Orange : des salariés actionnaires veulent chasser Bpifrance du conseil

L’Association pour la défense de l’épargne et de l’actionnariat des salariés d’Orange (Adeas) et la CFE-CGC de l’opérateur historique, qui pèsent ensemble 5% du capital, demandent la révocation de Bpifrance du conseil d’administration du groupe lors de la prochaine assemblée générale, le 4 mai 2018. Ils brandissent un risque de conflit d’intérêt estimant incompatible la présence de Bpifrance, via son PDG Nicolas Dufourcq, au conseil, alors qu'il est aussi présent au capital de Kosc Telecom, un nouvel opérateur concurrent dans les télécoms d’entreprise.
Pierre Manière
Nicolas Dufourcq, le PDG de la BPI, la représente au conseil d'administration d'Orange depuis le 19 janvier.

La nouvelle va, à n'en point douter, pimenter la campagne pour la succession de Stéphane Richard à la tête d'Orange. Des salariés actionnaires du géant des télécoms ont décidé de demander la révocation de Bpifrance du conseil d'administration du groupe. L'Association pour la défense de l'épargne et de l'actionnariat des salariés d'Orange (Adeas) et la CFE-CGC de l'opérateur historique, qui représentent ensemble 5% du capital du groupe, feront cette demande lors de la prochaine assemblée générale, le 4 mai 2018.

Selon eux, il est inacceptable que Bpifrance - qui possède 9,60% de l'opérateur historique - soit présente au conseil de l'opérateur historique, alors qu'en parallèle, elle investit dans un nouveau concurrent direct d'Orange sur le marché des télécoms d'entreprise, Kosc Telecom. Ils invoquent un risque de conflit d'intérêt.

"Faire cesser un trouble manifeste"

"En tant que fonds d'actionnaires salariés, l'Adeas et la CFE-CGC demanderont le vote d'une résolution à l'assemblée générale des actionnaires d'Orange, précise à La Tribune Patrice Brunet, le président de l'Adeas. Celle-ci vise à faire cesser le trouble manifeste qui est aujourd'hui le nôtre, en ayant un administrateur représentant d'une personne morale, Bpifrance, qui a de toute évidence des actions de soutien à un concurrent sur le marché des télécoms d'entreprise".

Contacté par La Tribune, un porte-parole d'Orange assure que Stéphane Richard "n'était en rien au courant de cette initiative". Avant de rappeler que "de nombreux garde-fous existent pour empêcher les conflits d'intérêts, y compris dans le règlement du conseil d'administration". Concernant la possibilité d'un conflit d'intérêt mêlant Bpifrance, Orange et Kosc, le porte-parole du groupe de télécoms se montre très prudent. "Bpifrance investit couramment depuis des années dans des réseaux d'initiative publique, et autres structures en concurrence avec Orange, sans que cela entraîne des conflits d'intérêt..." Interrogé par La Tribune, Bpifrance ne fait pour sa part aucun commentaire.

Accès de Bpifrance à des informations stratégiques

Président du syndicat CFE-CGC, Sébastien Crozier juge qu'il y a pourtant un risque de conflit d'intérêt. "Le problème, c'est qu'en siégeant au conseil d'administration, Bpifrance a accès à toutes les données du marché entreprise d'Orange, comme les taux de marge", précise-t-il. En clair, ces informations pourraient, selon lui, nuire à Orange si elles devaient tomber dans l'escarcelle de Kosc Telecom. Pour rappel, Kosc Telecom est un nouvel entrant sur le marché des télécoms d'entreprise. Né en 2016, le groupe a bénéficié du soutien de Bpifrance, qui y a injecté 9 millions d'euros.

Interrogé par La Tribune, Kosc Telecom affirme que Bpifrance a investi 4 millions d'euros en actions (soit 15% du capital de l'entreprise), et 5 millions sous forme de prêt. Directeur d'investissement chez Bpifrance, Thomas Bouton représente le groupe au conseil de Kosc. En baissant les prix, ce nouvel arrivant veut se faire un nom dans les télécoms professionnelles. Kosc bénéficie au passage de la bienveillance de l'Arcep, le régulateur des télécoms, qui souhaite plus de concurrence sur ce marché de 10,6 milliards d'euros. Sachant que celui est aujourd'hui ultra-dominé par Orange, qui en possède environ 70%.

