DOSSIER Comment préparer sa retraite quand on dirige une entreprise

Afin de compenser la chute programmée de 70 % des revenus, les chefs d'entreprise doivent s'intéresser dès aujourd'hui aux dispositifs d'épargne salariale et aux contrats de retraite.
Infographie La Tribune

La retraite dans les petites entreprises ? Elle se limite le plus souvent au paiement des cotisations aux régimes obligatoires. Si, en moyenne, 27 % des entreprises françaises se sont « équipées » en retraite supplémentaire, la proportion tombe à 21 % pour celles qui emploient de 10 à 19 salariés, contre 41 % pour celles qui en comptabilisent plus de 200, selon une étude CSA-FFSA. Et dans les TPE (très petites entreprises), selon des professionnels, l'équipement est infinitésimal. Même constat ou presque pour l'épargne salariale : selon la Darès, seuls 10 % des salariés d'entreprises comptant moins de dix personnes profitent d'un de ces dispositifs.

Faire payer l'entreprise

Pourtant, les besoins à couvrir sont importants, notamment pour le chef d'entreprise lui-même. Quel que soit son statut, salarié ou non salarié, il ne peut guère compter sur les régimes obligatoires pour ses vieux jours. En moyenne, la retraite d'un chef d'entreprise touchant 120.000 euros brut par an s'élève à 40.000 euros brut, soit une chute de près de 70 % des rentrées d'argent s'il est salarié. Pour les non-salariés, la dégringolade est parfois encore plus sévère, notamment pour les commerçants, artisans et certaines professions libérales...

Ceux qui ne comptent pas se satisfaire d'une retraite peau de chagrin ont tout intérêt à explorer d'urgence ? et à mettre en place tout aussi vite ! - différents mécanismes qui vont permettre de donner un coup de pouce à leurs revenus futurs. Comment ? En grande partie en faisant payer l'entreprise à leur place !

Avec des déductions fiscales à la clé et, pour les dirigeants salariés, des déductions également sur les cotisations sociales. Avec le PEE (plan d'épargne entreprise) et le Perco (plan d'épargne pour la retraite collectif) dans l'épargne salariale, les contrats dits « article 83 » ou « article 39 » dans l'assurance retraite et les contrats Madelin pour les non-salariés, il existe tout un arsenal à disposition. « Ces dispositifs ne sont pas réservés seulement aux grandes entreprises, précise Natacha Moinard, responsable marketing épargne et retraite chez Swiss Life. Ils sont également très bien adaptés aux TPE et PME, où ils profitent directement aux dirigeants. »

À l'exception des contrats Madelin, qui sont personnels, tous les autres dispositifs sont collectifs : il faudra donc en faire également bénéficier tous les salariés (pour l'épargne salariale), et au moins une catégorie homogène d'entre eux pour la retraite supplémentaire. Bon à savoir, cette catégorie peut cependant comprendre uniquement les seuls cadres dirigeants par exemple. Ce qui revient à être seul à en profiter lorsqu'on est seul maître à bord. Mais attention : si un autre cadre dirigeant est embauché, il en bénéficiera automatiquement.

Peur de la paperasserie et de la perte de temps ? En l'absence de représentants des salariés dans l'entreprise, elle est dans ce cas injustifiée : avec la création des plans d'épargne interentreprises, un PEE et un Perco peuvent être créés avec une signature et une simple déclaration à l'inspection du travail. Idem pour les régimes de retraite. Banquiers et assureurs se feront certainement un plaisir de faire des propositions adéquates...

4 grands types de dispositifs à la loupe

1 - Les plans d'épargne : un outil souple et attractif

Vous avez au moins un salarié, ne serait-ce qu'à temps partiel, dans votre entreprise, votre cabinet ou votre commerce ? Si c'est le cas, et quel que soit votre statut, vous pouvez mettre en place un dispositif d'épargne salariale et en profiter personnellement, dès lors que vous employez moins de 250 salariés.

