
Les opérateurs allemands vont-ils devoir démonter tous les équipements chinois de leurs réseaux mobiles ? Berlin réfléchit sérieusement à cette possibilité. Nancy Faeser, la ministre allemande de l'Intérieur, a affirmé au journal Bild que les composants chinois présents dans les réseaux télécoms faisaient l'objet d'un examen approfondi. Elle a ajouté que l'objectif était d'identifier les risques, de prévenir les dangers, et d'éviter les dépendances. La ministre a justifié ces travaux au regard de la sensibilité des infrastructures de réseau mobile, qualifiées de « critiques ».
Nancy Faeser n'a cité aucun groupe en particulier. Mais ce sont bien les équipements des chinois Huawei et ZTE, présents dans une grande partie des réseaux mobiles 4G et 5G d'Allemagne, qui sont visés. Le mois dernier, une source gouvernementale avait d'ailleurs déclaré à l'agence Reuters que l'Allemagne envisageait d'interdire certains de leurs produits. L'exécutif redoute que leurs infrastructures servent à des fins d'espionnage, ou de sabotage, pour le compte de Pékin.
Huawei très présent dans les réseaux allemands
Il y a deux ans, l'Allemagne avait pourtant adopté une loi sur la sécurité informatique. Celle-ci prévoyait que tous les équipements et logiciels dédiés 5G soit vérifiés et certifiés par différents services. Les opérateurs avaient, alors, écarté les équipements chinois de leurs infrastructures de « cœurs de réseaux », où transitent toutes les communications. Mais ils ont continué à se fournir auprès de Huawei ou de ZTE pour moderniser leurs antennes 4G et les passer en 5G.
D'après Strand Consult, un cabinet danois spécialisé dans les télécoms, 59% d'entre elles proviendraient de fournisseurs chinois. « Huawei jouit d'une plus grande part de marché à Berlin qu'à Pékin, où il partage le marché avec ZTE et d'autres fournisseurs », précise même Strand Consult. Si Deutsch Telekom, Vodafone ou Telefonica devaient remplacer leurs équipements chinois, la note sera forcément très salée... Le déploiement de la 5G, jugée essentielle pour numériser et moderniser les entreprises, devrait aussi en pâtir. Pour Huawei, un bannissement de l'Allemagne, un de ses premiers marchés en Europe, constituerait aussi un coup dur, à l'heure où le groupe, qui pâtit de violentes sanctions américaines, cherche à se relancer.
- Lire aussi : Symbole de la guerre technologique entre la Chine et les Etats-Unis, Meng Wanzhou prend la tête de Huawei
Une décision sous couvert de tensions géopolitiques
Ces débats sur l'avenir de Huawei et de ZTE interviennent alors que l'Allemagne souhaite moins dépendre de la Chine pour ses échanges commerciaux, dans un contexte de fortes tensions géopolitiques depuis le début de la guerre en Ukraine. Au début du mois, Christian Lindner, le ministre allemand des Finances, s'est inquiété de la « forte dépendance » économique de l'Allemagne à la Chine, appelant à « diversifier » les partenaires commerciaux du pays.
Berlin est depuis six ans le principal partenaire économique de l'Empire du milieu. Beaucoup d'industriels allemands ont délocalisé une partie de leur production en Chine. Ils importent donc massivement des éléments indispensables à leur activité depuis ce pays. La Chine est, par ailleurs, l'un des principaux clients de l'énorme secteur automobile allemand.
Berlin risque des mesures de rétorsion
Dans ce contexte, chasser Huawei et ZTE constituerait, forcément, une décision difficile pour Berlin. L'Allemagne pourrait craindre des mesures de rétorsion de Pékin. L'équipementier suédois Ericsson a, par exemple, vu ses parts de marché s'effondrer en Chine après que Stockholm a décidé d'exclure Huawei du pays.
Sujets les + commentés