Le tourisme grec rattrapé à son tour par la crise

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Le tourisme grec rattrape a son tour par la crise [reuters.com]
(Crédits : © Reuters Staff / Reuters)

par Matthias Williams et Michele Kambas

PAROS, Grèce (Reuters) - Quand on lui demande ce qu'il pense d'Alexis Tsipras, Alexis Kalaitzoglou, qui tient une boutique sur l'île touristique de Paros, mime un violent coup de pied, comme s'il voulait frapper le Premier ministre grec ou le chasser.

Sa colère s'explique par la volonté des "institutions", les créanciers de la dette, de relever le taux de la TVA sur des biens et service qui fondent le tourisme, le seul secteur en bonne santé de l'économie grecque.

Elle se nourrit aussi de l'incertitude accrue sur l'avenir de son pays depuis que le chef du gouvernement a annoncé un référendum sur les propositions des créanciers, entraînant la fin des négociations et des mesures de contrôle des capitaux qui entrent en vigueur ce lundi.

Kalaitzoglou et sa famille vendent des confitures, du miel et des produits de l'artisanat aux touristes qui se pressent sur cette île de la mer Egée. "La mer et le tourisme forment la colonne vertébrale de notre économie. Si nous touchons aussi à cela, il n'y aura plus d'avenir", dit cet homme de 62 ans.

Les "institutions" réclament notamment un relèvement à 23% du taux de TVA sur la restauration, à 13% sur l'hôtellerie, et la fin du régime d'exemptions fiscales en vigueur sur les îles. Ces exonérations visent à assurer une forme de continuité territoriale et prennent en compte par exemple les coûts de transports des produits, plus élevés que sur le continent.

Face à un relèvement des taux, les restaurateurs auraient le choix entre répercuter l'augmentation sur les additions réglées par leurs clients ou payer la différence de leur poche. "Si la TVA passe à 23%, il vaudra mieux se jeter en mer et en finir avec ça", affirme Kalaitzoglou.

"SI LE TOURISME EST TOUCHÉ..."

Sa colère, partagée par nombre d'acteurs du secteur touristique, illustre le dilemme grec.

Après cinq années de politiques d'austérité en contrepartie d'une assistance financière, la Grèce doit promettre encore plus d'austérité pour maintenir ses finances publiques à flots. Au risque d'entamer davantage encore les perspectives de reprise économique.

"Nous le savons tous, la principale source de devises, c'est le tourisme. Si le tourisme est touché, cela aura une réaction sur l'économie, une spirale récessionniste. Dès lors, comment nos créanciers seront-ils remboursés", souligne George Mbafitis, qui possède un hôtel sur Paros.

Après une fragile reprise économique l'an dernier, la Grèce est retombée en récession. Le tourisme, lui, qui représente près de 20% du PIB grec, a échappé au marasme. L'année dernière, selon l'Association des entreprises du tourisme (SETE), le nombre de visiteurs étrangers arrivés via les aéroports internationaux a bondi de 15%. Au premier trimestre de cette année, la progression est encore plus forte, à 17,5%.

VACANCES À MOINDRE COÛT AVEC UN RETOUR À LA DRACHME ?

Dans ses négociations avec les "institutions" (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), jusqu'à la rupture intervenue ce week-end, Tsipras, vent debout contre de nouvelles baisses des pensions de retraite et des salaires, s'était résolu à envisager un relèvement de la fiscalité des entreprises pour améliorer les recettes de l'Etat.

L'approche a été dénoncée par certains qui estiment que privilégier un relèvement des impôts plutôt qu'une réduction des dépenses publiques laisse de côté des réformes plus concrètes, comme la lutte contre la corruption et l'évasion fiscale ou la réforme du marché du travail et du système des retraites.

"Ils ne veulent pas toucher aux privilégiés, qui sont pour l'essentiel des fonctionnaires, la 'clientèle' des partis politiques", se désole Nicolas Stephanou, qui dirige un portail internet sur le tourisme à Paros.

Le risque s'est accru ce week-end, avec la perspective plausible désormais d'une sortie de la zone euro qui accentue les craintes des acteurs du tourisme grec.

"J'ai des clients qui m'ont demandé ce matin (dimanche) ce qui se passait, ce qu'ils devaient faire", témoigne Dimitris Stavrakis, un hôtelier de Paros.

Certains économistes arguent qu'un "Grexit", et donc un retour à une drachme fortement dévaluée, pourrait agir comme un dopant sur le tourisme et d'autres secteurs des services en les rendant beaucoup moins chers et donc plus attractifs.

Mais Stavrakis juge que le risque est trop élevé. "Il y a tant de questions sans réponse sur la façon dont les choses fonctionneraient si nous revenions à la drachme. Naturellement, les vacances seraient moins chères pour les touristes, mais je ne pense pas que cela soit une option réaliste."

(avec Lefteris Karagiannopoulos à Lefteris; Papadimas à Athènes; Henri-Pierre André pour le service français)