« C'est avoir tort que d'avoir raison trop tôt. » Cette citation de Marguerite Yourcenar s'avère on ne peut plus pertinente en économie. Elle résume, malheureusement très bien, les déboires de Sigfox. L'ancienne star française de l'Internet des objets, en manque de liquidités, a été placée, ce mercredi, en redressement judiciaire. Fondée en 2009, cette startup toulousaine a été un précurseur. Elle a développé avant tout le monde une technologie permettant de connecter des myriades d'objets, grâce à des capteurs à bas coût et peu énergivores. Son objectif : permettre aux entreprises, en connectant leurs actifs, de révolutionner leurs processus industriels, leur logistique, comme de lancer de nouveaux services tout en réalisant de grosses économies.
Mais la mayonnaise n'a jamais pris. Du moins pas dans les proportions espérées. Sigfox est, vraisemblablement, arrivé trop tôt, et a sans doute sous-estimé le temps que les industriels mettraient à adopter ce type de solution. Dans son communiqué, le groupe le concède : « La décision de placer Sigfox sous la protection de la justice s'est imposée en raison d'un cycle d'adoption moins rapide que prévu de sa technologie. » Alors qu'en 2019, Sigfox tablait encore sur 1 milliard d'objets connectés à son réseau, il n'en compte, aujourd'hui, qu'environ 19 millions. Autant dire qu'on est loin, très loin du compte.
Une situation financière intenable
Asphyxié financièrement, et faute d'avoir atteint l'équilibre économique, Sigfox s'est donné un peu d'air, en septembre 2020, en vendant son réseau en Allemagne au fonds d'investissement Cube Infrastructure. Quelques mois plus tard, c'est un grand coup de balais qui a frappé le groupe. Sigfox a taillé à la hache dans ses effectifs. Il est passé de 400 salariés à 250 aujourd'hui. Surtout, Ludovic Le Moan, son emblématique patron, a été prié de rendre son tablier. Il a été remplacé par Jeremy Prince, ancien président de Sigfox USA, et membre du comité exécutif.
Il y a quelques semaines, celui-ci se montrait, dans un entretien à La Tribune, résolument optimiste sur l'avenir du groupe. Même si celui affichait pourtant en 2020, selon nos informations, une perte de plus de 90 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 24 millions d'euros. Le tout couplé à une dette de 153 millions d'euros. La stratégie de Jeremy Prince consistait, pour l'essentiel, à serrer les dents, en attendant que le marché de l'Internet des objets décolle. Et donc que Sigfox engrange enfin des bénéfices. Mais pour tenir, Sigfox avait impérativement besoin de vendre son réseau français, Sigfox France SAS, également placé en redressement judiciaire. Selon nos information, un repreneur s'est positionné. Mais il a fait faux bond. Sans cette manne financière, Sigfox s'est retrouvé dos au mur, ce qui a précipité sa chute.
Le contexte économique et la crise sanitaire n'ont pas non plus aidé. Dans son communiqué, Sigfox souligne que « le secteur de l'IoT a été marqué par la crise de la Covid-19 qui a ralenti l'activité sur les deux dernières années ». Le groupe a également pâti d'une autre crise: celle des semi-conducteurs, avec « un marché des composants électroniques en pénurie depuis plusieurs mois ».
Une consolidation du marché de l'Internet des objets ?
Désormais, Sigfox est en quête d'un repreneur. Débute maintenant une période d'observation de six mois, laquelle est renouvelable. Un administrateur judiciaire doit aider le groupe à identifier des acheteurs potentiels. Qui pourrait être intéressé ? Peut-être un concurrent de Sigfox. A côté du groupe toulousain, d'autres technologies similaire existent, comme LoRa ou NB-IOT. La vente de Sigfox pourrait être l'occasion d'une consolidation du marché, comme l'envisageait, déjà, Jeremy Prince il y a plus d'un mois. A La Tribune, il s'est dit persuadé que « la technologie Sigfox, sera, quoi qu'il arrive, toujours là parce qu'elle est nécessaire pour certains cas d'usages ». « Même dans le pire des cas, a-t-il ajouté, cette technologie restera par consolidation. » Les prochains mois seront, quoi qu'il en soit, décisifs pour l'avenir du groupe.
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