Le principal avantage ? Les sommes versées par l'entreprise sont déductibles de ses résultats et ne sont soumises que partiellement à des charges sociales. Résultat : c'est une bonne affaire pour l'entreprise qui verse ainsi de la rémunération différée à moindre coût, et pour les bénéficiaires qui se constituent une épargne à bon compte.

Pour viser la retraite, c'est un plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) qu'il faut mettre en place. Les sommes qui y sont placées sont bloquées jusqu'à la cessation d'activité, puis disponibles sous forme de capital non imposable ou de rente viagère (partiellement imposable). Le Perco accompagne obligatoirement un plan d'épargne entreprise (PEE), où les sommes sont bloquées cinq ans seulement.

Ces plans peuvent être alimentés par des primes de participation, d'intéressement ou tout simplement par un abondement de l'entreprise. Ce dernier peut atteindre 2.828 euros dans le PEE et 5.656 euros dans le Perco (8 % et 16 % du plafond annuel de la Sécurité sociale). Attention, tous les salariés doivent pouvoir en profiter et il faut les en informer, sous peine de voir les exonérations remises en cause.

2 - Le contrat « article 83 » : la rente au bout du chemin

Les chefs d'entreprise qui ont la qualité de salarié peuvent choisir, en complément ou non d'un plan d'épargne, de créer un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies, dit « article 83 » en référence à l'article du Code général des impôts qui fixe les conditions de déductibilité. Ici, il s'agit véritablement de retraite « tunnel », car les sommes épargnées sont bloquées jusqu'à la cessation d'activité, puis reversées uniquement sous forme de rente viagère. Dans l'intervalle, les sommes fructifient dans le fonds en euros des assureurs ou dans des unités de compte, comme n'importe quel contrat d'assurance-vie ordinaire.

Leur plus gros atout, c'est que l'entreprise cotise, et que ces sommes sont déductibles fiscalement à hauteur de 8 % de la rémunération (mais de 5 % seulement pour les cotisations sociales). Elles ne sont pas imposables pour le salarié, qui les conserve sur son compte personnel, quand bien même il quitterait l'entreprise. Il est également possible d'y effectuer des versements supplémentaires depuis son épargne personnelle, et de bénéficier de la déduction fiscale accordée au Perp (plan d'épargne pour la retraite populaire).

Attention : un contrat « article 83 » est toujours collectif et doit cibler, au minimum, une catégorie homogène de salariés. Le plus souvent, ce sont les cadres qui en bénéficient. « Il n'existe pas de minimum de cotisation légal, mais nous conseillons à nos clients d'y consacrer au moins 0,5 % de la rémunération des salariés visés », précise Natacha Moinard, chez Swiss Life.

3 - Retraites chapeaux : taxées mais incontournables

Montrées du doigt quand elles concernent les patrons de CAC 40 qui se voient attribuer des sommes colossales, les retraites à prestations définies (plus connues sous le nom de retraite chapeau ou « article 39 ») constituent le dernier recours des dirigeants d'entreprise pour donner un coup de fouet à leurs futures pensions.

Avec ce mécanisme, l'entreprise s'engage sur le montant qui sera versé aux salariés, et pas seulement sur le niveau des cotisations. La retraite y est généralement exprimée sous forme d'un pourcentage du dernier salaire par année de présence.

À l'inverse d'un « article 83 », les sommes ne sont pas versées sur un compte personnel, car ces droits sont conditionnés à la présence du salarié dans l'entreprise lorsqu'il liquide ses droits à retraite. Elles figurent dans les comptes de l'assureur.

Là encore, il s'agit d'un dispositif collectif, qui concerne une catégorie homogène de salariés. En général, seuls les cadres dirigeants y ont droit. La loi impose en outre désormais qu'un dispositif collectif au profit de tous les salariés soit mis en place (Perco par exemple) pour pouvoir créer un régime chapeau. Les pouvoirs publics ont également durci les prélèvements : l'entreprise est taxée à hauteur de 16 % des cotisations versées (30 % si elles sont supérieures à 282.816 euros). Et le bénéficiaire est taxé à hauteur de 7 % pour les rentes de plus de 400 euros et de 14 % pour celles de plus de 600 euros.

