Certains territoires vont peut-être essuyer des « black-out » de réseau mobile cet hiver. Ils pourraient faire les frais des « délestages » - des coupures ponctuelles et localisées en cas de pénurie d'énergie - envisagés par RTE et Enedis, les gestionnaires du réseau électrique, pour le mois de janvier. Le sujet était notamment au menu, ce mardi, du dernier conseil des ministres. « RTE a indiqué qu'il estimait que le risque [de délestage, Ndlr] était faible pour les mois de novembre et décembre, précise le compte-rendu de cette réunion, mais qu'il augmentait pour le mois de janvier. » Ce mois-là est classé « rouge », et la probabilité que des délestages s'imposent est désormais très élevée.
Si tel est le cas, les réseaux mobiles en pâtiront. Les antennes situées dans les zones délestées ne fonctionneront plus, faute d'alimentation en électricité. Le temps du délestage et de la remise en route des installations, des Français ne pourront sans doute plus utiliser leur smartphone, et donc joindre les services d'urgence comme les pompiers ou le SAMU. « Tous les appels d'urgence ne passeront pas », affirme à La Tribune une source proche du dossier, qui rappelle que « 95% de ces communications passent par le mobile ».
Les opérateurs remontés contre Enedis
Cette situation suscite la colère des Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. Cela fait des mois qu'ils alertent le gouvernement et les pouvoirs publics à ce sujet. La Fédération française des télécoms (FFT), leur lobby, souhaitait notamment que les réseaux des opérateurs intègrent la liste des clients dits « prioritaires » - comme les hôpitaux - et soient exemptés de délestages. Mais le gouvernement n'a pas donné suite à leurs revendications.
Les opérateurs critiquent aussi le choix d'Enedis, qui chapeaute la distribution d'électricité, d'avoir opté pour un plan de délestage qui concerne tout le monde, sur tout le territoire national. Le secteur aurait préféré que l'énergéticien cible en priorité les entreprises les plus énergivores. Cette option aurait permis, jugent les opérateurs, de préserver toutes les infrastructures télécoms.
Christel Heydemann tire la sonnette d'alarme
Si les opérateurs maugréent contre le plan d'Enedis, ils n'ont d'autre choix, désormais, que de faire avec et de limiter la casse. En premier lieu, tous travaillent à la sécurisation des sites dits « nodaux ». Ces installations critiques - comme les cœurs de réseaux ou certains gros data centers - constituent des carrefours pour les télécommunications. En clair, leur délestage pourrait faire tomber d'importantes parties des réseaux, y compris en dehors des zones concernées. Pour éviter cela, certains sites nodaux devraient bénéficier d'exemptions de délestage. D'autres seront équipés de dispositifs de secours, comme des groupes électrogènes.
Du côté des sites mobiles, l'affaire se corse. « Il est illusoire d'imaginer mettre des batteries au pied de chacun des sites mobiles en France », a déclaré Christel Heydemann, la patronne d'Orange, ce mercredi, lors d'une audition par la commission des Affaires économiques du Sénat. Si les opérateurs peuvent parfois prendre des mesures pour protéger ces infrastructures, encore faut-il qu'ils en aient le temps. Aujourd'hui, Enedis compte les prévenir qu'un délestage surviendra la veille, à 17h. Aux yeux des opérateurs, ce délai s'avère très insuffisant.
Privilégier le 112
En parallèle, les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free affirment qu'ils ne disposent pas encore de toutes les informations d'Enedis dont ils ont besoin pour « optimiser le maillage des antennes et limiter au maximum les effets sur les appels d'urgence », explique notre source. Interrogé par La Tribune, l'énergéticien ne répond pas à ces critiques. Enedis affirme simplement que « si un dispositif de délestage devait être mis en œuvre en dernier recours, toutes les antennes-relais, au nombre d'environ 100.000 sur l'ensemble du territoire [60.000 en réalité, Ndlr], ne seraient pas impactées ».
Quoi qu'il en soit, ces délestages, s'ils surviennent, devront faire l'objet d'une importante campagne de communication. Les opérateurs estiment que les habitants des zones délestées devraient rester chez eux, et privilégier le 112 s'ils ont besoin de joindre les services d'urgence. Ce numéro maximise les chances de trouver du réseau car il utilise les antennes de tous les opérateurs, quel que soit celui auquel on est abonné. Si le sujet irrite et inquiète tant les opérateurs, c'est parce que tous ont en mémoire les conséquences dramatiques de la panne survenue chez Orange en juin 2021. Celle-ci avait duré sept heures, et au moins six personnes étaient décédées faute de pouvoir joindre les secours.
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