Il reste à peine plus d'un mois avant le scrutin européen du 9 juin et le Rassemblement national ne montre aucun signe de reflux. Dans le nouveau sondage réalisé par l'institut Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche, le président candidat du RN, Jordan Bardella, recueille 32% des intentions de vote. C'est 2 points de plus qu'au début du mois d'avril et, surtout, 15,5 points de plus que Valérie Hayer, la tête de liste macroniste. Les principaux facteurs de cette domination sont toujours les mêmes : un soutien massif des électeurs du premier tour de Marine Le Pen à la présidentielle de 2022, doublé d'un report très prometteur de ceux ayant voté pour Éric Zemmour, qui sont aussi nombreux à envisager de voter pour le RN que pour Reconquête.
S'ajoute à cela un captage de couches socioprofessionnelles qui, jadis, se tenaient à grande distance du frontisme. Jordan Bardella arrive en tête chez les retraités, les cadres, les habitants des grandes agglomérations, les diplômés du supérieur ou encore - c'est l'indicateur le plus spectaculaire - chez les Français qui bouclent leurs fins de mois sans se restreindre. « La progression du RN dans les intentions de vote se fait en parallèle d'une homogénéisation de son socle, souligne Bernard Sananès, président de l'institut Elabe. Il a toujours été fort chez les ouvriers et dans les petites communes, il se renforce chez les CSP+ et dans les grandes villes. Ceux qui jouissent d'un mode de vie de cadre jugent désormais qu'il y a des problèmes, notamment dans le domaine de la sécurité, qui justifient de voter pour ce parti. »
La moitié des Français qui ont voté pour Emmanuel Macron en 2022 soutiennent aujourd'hui la tête de liste Renaissance
Le phénomène est d'autant plus ample que l'électorat traditionnel du centre droit, longtemps acquis à la majorité présidentielle, est insuffisamment mobilisé par la candidature de Valérie Hayer. D'après l'étude, seulement la moitié des Français qui ont voté pour Emmanuel Macron en 2022 soutiennent aujourd'hui la tête de liste Renaissance. Celle-ci peut toutefois se rassurer en voyant que son écart avec Raphaël Glucksmann, crédité de 12% des voix, se stabilise. « L'entrée en campagne du chef de l'État permet à Valérie Hayer d'éviter un croisement des courbes, estime Bernard Sananès. Néanmoins, on voit aussi que Jordan Bardella crée un réflexe de vote utile chez les électeurs de François-Xavier Bellamy et de Marion Maréchal. Or, Valérie Hayer n'en déclenche pas chez ceux de Raphaël Glucksmann. Autrement dit, le vote utile antieuropéen ou anti-Macron est plus fort que le vote utile proeuropéen. »
Dernier constat : une légère progression de l'intention de se rendre aux urnes le mois prochain. Aux européennes de 2019, un peu plus de 50% du corps électoral a participé au scrutin. À ce stade, parmi les personnes interrogées par Elabe, 40% se disent « tout à fait » certaines d'aller voter le 9 juin et 16% « envisagent sérieusement » de participer au scrutin. La certitude de mobilisation est la plus élevée chez ceux qui ont voté pour Valérie Pécresse et Éric Zemmour en 2022. Cela n'empêche pas les listes Bellamy et Maréchal d'être en grave difficulté, créditées respectivement de 6,5% et 5% des intentions de vote.
Méthodologie Étude Elabe réalisée pour BFMTV et La Tribune Dimanche. Échantillon de 1.460 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus, dont 1.375 inscrits sur les listes électorales. Interrogation par Internet du 30 avril au 3 mai 2024. La représentativité de l'échantillon a été assurée selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région de résidence et catégorie d'agglomération. Pour les questions d'intention de vote, seules les personnes inscrites sur les listes électorales et ayant l'intention d'aller voter sont prises en compte Marge d'erreur comprise entre 1,1 et 3,5 points de pourcentage. Infographie Camille Chauvin pour La Tribune Dimanche.
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