Le timing de l'initiative pose question

Toutefois, le timing de cette résolution contre la présence de Bpifrance au conseil interroge. Elle pourrait être liée au fait que Stéphane Richard, le PDG d'Orange, achèvera en avril prochain son second mandat à la tête de l'opérateur historique, et est en campagne pour être renouvelé. De fait, le poste est envié et suscite des convoitises. Dans le monde des télécoms, on prête, entre autres candidats, à Nicolas Dufourcq, le PDG de Bpifrance, qui représente la banque publique au conseil d'Orange depuis le 19 janvier, l'ambition de succéder à Stéphane Richard. Il connaît bien l'entreprise puisqu'il a dirigé Wanadoo sous l'ère France Télécom. Dès lors, on peut se demander si l'annonce de cette résolution des salariés actionnaires ne vise pas à le mettre hors course. Patrice Brunet, le président de l'Adeas, affirme qu'il n'en est rien : "On n'est pas contre Nicolas Dufourcq, en tant que personne, on est contre la position de l'administrateur personne morale Bpifrance au board."

Pourtant, dans la mesure où le soutien de Bpifrance à Kosc Telecom a été annoncé en mars 2016, la CFE-CGC et l'Adeas auraient très bien pu déposer leur résolution plus tôt, à la précédente assemblée générale au moins de juin. A ce sujet, Patrice Brunet affirme qu'avec la CFE-CGC, il a décidé d'agir "immédiatement, dès [qu'il a] eu conscience du problème" - soit, en clair, après la dernière AG. Il assure qu'il ne souhaite ici que "défendre les intérêts d'Orange", et non peser, via ce dossier, sur la campagne pour la succession ou le renouvellement de Stéphane Richard.

Le franc soutien de l'Adeas et de la CFE-CGC à Richard

Reste que la CFE-CGC comme l'Adeas souhaitent clairement que le patron actuel soit investi d'un troisième mandat. "Nous soutenons clairement Stéphane Richard, affirme Patrice Brunet. Nous avons un PDG qui fait le job, qui porte un dialogue avec l'ensemble des partenaires sociaux". Même son de cloche pour Sébastien Crozier, qui juge que "perdre Stéphane Richard, c'est avoir la certitude d'une déstabilisation d'Orange dans sa performance opérationnelle pour plusieurs années". Ne serait-ce, d'après lui, parce que sa succession n'aurait "pas été préparée" par l'Etat.

Quoi qu'il en soit, certains rivaux de Stéphane Richard commencent vraisemblablement à envoyer leurs piques. D'après Challenges (en date du 5 octobre), une note anonyme a récemment circulé "dans l'entourage commun du président de la République et de son Premier ministre". Celle-ci tirait à boulet rouge sur le bilan de Stéphane Richard, affirmant, par exemple, que "la France ne peut compter sur Orange pour prendre le leadership européen dans la révolution numérique". Selon le magazine, Stéphane Richard, visiblement remonté, "a fait rédiger une réponse de huit pages qui réfute point par point les accusations". La campagne pour la tête d'Orange est bel et bien lancée.

Pierre Manière

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Commentaires 5
à écrit le 13/10/2017 à 11:38
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Ce serait une bonne idée.. BPI sortirait , troquant ses 10% de capital (environ 4Mds€) contre le réseau de fourreaux constitutionnellement propriété de la nation, et fonde une structure en régions possédant 51% de ces infrastructures essentielles, av...

à écrit le 12/10/2017 à 17:20
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une petite confusion l'ADEAS est la 2ème association de salariés actionnaires et ne représente donc pas la totalité de ces mêmes salariés. La première et de loin est l'Aasgo

à écrit le 12/10/2017 à 10:27
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Macron a songé à vendre Orange à China Mobile pour un yuan symbolique....(ses conseillés ENA/ESSEC/Science PO/X/ESCP/HEC/Normal Sup, donc tous très intelligents lui avaient soufflé qu’avec la Nouvelle Route de la Soie Chinoise toute la France aurait...

à écrit le 11/10/2017 à 19:07
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Tous les salariés d'Orange avec S. Richard ! Essayez de le sortir et...

à écrit le 11/10/2017 à 18:15
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"des salariés actionnaires veulent chasser Bpifrance du conseil" Salariés, mais surtout cadre : 2015 : Les salariés actionnaires d'Orange, réunis au sein de l'Association de l'Actionnariat Salarié Groupe Orange (AASGO), estiment dans un commun...

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