Simon Dawlat, le startuppeur qui a rebondi

Avec AppGratis, Simon Dawlat a vécu un succès foudroyant, suivi d'une chute non moins brutale. Mais il a su rebondir en créant Batch.com, un service de notifications sur smartphone qui séduit médias et annonceurs.
Simon Dawlat a vu sa poule aux œufs d'or, l'application mobile AppGratis, être déréférencée de l'AppStore en avril 2013. Trois ans plus tard, il commercialise Batch.com, un service de notifications push sur smartphone, à destination des médias, d'e-commerçants et de banques, entre autres.
Simon Dawlat a vu sa poule aux œufs d'or, l'application mobile AppGratis, être déréférencée de l'AppStore en avril 2013. Trois ans plus tard, il commercialise Batch.com, un service de notifications push sur smartphone, à destination des médias, d'e-commerçants et de banques, entre autres. (Crédits : Manuel Obadia-Wils)

Splendeurs et misères des startuppeurs : un Balzac moderne pourrait écrire l'histoire de Simon Dawlat. Le trentenaire - amateur de littérature - a connu un succès fulgurant en 2010 avec AppGratis, avant de se faire éjecter sans ménagement trois ans plus tard de l'AppStore d'Apple.

Avant cette aventure entrepreneuriale mouvementée, ce Parisien de naissance, fils d'un photographe de mode et d'une styliste, a vécu une jeunesse bohème, naviguant autour du monde pendant quatre ans avec ses parents et sa jeune sœur. Adolescent, Simon est fan de jeux vidéo et monte le site communautaire ESFrance pour les adeptes de "Counter Strike", un des premiers jeux massivement multijoueurs.

« Je me suis consacré à ce forum, puis j'ai créé avec deux associés une SARL, qui vendait du sponsoring. Ce fut ma première expérience d'entrepreneur », explique celui qui se présente comme un geek.

En 2007, le jeune homme, titulaire d'une licence de lettres modernes, part à San Francisco pour travailler dans l'agence de marketing d'un ami de la famille. Très vite, il se fait embaucher par un des clients, Sonim Technologies, fabricant de téléphones portables durcis. C'est l'époque de la sortie de l'iPhone et des premières applications mobiles sur l'AppStore.

Simon Dawlat raconte :

« Un an plus tard, un ami qui travaillait chez Apple m'a conseillé de m'intéresser à cette nouvelle activité. J'ai vite monté une petite équipe en parallèle de mon job à Sonim, et nous avons commencé à développer un jeu mobile, qu'on devait lancer en fin d'année. Mais il n'a jamais vu le jour pour cause de crise des subprimes. »

Licencié par Sonim, le jeune homme regagne la France. Sans réseau ni travail, il passe un an à vivoter. Pour s'occuper, il crée un blog sur lequel il teste une application iPhone par jour. Rapidement, le blog conquiert une audience significative et peut vendre quelques bannières de publicité et des contenus sponsorisés. « Début 2010, j'ai dû embaucher des rédacteurs, car de gros annonceurs comme Accor ou Spotify ont commencé à nous démarcher. C'est à ce moment que l'idée d'AppGratis a germé dans mon esprit », explique le trentenaire.

L'équipe passe un an à trouver la bonne martingale : d'abord une newsletter quotidienne, puis une appli envoyée aux 20.000 abonnés, qui la téléchargent quasiment tous.

Le coup de grâce d'Apple

L'effet est immédiat : « Nous sommes devenus premiers de l'AppStore France durant sept semaines, et nous sommes passés de 20.000 à 500.000 abonnés ! », se rappelle avec un peu de nostalgie Simon. Le business model est fondé sur le téléchargement sponsorisé : les développeurs d'applications paient les mises en avant sur AppGratis. La société se développe rapidement, trop vite même, de l'aveu de son fondateur, et le service est lancé en Allemagne, en Espagne, au Brésil.

Fin 2012, la startup lève 10 millions d'euros auprès d'Iris Capital et se lance aux États-Unis.

Erreur fatale : la startup française, forte de 50 millions d'abonnés, apparaît sur le radar d'Apple, qui se rend compte que ce concurrent fait de l'ombre à son AppStore. La firme à la pomme, obsédée par le contrôle de son écosystème, déréférence AppGratis en avril 2013, provoquant sa chute.

Grâce au cash récolté (15 millions d'euros), Simon Dawlat peut mettre en place un plan social plutôt avantageux pour les salariés. Le reste de l'équipe, 30 personnes sur 100, rebondit en lançant Batch.com, un dispositif pour combattre le "churn" (perte d'abonnés, en français) des applis.

« Si vous ne communiquez pas de manière régulière et ciblée, notamment avec des messages "push", les utilisateurs oublient très vite votre application », analyse le startuppeur.

Batch vit pendant deux ans sur ses fonds propres, commence à commercialiser son service en 2016 (50 milliards de messages "push" envoyés), et atteint l'équilibre mi-2017. « Depuis neuf mois, nous sommes en forte croissance et nous sommes présents dans une quinzaine de pays », se félicite le cofondateur de Batch.

Parmi les 500 clients, on trouve les grands médias, qui utilisent le service pour alerter leurs lecteurs sur les "breaking news", mais aussi Chauffeurprivé pour les pushs serviciels (le chauffeur vous attend en bas), ou encore la Société Générale.

« Nous avons connu deux années difficiles, mais nous sommes désormais considérés comme un exemple de startup qui a réussi son pivot [changement d'activité, ndlr] »conclut Simon Dawlat, qui a utilisé une partie du cash généré par AppGratis pour investir dans plusieurs startups, comme Wit. AI, rachetée par Facebook en 2015. Des jeunes pousses avec lesquelles il peut partager son expérience sur les hauts et les bas de la vie d'une startup.

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Mini bio

  • Juin 1984 : Naissance à Paris.
  • 2001 : Bac littéraire.
  • 2004 : Licence de lettres modernes.
  • 2005 : Animation d'ESfrance, site communautaire du jeu vidéo "Counter Strike".
  • 2007 : Part à San Francisco.
  • 2007 : Embauché par Sonim Technology.
  • 2009 : Crée son blog de test d'applis mobiles.
  • 2010 : Monte AppGratis.
  • 2012 : Levée de fonds de 10 millions d'euros.
  • Avril 2013 : Déréférencement par Apple.
  • 2014 : Création de Batch.com.
  • 2016 : 50 milliards de messages push envoyés.
  • 2018 : Le service est présent dans 15 pays.

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Commentaires 4
à écrit le 24/02/2018 à 13:15
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Marrant comment on peut romancer une réalité beaucoup moins glamour ! Apple a prévenu Simon quasiment dès le début que ce n était pas autorisé. Même une personne du fonds Iris a reconnu qu ils ont investi en connaissant ce risque. Mais effectivemen...

le 15/03/2018 à 11:36
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Merci pour la correction SToulego. Un article digne de Balzac en effet... on oubli la pathétique intervention de notre ministre et le fait que Simon n'a pas toujours été exemplaire.

à écrit le 20/02/2018 à 18:16
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Le "startuppeur" c'est quoi ce truc affreux du globish, du sabir rénové? Voulez-vous un coup de main pour des formules correctes, un peu plus Françaises?

à écrit le 17/02/2018 à 14:05
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AppGratis : la neutralité du net par Apple...

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