
Alors que l'arrivée de la 5G suscite des craintes pour l'environnement et la santé, Emmanuel Macron, lui, a fait son choix. « La France va prendre le tournant de la 5G parce que c'est le tournant de l'innovation », a lâché le président de la République, ce lundi à l'Elysée, devant une centaine d'entrepreneurs de la French Tech. Le chef de l'Etat appelle certes à un débat. « On va expliquer, débattre, lever les doutes, tordre le coup à toutes les fausses idées », a-t-il enchaîné. Mais hors de question, pour autant, de retarder davantage le lancement de cette technologie.
Pour les 70 élus écologistes et de gauche qui ont réclamé dans une tribune au JDD ce dimanche un moratoire sur la 5G « au moins jusqu'à l'été 2021 », c'est la douche froide. Glacée, même, puisque le chef de l'Etat s'est copieusement moqué d'eux. « J'entends beaucoup de voix qui s'élèvent pour nous expliquer qu'il faudrait régler la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile, a-t-il fustigé. Je ne crois pas au modèle Amish. Et je ne crois pas que le modèle Amish permette de relever les défis de l'écologie contemporaine. »
Multiplication des critiques
En taxant ainsi la gauche écologiste d'obscurantisme [les Amish sont une communauté religieuse hostile au progrès et qui vivent comme avant la révolution industrielle], Emmanuel Macron plombe la perspective d'un débat apaisé sur la 5G, et plus largement sur la place de la technologie dans la société. Son bon mot pourrait aussi entraver les déploiements dans les collectivités locales. A l'instar de Marseille, Lyon et Bordeaux, plusieurs grandes villes ont été remportées par les écologistes aux dernières municipales. Or, pour déployer des antennes-relais, les industriels des télécoms ont besoin de l'aval des élus. Pas sûr, dans ces conditions, que ces derniers leur déroulent le tapis rouge. « Pour déployer mes antennes, j'ai besoin de déclarations préalables des collectivités locales, explique à La Tribune, un cadre d'un gros opérateur d'infrastructures. Dans toutes ces villes, nous allons être freinés. »
Ces dernières semaines, les critiques envers la 5G se sont multipliées. Il faut dire que les enchères visant à attribuer les fréquences dédiées à cette technologie aux opérateurs se rapprochent à grands pas. Elles débuteront le 29 septembre. D'après l'Arcep, le régulateur des télécoms, les opérateurs pourront lancer leurs premiers services 5G d'ici la fin de l'année.
Les ministres montent au front
Dans ce contexte, le gouvernement a envoyé tous ses ministres au front pour défendre le lancement de la 5G. Ministre déléguée auprès du ministre de l'Economie et des Finances, Agnès Pannier-Runacher a affirmé ce mardi, lors d'un événement organisé à Paris par la fondation Concorde, que cette technologie était « un élément important de notre compétitivité industrielle ». « Ce serait une erreur historique de ne pas y aller », a-t-elle renchéri, rappelant que « la France est un peu en retard, on ne va pas se mentir ».
Ce même jour, Cédric O, le secrétaire d'Etat en charge de la transition numérique, est monté au créneau dans journal Le Monde. D'après lui, la France doit « accélérer dans la 5G » puisque « les impacts sanitaires et environnementaux sont bien documentés et maîtrisés ». La veille, c'est Bruno Le Maire qui le disait sur France 2. « Il est indispensable que nous déployions la 5G, a déclaré le ministre de l'Economie. On ne va pas faire ce cadeau à nos adversaires ou à nos rivaux économiques de prendre du retard. Ce serait une erreur économique dramatique pour le pays. Cela nous priverait d'avancées en matière médicale, en matière de gestion des flux d'énergie, de gestion des transports. »
Macron « devient extrêmement violent »
Les ministres peuvent s'appuyer, désormais, sur un rapport gouvernemental commandé au début de l'été. Celui-ci « estime » ainsi qu'avec la 5G, « l'augmentation aux ondes sera modérée, y compris en phase d'utilisation commerciale ». Les auteurs soulignent que « les éventuels effets de long terme, cancérigène ou non, difficiles à mettre en évidence, sont à ce stade pour l'essentiel, non avérés selon les agences sanitaires nationales et internationales ». Pas de quoi, cependant, rassurer les élus écologistes et de gauche, remontés comme des coucous par les piques du chef de l'Etat. Eric Piolle, le maire EELV de Grenoble, juge qu'Emmanuel Macron « devient extrêmement violent ». Ses propos sont « une caricature du modèle néolibéral, qui n'est plus en phase avec les aspirations de la société », dénonce-t-il. Rarement l'arrivée d'une nouvelle technologie n'a été si mouvementée.
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