Trafic Internet : la voracité des géants du Net coûte cher aux opérateurs télécoms

Plus de la moitié du trafic Internet est aujourd’hui monopolisée par Google, Facebook, Netflix, Apple, Amazon et Microsoft, affirme une étude réalisée pour le compte de l’ETNO, le lobby des opérateurs télécoms européens. Ces derniers estiment que cela leur coûte chaque année entre 15 et 28 milliards d’euros. Ils appellent Bruxelles à se mobiliser pour que les géants du Net participent au financement des réseaux.
Pierre Manière
Les opérateurs télécoms européens militent pour que les grandes plateformes américaines investissent 20 milliards d'euros par an dans leurs réseaux.
Les opérateurs télécoms européens militent pour que les grandes plateformes américaines investissent 20 milliards d'euros par an dans leurs réseaux. (Crédits : Dado Ruvic)

Alors que l'Union européenne se mobilise enfin pour réguler les géants américains du Net, les opérateurs télécoms espèrent que Bruxelles entendra leurs récriminations. Cela fait des années qu'ils montent au créneau contre les Gafa. Ils déplorent que ces mastodontes ne payent pas un centime pour leurs réseaux 4G, 5G ou en fibre optique alors qu'ils en sont les plus gros utilisateurs. Une étude réalisée par le cabinet de conseil Axon, pour le compte de l'European Telecommunications Network Operators' Association (ETNO), le lobby des opérateurs européens, lève le voile sur cette réalité.

Selon ces travaux, relayés par le Financial Times, Google, Facebook, Netflix, Apple, Amazon et Microsoft représentent 55% du trafic Internet global sur leurs réseaux. L'étude d'Axon souligne, surtout, que cela n'est pas sans conséquence pour le secteur des télécoms : cela lui coûterait, chaque année, entre 15 et 28 milliards d'euros.

Au regard de l'ETNO, cette situation est inacceptable. Le lobby appelle l'UE à faire passer les grandes plateformes à la caisse. Selon les opérateurs, si certains de ces mastodontes remettaient 20 milliards d'euros par an aux opérateurs, cela permettrait de créer quelque 840.000 nouveaux emplois d'ici à 2025, et de réduire considérablement la consommation d'énergie du secteur.

Les opérateurs veulent « une contribution » des Gafa

« Nous voulons lancer un dialogue ouvert avec les décideurs politiques, les consommateurs et les entreprises technologiques sur la façon de remédier aux déséquilibres spécifiques des marchés du trafic Internet », a déclaré Lise Fuhr, la directrice générale de l'ETNO, selon le Financial Times.

Toujours selon le quotidien économique, l'association s'appuie notamment sur une déclaration de la Commission européenne concernant le numérique. Celle-ci précise que « tous les acteurs du marché qui bénéficient de la transformation numérique doivent apporter une contribution juste et proportionnée aux coûts des biens, services et infrastructures numériques ».

Ce n'est pas la première fois que les opérateurs télécoms critiquent l'utilisation massive de leurs tuyaux par les Gafa. En novembre dernier, les PDG d'Orange, de Proximus, d'Altice Portugal, de Deutsche Telekom, de BT et de Vodafone ont signé une tribune, sous l'égide de l'ETNO, pour réclamer davantage d'équité vis-à-vis des géants américains du Net.

« Une part importante et croissante du trafic sur le réseau est générée et monétisée par les grandes plateformes technologiques », ce qui « nécessite des investissements continus et intensifs dans le réseau », soulignaient alors les opérateurs. Or « ce modèle » ne peut être « durable », insistaient-ils, « que si ces grandes plateformes technologiques contribuent également de manière équitable aux coûts du réseau ».

Ce nouveau coup de gueule de l'ETNO intervient alors que tous grands opérateurs européens souffrent en Bourse. Ils font aujourd'hui l'objet d'une fronde des investisseurs. Ceux-ci pestent, justement, contre leurs énormes investissements dans les réseaux, dans un contexte concurrentiel féroce et encouragé depuis des années par Bruxelles.

