ce texte peut rapidement faire consensus à l'Assemblée nationale car jusqu'alors, les points d'accroche avec l'opposition, notamment à gauche, concernaient essentiellement la réforme de l'audiovisuel public.

Justement, le projet de loi initial devait organiser la grande fusion de l'audiovisuel public, avec la création de France Médias qui devait regrouper France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA. Quid de ce dossier très polémique ?

C'est la seule disposition du projet de loi initial qui ne sera pas reprise. Dans une période de crise, il est possible d'accélérer les synergies attendues au sein de l'audiovisuel public sans forcément passer par une fusion. Notre audiovisuel public a démontré toute son agilité durant la crise.

Souhaitez-vous porter cette nouvelle loi, étant donné que vous avez été rapporteure générale du texte initial ?

Je souhaite évidemment aller au bout et continuer à porter le texte comme je l'aurais fait sur le projet de loi audiovisuel s'il avait poursuivi son cours normal. J'étais également co-rapporteure sur la loi DDADUE et les transpositions de directives. J'aimerais, bien sûr, aller au bout des travaux que j'ai engagés depuis trois ans sur ces dossiers.

La nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a repris le dossier, également prévu dans votre projet de loi initial, concernant la contribution des plateformes de SVoD au financement de la création française. Elle souhaite que les Netflix, Amazon Prime Video et Disney investissent entre 20% et 25% de leur chiffre d'affaires dans l'Hexagone dans la production d'œuvres françaises et européennes. Qu'en pensez-vous ?

Que ce soit 20%, 22,5% ou 25%, c'est une avancée considérable mais il ne faut pas que ce débat sur le taux écrase tout le reste. Le diable se cache dans les détails, il faut être extrêmement vigilants quant aux conséquences sur l'équilibre du secteur. Il ne faudrait pas que, pour essayer d'obtenir le meilleur taux, nous fassions des concessions sur nos principes.

Il y a un débat légitime sur la chronologie des médias [qui réglemente les fenêtres d'exploitations ouvertes à tous les médias pour diffuser une œuvre audiovisuelle, Ndlr]. Son objectif est d'abord de protéger la salle de cinéma et c'est un point sur lequel personne n'acceptera de céder, surtout en cette période de grande fragilité pour ce secteur. Le principe général est celui de la participation au financement pour remonter dans la chronologie. Mais il faut se prémunir des conséquences défavorables pour des acteurs historiques qui soutiennent et financent la création comme TF1, Canal+ ou France Télévisions. Il ne faut pas qu'ils soient en concurrence frontale avec les Netflix, Amazon et Disney au sujet des fenêtres d'exploitation, car ces acteurs ont une plus grande puissance financière.

Le risque, c'est par exemple que les chaînes gratuites ne puissent plus se positionner sur de grands films populaires, notamment les comédies, pour d'évidentes raisons budgétaires. Ces œuvres risqueraient alors de ne plus être visibles autrement qu'en passant par les grandes plateformes. Or la circulation des œuvres est un point essentiel. Le risque, c'est que demain, Canal+ n'ait plus d'avantages concurrentiels mais toujours le même niveau de contraintes. Le risque, c'est que nos producteurs perdent la valorisation de leurs droits et mandats. Aujourd'hui, l'enjeu ne peut pas être seulement de récupérer plus d'argent des Netflix, Amazon et autres Disney, mais de faire en sorte que ce financement respecte nos principes et favorise la diversité culturelle. Il y a un équilibre global à trouver.

Propos recueillis par Pierre Manière et Sylvain Rolland

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Commentaires 11
à écrit le 23/11/2020 à 8:24
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Un report mais également un éclatement car cette députée en dehors de sa grande g n'est pas crédible. Le gouvernement lui donne un nonos pour lui faire croire qu'elle existe.

à écrit le 23/11/2020 à 8:24
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Un report mais également un éclatement car cette députée en dehors de sa grande g n'est pas crédible. Le gouvernement lui donne un nonos pour lui faire croire qu'elle existe.

à écrit le 21/11/2020 à 14:20
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Latribune, un énième media putassier donnant la parole et faisant le promotion de politocards nuls, incompetents. Adieu la tribune vous etes devenus le BFM du journal.

à écrit le 21/11/2020 à 9:11
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Bref : il faut empécher le libre choix et la concurrence. Que le plus mauvais gagne et que le contribuable le paye !

à écrit le 21/11/2020 à 9:10
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Ce n'est pas à l'état centralisateur à réfléchir pour ces chaines, tout d'abord Netflix est diffusé par Canal, d'autre part, ces chaines y compris celles dont elle ne parle pas devraient se poser la question "qu'a t"on loupé " c'est simple si le p...

à écrit le 20/11/2020 à 18:54
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Comment les médias d'information, au sens large, peuvent encore interroger Aurore Bergė, héraut(e ?) de la novlangue ultralibérale macronienne, parangon(e ?) de l'inculture, de la bêtise crasse et du cynisme, avec Sibeth, Agnès, Yaël et les autres ...

le 21/11/2020 à 3:24
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Vous connaissez surement l'adage "Tant va la cruche a l'eau qu'elle finit..." Toute ces courges sont choisies a dessein, ne vous illusionnez pas.

le 21/11/2020 à 3:33
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Il y a aussi la reflexion chinoise: "Si tu te frappes le crane avec un pot de terre, le son obtenu ne proviendra pas forcement du pot". Bcp plus fin que l'occidental qui ne sait que bavasser.

à écrit le 20/11/2020 à 11:50
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Le mot "réforme" est inadéquate pour un sujet qui demande a s'adapter et non a être une projection des données du passé!

à écrit le 20/11/2020 à 11:43
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A. B, une lumiere celle-la.

à écrit le 20/11/2020 à 11:15
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"Il faut éviter que TF1 ou Canal+ se retrouvent en concurrence frontale avec Netflix ou Amazon" Ou comment recommencer éternellement les mêmes erreurs, que vous vouliez protéger votre réseau se comprend et se défendrait même mais de grâce il n'y ...

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