La crise au Yémen gêne le renseignement US et la lutte anti-Aqpa

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La crise au yemen affecte le recueil de renseigement par les etats-unis pour les frappes contre aqpa[reuters.com]
(Crédits : Mohamed Al-Sayaghi)

par Mark Hosenball et Phil Stewart et Matt Spetalnick

WASHINGTON (Reuters) - Les Etats-Unis ont des difficultés croissantes pour obtenir les renseignements nécessaires pour organiser leur programme de frappes de drones contre Al Qaïda au Yémen après la prise de contrôle par les Houtis d'une partie du pays, indiquent des responsables américains.

Après la chute du gouvernement yéménite la semaine dernière à l'issue de plusieurs jours de combat dans la capitale Sanaa, les rebelles houthis, soutenus par l'Iran chiite, ont pris position dans plusieurs centres de défense et unités du renseignement dont les équipes coopéraient auparavant avec Washington, ce qui a tari plusieurs sources importantes de renseignements servant à cibler les frappes des drones, ont dit ces responsables à Reuters.

En outre, le personnel de l'ambassade des Etats-Unis au Yémen a dû être réduit.

La crise dans le pays menace de créer un vide du pouvoir susceptible de favoriser l'expansion d'Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), qui a notamment revendiqué l'attentat du 7 janvier contre Charlie Hebdo à Paris et est accusé de préparer des attentats contre les intérêts américains.

En septembre dernier, le président Barack Obama avait présenté la coopération avec le Yémen comme un modèle dans la lutte anti-terroriste.

Selon les responsables américains interrogés, l'entraînement des forces spéciales s'est arrêté dans la capitale, mais certaines coopérations conjointes se poursuivent dans le sud du pays, contrôlé par les sunnites et où l'ancien président Abd-Rabbou Mansour Hadi dispose de soutiens.

Une partie du personnel américain reste en place avec les forces du gouvernement yéménite à la base aérienne d'Al Anaad dans le sud du pays, poste de renseignement permettant de surveiller Aqpa.

Stephen Seche, qui fut ambassadeur au Yémen entre 2007 et 2010, dit craindre pour l'avenir de la collaboration entre les services de renseignements américains et yéménites.

"S'il n'y a pas de leadership, alors il n'y a pas de direction claire, il n'y a pas de réelle motivation de le faire", dit-il.

RÉGLER DES COMPTES

La Maison blanche et le Pentagone affirment que les troubles au Yémen n'empêcheront pas de mener la lutte anti-terroriste dans le pays mais en privé, certains responsables américains, n'en estiment pas moins que le programme des frappes de drones risque de souffrir du tarissement du flux de renseignement.

A Sanaa, les services de sécurité yéménites ne font quasiment plus parvenir d'information tandis que la coopération s'est ralentie avec les services de sécurité en dehors de la capitale, confient ces responsables sous le sceau de l'anonymat.

Les Houtis ont érigé des points de contrôle aux entrées de certains sites liés à la sécurité et ont stationné des agents à l'intérieur des locaux, disent les autorités yéménites.

Les rebelles cernent aussi les domiciles du ministre de la Défense et du chef du Bureau de la sécurité nationale.

Les autorités américaines traitent avec circonspection certains renseignements de source yéménite, estimant que des responsables locaux pourraient vouloir régler des comptes et, de ce fait, cherchent à corroborer les faits de sources multiples, soulignent les personnes interrogées.

A la place, les Etats-Unis vont devoir utiliser davantage les drones de surveillance, les satellites espions et autres écoutes électroniques, ainsi que leurs sources propres de "renseignement humain" sur le terrain, dit un responsable directement au fait des opérations.

Dans ce contexte, le gouvernement américain, qui n'attend a priori pas de coopération avec les Houtis, aura sans doute des difficultés à monter les opérations contre des caches d'Al Qaïda du genre de celles menées par le passé sur le terrain par des forces spéciales yéménites entraînées par les Etats-Unis.

Les opérations à l'aide de drones pourront néanmoins se poursuivre, disent les responsables américains. Elles sont menées pour l'essentiel par la CIA. L'Agence centrale de renseignement n'a pas de bases de drones sur le sol yéménite. Elle opère à partir de l'Arabie saoudite et de Djibouti.

L'an dernier, les frappes de drones au Yémen ont tué 124 islamistes et quatre civils, selon la New America Foundation, qui gère une base de données sur le sujet.

Lundi, un tir de missile contre un véhicule par un drone américain dans l'est du Yémen a tué trois membres présumés d'Al Qaïda.

(Avec Yara Bayoumi à Dubaï et Warren Strobel à Washington; Danielle Rouquié pour le service français)