Pour SFR et Bouygues Telecom, c'est la douche froide. Les deux opérateurs fulminent depuis l'arrivée de la loi du 1er août 2019 sur la sécurisation des réseaux 5G. Aussi appelé loi « anti-Huawei », ce texte vise à chasser progressivement l'équipementier chinois, sans le nommer, des réseaux mobiles. A la différence d'Orange et de Free, qui ne recourent pas aux services de Huawei dans l'Hexagone, l'opérateur de Patrick Drahi et celui de Martin Bouygues l'utilisent sur la moitié de leurs réseaux. Avec cette nouvelle loi, ces derniers sont contraints de démonter des milliers d'antennes chinoises - 8.000 pour SFR et 5.000 pour Bouygues Telecom - afin de les remplacer par d'autres équipements, à savoir ceux des européens Nokia ou Ericsson. Le tout à leurs frais, pour une facture qu'ils estiment, selon L'Express, à 2 milliards d'euros. Inacceptable pour SFR et Bouygues Telecom, qui estiment que c'est à l'Etat de les indemniser. Les deux opérateurs arguent, en outre, que ces démontages ralentissent leur déploiement de la 5G face à la concurrence.
Jugeant que cette « loi anti-Huawei » ne respecte pas la Constitution, ils se sont fendus d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Mi-novembre dernier, l'affaire semblait bien engagée. Le Conseil d'Etat validait leur requête, jugée légitime, et demandait au Conseil constitutionnel de trancher. Mais patatras : ce vendredi, l'institution a rendu sa décision. D'emblée, elle approuve la loi Huawei:
« Le Conseil constitutionnel juge que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, prémunir les réseaux radioélectriques mobiles des risques d'espionnage, de piratage et de sabotage qui peuvent résulter des nouvelles fonctionnalités offertes par la cinquième génération de communication mobile, précise son communiqué. Ce faisant, ces dispositions mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation. »
La crainte d'un « switch off »
Pour écarter Huawei, le gouvernement a un temps brandi le risque d'espionnage chinois. Aujourd'hui, l'exécutif et les services de renseignement semblent davantage préoccupés par la possibilité d'un « switch off », soit une extinction des réseaux à distance provoquée par Pékin en cas de conflit, qui accoucherait d'un « black-out » dans certains territoires.
Le Conseil constitutionnel précise surtout que SFR et Bouygues Telecom devront payer de leur poche la note des démontages d'antennes chinoises. « Si la mise en œuvre des dispositions contestées était susceptible d'entraîner des charges pour les opérateurs [...], de telles charges résulteraient de (leurs) seuls choix (initiaux) de matériels et de fournisseurs, lesquels ne sont pas imputables à l'État », affirme l'institution.
La grogne de Xavier Niel et de Free
Cette affaire Huawei ne concerne pas que SFR et Bouygues Telecom. Iliad, la maison-mère de Free, ne cesse de tirer à boulet rouge contre la nouvelle loi. Xavier Niel, son propriétaire et fondateur, juge intolérable sur ses rivaux puisse encore utiliser des antennes chinoises pour quelques années, et pas lui. Orange, pour sa part, se montre désormais silencieux. L'opérateur historique, dont l'Etat est le principal actionnaire, a longtemps pesté contre une interdiction de Huawei. Mais aujourd'hui, Stéphane Richard, son PDG, préfère souligner « le problème majeur » de « la gouvernance » du groupe chinois, soupçonné d'être à la botte de Pékin, « dans un secteur aussi sensible que la technologie ».
- Lire aussi : Huawei en France, la drôle de guerre de la 5G
Huawei, de son côté, continue malgré tout de croire qu'il a un avenir dans l'Hexagone. La semaine dernière, il a même lancé la construction d'une usine d'équipements 5G, la première hors de Chine, près de Strasbourg. Elle devrait être pleinement opérationnelle en 2023. Pour l'industriel, il s'agit d'un investissement conséquent de 200 millions d'euros. Malgré un contexte particulièrement défavorable, le dragon chinois n'a rien perdu de ses ambitions.
Sujets les + commentés