4 - Contrats « Madelin » : une déduction fiscale record

Les chefs d'entreprise non salariés n'ont pas droit à des retraites 83 ou 39, mais ils disposent avec la loi Madelin d'un cadre très attractif pour compléter leur retraite. Fonctionnant comme un contrat d'assurance-vie individuel, un « Madelin » (c'est ainsi qu'on les appelle dans le jargon) s'en distingue sur deux points.

D'abord, l'argent est bloqué jusqu'à la retraite et versé uniquement sous forme de rente viagère. Ensuite, les sommes sont déductibles des bénéfices imposables (mais pas de l'assiette des cotisations sociales). Seuls quelques accidents graves de la vie permettent de récupérer le capital par anticipation et en une seule fois.

Les possibilités de déductions fiscales étant très larges, c'est un cadre bien adapté pour constituer des revenus futurs. On peut y verser et déduire chaque année jusqu'à 10 % de son bénéfice imposable à hauteur d'un plafond de la Sécurité sociale (35.352 euros en 2011), et 15 % de la fraction comprise entre 1 et 8 plafonds. Soit, pour les plus gros revenus, une déduction pouvant atteindre 65.401 euros.

Les contrats Madelin sont proposés par les assureurs, les banques et les mutuelles. Leurs rendements sont proches de ceux de l'assurance-vie, mais ce sont en général des produits assez vieillots et qui comportent des frais importants et des pénalités, à l'ancienne... Mieux vaut donc choisir son contrat avec soin, même si l'assuré conserve le droit de le transférer dans un nouvel établissement s'il n'est pas satisfait.

INTERVIEW Benoît Béral, Consultant d'EPS Partenaires

Les mécanismes d'épargne en entreprise répondent-ils aux besoins de retraite personnels d'un dirigeant de PME ?

Ils permettent de l'améliorer, pas de tout transformer. Nous avons simulé le cas d'un chef d'entreprise salarié ayant versé pendant quinze ans l'abondement maximum dans un plan d'épargne salariale et payé les cotisations les plus élevées dans un contrat de type « article 83 ». Après quinze ans, il aura accumulé des droits à rente annuelle de 19.000 euros, en plus de ceux qui lui reviennent au titre des régimes obligatoires. Le taux de remplacement, c'est-à-dire le rapport entre le dernier revenu d'activité et le montant des pensions, passe ainsi de moins de 35 % (avec un salaire annuel de fin de carrière de 120.000 euros) à près de 50 %. Cela laisse une importante baisse de revenus, mais le fossé est moins profond...

Hors de l'épargne salariale et de l'article 83, point de salut ?

Il est possible aujourd'hui de transférer un peu de « temps » dans un Perco, en monétisant les jours de congés non pris. Cinq jours par an, sans compte épargne temps, dix jours sinon, peuvent ainsi être épargnés pour la retraite, sans impôt et avec très peu de charges sociales. Plus radical : la mise en place d'un contrat « article 39 » si le dirigeant est salarié. C'est moins intéressant que par le passé, mais reste le seul moyen pour faire financer par l'entreprise un complément de retraite significatif.

Les dirigeants de TPE ont-ils raison de craindre d'être engagés à long terme ?

C'est vrai pour les « articles 83 et 39 », pour lesquels il est difficile de revenir sur sa décision. L'épargne salariale est un peu plus souple, surtout si elle est alimentée par un accord d'intéressement qui se déclenche lorsque certains objectifs sont atteints. Un tel accord n'engage que pour trois ans et évite toute dérive des coûts. Enfin, l'abondement versé par l'employeur peut être revu chaque année selon les résultats de l'entreprise.

 

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Commentaire 1
à écrit le 13/04/2015 à 14:58
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Ceci est un vrai problème pour les dirigeants, comment préparer sa retraite tout en étant en conformité avec l'urssaf et le fisc, la réglementation étant de plus en plus sévère ( contrat art 83, 39...) d'autant que comme je le relate dans mon blog : ...

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