Avant de céder les rênes d'Orange à Christel Heydemann, le mois dernier, Stéphane Richard s'est montré particulièrement critique à l'égard de l'Union européenne, qui a, selon lui, une grande responsabilité dans cette situation.

« Vous savez, moi, en onze ans [en tant que PDG d'Orange, Ndlr], j'ai perdu un certain nombre d'illusions sur ce qu'on pouvait attendre de l'Europe, a-t-il lâché fin décembre, lors d'une conférence à Paris. Pardon, mais quand il s'agit de régulation, de concentration - et je suis bien placé pour le savoir -, il y a malheureusement une extraordinaire inertie dans le système. »

A en croire l'ancien responsable, Bruxelles a donné beaucoup trop de liberté aux Gafa, qui, grâce aux réseaux des opérateurs, ont transformé le continent en « colonie numérique »« Je me souviens toujours de cette phrase d'Eric Schmidt, ex-président de Google : 'You made the investments, I made the profits' ['Vous avez fait les investissements, j'ai engrangé les profits', Ndlr], s'est rappelé l'ancien patron d'Orange. C'est tellement ça... Et qu'est-ce qu'on a fait pour aller un peu à l'inverse de cette logique ? Rien. Strictement rien. » Cette tendance va-t-elle s'inverser ? C'est peu dire que les opérateurs attendent Bruxelles au tournant.

Pierre Manière

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Commentaires 9
à écrit le 05/05/2022 à 10:53
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Je télécharge mes jeux que je n'achète plus en version physique. Je télécharge les mises à jour de mon PC mon téléphone m'a console ma télé. Nous regardons des gigas de télévision, oui regarder la télé ça consomme de l'intérêt. On regarde aussi Net...

à écrit le 03/05/2022 à 10:50
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Technique commerciale bien éprouvée: j augmente les services ( les giga qui me coûtent rien) et en même temps j augmente le tarif… Il faudrait des offres plus adaptées à la consommation du client .. mais ça c est contradictoire avec le business qui...

à écrit le 03/05/2022 à 10:49
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Technique commerciale bien éprouvée: j augmente les services ( les giga qui me coûtent rien) et en même temps j augmente le tarif… Il faudrait des offres plus adaptées à la consommation du client .. mais ça c est contradictoire avec le business qui...

à écrit le 02/05/2022 à 21:11
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Les gens payent déjà très cher une bande passante mutualisée de plus pendant les heures hors de chez soi on payent alors que personne ne s'en sert . Pour finir sans fessebook et autres ,personnes ne paieraient aussi cher pour payer seulement ses imp...

à écrit le 02/05/2022 à 19:48
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y a une solution marketing......tu factures ce que les gens consomment; tu mets disons 20 go; t'arrives au bout? he ben tu peut rallonger en payant....les gens s'arretent tres vite de regarder des videos de chats et de bebes

à écrit le 02/05/2022 à 19:16
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Il n'est pas question que de l'argent public subventionne des entreprises qui ne sont pas a la hauteur pour simplement créer artificiellement un monde concurrentiel soit disant "libre et non faussée"!

à écrit le 02/05/2022 à 15:04
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La solution, ça serait de mettre fin à l'illimité. Dès lors que l'internaute paye en plus du fixe, un proportionnel aux giga-octets consommés, il fera plus attention à ce qu'il consomme, et c'est toute la chaine des géants du net qui se mettra au dia...

le 02/05/2022 à 18:05
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"Ca ne coutera pas forcément plus cher pour le consommateur : Il suffit de bien calculer les tarifs" Non ça ne dépendra que des tarifs proposés par les opérateurs mais en effet limiter à 30gb/s par mois, faire un forfait bon marché pour celui-ci et a...

le 02/05/2022 à 18:28
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30gb et pas 30 gb/s bien sûr et ils augmentent actuellement les petits forfaits le justifiant en rajoutant du débit.

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