Vivendi obtient enfin l'autorisation d'absorber Lagardère

Le géant de l'édition et des médias Vivendi a obtenu vendredi le feu vert de Bruxelles pour fusionner avec son ancien concurrent Lagardère. Pour finaliser l'opération discutée depuis 2020, l'entreprise accepte de vendre deux de ses filiales : le géant de l'édition Editis et le média Gala.
Vivendi va enfin pouvoir acquérir Lagardère.
Vivendi va enfin pouvoir acquérir Lagardère. (Crédits : VIOLETA SANTOS MOURA)

Enfin ! Après trois ans d'un bras de fer acharné, Vivendi, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré, a été autorisé vendredi par la Commission européenne à absorber son ancien rival Lagardère. Mais la transaction ne se fera qu'à deux conditions : Vivendi doit céder sa filiale Editis, géante de l'édition, ainsi que le magazine Gala.

L'opération devrait être actée d'ici la fin de l'année, et elle ferait passer le géant de l'édition et des médias dans une nouvelle dimension, avec un poids renforcé à l'international.

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Eviter la création d'un géant de l'édition

Les cessions demandées à Vivendi ont pour objectif d'empêcher d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles. Bruxelles redoutait que l'opération, telle que prévue initialement, « nuise à la concurrence » dans l'édition tout au long de la chaîne de valeur du livre, où Editis et Hachette se partagent presque à eux seuls certains segments, ainsi que dans la presse magazine, où Lagardère est bien implanté avec l'hebdomadaire Paris Match. Editis, acquis en 2019 par Vivendi, n'est autre que le numéro deux français de l'édition. On retrouve dans son pavillon des grands noms comme Robert Laffont, Nathan, Le Robert ou encore Pocket. Lagardère détient quant à lui le troisième éditeur mondial, Hachette Livre.

Vincent Bolloré et ses enfants, qui contrôlent Vivendi et sa cascade de holdings, avaient accepté dès l'été 2022 de se délester d'Editis. Une occasion qu'a saisie Daniel Kretinsky, de plus en plus présent dans les médias (Le Monde, Elle, France Dimanche, Ici Paris, Marianne, entre autres) et la distribution (Fnac Darty, Casino). Son groupe International Media Invest a signé une promesse d'achat d'Editis le 23 avril. D'après des propos tenus par Yannick Bolloré en avril, le prix négocié entre les deux partis est proche de l'estimation des analystes financiers, qui se tenait en 500 et 600 millions d'euros. Vivendi concèderait ainsi une décote importante par rapport aux 829 millions d'euros payés qu'il a payé pour acquérir Editis en 2019.

Le groupe s'est également engagé à vendre l'hebdomadaire d'actualité des célébrités Gala, qui se trouve sur le même segment d'information que Paris Match. Le titre « fait d'ores et déjà l'objet de nombreuses marques d'intérêt », d'après Vivendi. L'entreprise espère finaliser les deux opérations d'ici la fin octobre.

Vivendi augmente son chiffre d'affaires de plus de 50%

Ces engagements « répondent intégralement aux problèmes de concurrence relevés par la Commission » dans son enquête, a jugé l'exécutif européen. La Commission a estimé dans un communiqué que les actifs cédés « constituent une activité viable qui permettrait à un acheteur potentiel de concurrencer de manière effective » le groupe Vivendi renforcé par les actifs de Lagardère. La décision de la Commission est subordonnée au respect intégral des engagements contractés, et la mise en œuvre des cessions sera contrôlée par un mandataire indépendant sous la supervision de la Commission. Il évaluera notamment « l'adéquation des acheteurs» dans le cadre d'une procédure d'approbation distincte.

 Dans un entretien au Figaro en ligne vendredi, Yannick Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi, estime que grâce à ce rapprochement, le groupe Lagardère sera consolidé globalement dans les comptes de Vivendi, dont le chiffre d'affaires passera « de 9,6 milliards d'euros à 16,5 milliards d'euros et (les) effectifs de 38.315 collaborateurs à 65.698 ». Le groupe atteindra ainsi un « poids de l'international à 63 %  », contre 54% précédemment.

La conquête de Lagardère est une étape clé du recentrage de la famille Bolloré sur les médias et l'édition. Avec Hachette Livre, qui détient des maisons comme Grasset, Fayard, Stock ou Calmann-Lévy, Vivendi pourra rivaliser avec l'allemand Bertelsmann, un groupe familial mêlant livre et audiovisuel.

Fin d'un feuilleton

Vivendi avait lancé son assaut début 2020, lorsque l'ex-empire industriel et médiatique Lagardère était au plus mal. Fragilisé par la pandémie de Covid-19, le patron-héritier Arnaud Lagardère aux abois, lourdement endetté et poursuivi par un fonds activiste, Amber Capital. Dans un message à ses salariés consulté par l'AFP, M. Lagardère s'est félicité de travailler dorénavant avec un « ami, Vincent Bolloré, si injustement pris à partie ces derniers temps ». Ce dernier est en effet régulièrement critiqué pour ses opinions politiques fortes qui penchent à droite, et se reflètent dans plusieurs de ses médias comme la chaîne d'information en continu CNEWS. Ses critiques craignent qu'il les impose désormais aux maisons d'édition de Hachette Livre et aux médias de Lagardère.

Auditionné début 2022 par des sénateurs inquiets de son influence grandissante, M. Bolloré avait rejeté toute accusation d'interventionnisme. « Je ne fais pas de politique », clamait-il, contre les enquêtes de plusieurs médias. La nouvelle du feu vert de Bruxelles arrive peu avant l'assemblée générale de la holding familiale des Bolloré, la Compagnie de l'Odet, prévue le 14 juin.

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Commentaire 1
à écrit le 11/06/2023 à 5:15
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Le dessous de table a du etre consequent.

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