Comment le chômage peut-il autant reculer avec une croissance en baisse ?

Comment expliquer cette déconnexion entre croissance et emploi, quand depuis des décennies les responsables politiques et les économistes jugeaient que pour réduire le chômage, il fallait avant tout soutenir l'activité? L'évolution du type d'emplois créés et les réformes du marché du travail donnent des éléments de réponse.
Pour une même augmentation du PIB, on crée aujourd'hui plus d'emplois qu'auparavant.
Pour une même augmentation du PIB, on crée aujourd'hui plus d'emplois qu'auparavant. (Crédits : Reuters)

Une croissance en fort recul et un chômage qui baisse nettement: c'est le paradoxe apparent de l'économie française en 2019. Un phénomène qui s'explique notamment par l'évolution du type d'emplois créés et les réformes du marché du travail.

Selon les données publiées jeudi par l'Insee, le taux de chômage a nettement baissé en 2019 pour s'afficher à 8,1% fin décembre, tiré en particulier par les créations nettes d'emplois, qui ont atteint 210.000 dans le privé, après 230.000 en 2018.

Une performance remarquable dans un contexte de croissance en net repli: le PIB français n'a progressé que de 1,2% l'an dernier, après 1,7% en 2018.

Comment expliquer cette déconnexion entre croissance et emploi, quand depuis des décennies les responsables politiques et les économistes jugeaient que pour réduire le chômage, il fallait avant tout soutenir l'activité?

D'abord, "il y a en général un petit décalage temporel entre un fléchissement de l'activité ou une accélération de l'activité et sa répercussion en termes d'emploi", note Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l'Insee. La baisse du chômage de l'an dernier illustrerait ainsi les bonnes performances de l'économie française en 2017 (2,4% de croissance) et dans une moindre mesure en 2018 (1,7%).

Mais les fortes créations nettes d'emplois enregistrées en 2019, et plus largement depuis 2016, presque un million cumulé, s'expliquent aussi sans doute selon lui "par un effet des politiques publiques" prises ces dernières années, par exemple la transformation du CICE en baisse durable de cotisations sociales début 2019.

D'autres mesures plus anciennes, comme la loi El-Khomri en 2016 et les ordonnances adoptées en début de quinquennat d'Emmanuel Macron "ont probablement eu un rôle", en particulier le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement "qui réduisent l'incertitude et qui font que les entreprises embauchent plus facilement", avance aussi Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management.

"C'est un succès décisif pour la France et c'est un succès décisif pour la politique économique que nous menons depuis maintenant près de trois ans", s'est d'ailleurs félicité jeudi sur RMC/BFMTV le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire.

Emplois morcelés

Toutefois, les économistes rappellent que ce phénomène d'une croissance peu brillante associée à d'importantes créations d'emploi s'explique aussi par une évolution structurelle du marché du travail.

Avec le temps, la croissance française, comme celle de nombreux pays développés, est devenue plus riche en emplois, du fait de moindre gains de productivité du travail. En d'autres termes, pour une même augmentation du PIB, on crée aujourd'hui plus d'emplois qu'auparavant.

C'est une "tendance de fond" liée à "la montée en puissance des jobs morcelés de services à faible productivité liés notamment aux services à la personne, à la logistique, au gardiennage", détaille dans une note récente Alexandre Mirlicourtois, directeur des études chez Xerfi.

Lire aussi : Moins de croissance, plus d'emplois, moins de chômage : l'explication

Et alors que la population active, c'est-à-dire la population en âge de travailler, augmente moins vite ces dernières années, "en période de croissance, il faut aujourd'hui moins de 100.000 créations d'emplois pour diminuer le nombre de chômeurs, quand il en fallait 200.000 à 300.000 dans les années 2000", ajoute-t-il.

Alors cette situation peut-elle se poursuivre à l'avenir? Pour Philippe Waechter, qui table sur une croissance inférieure à 1% cette année, "on ne peut pas imaginer que l'emploi soit aussi dynamique qu'en 2019". "On va toujours avoir un effet positif lié à la politique économique [...] mais les marges des entreprises vont être un peu plus basses puisqu'on supprime l'effet du crédit d'impôt donc ça va être un peu plus compliqué" pour elles de recruter, ajoute-t-il.

D'ailleurs, la Banque de France anticipe une nette baisse des créations d'emplois dans les prochaines années (153.000 en 2020, puis 82.000 en 2021).

Commentaires 26
à écrit le 14/02/2020 à 14:53
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Macron poursuis la politique économique engagé par Hollande dès 2013/2014. D'ailleurs sous Hollande la croissance était bien plus forte comme le souligne l’Insee 2.4% en 2017. Ensuite celle-ci baisse inexorablement. C'est pathétique de voir Le Maire ...

à écrit le 14/02/2020 à 11:26
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avec ce qui arrive chez Mercedes moins 15milles emplois pour passer a l'électrique combien en France vont perdre leur emploi sachant que la réduction de chômeur en France est sans création d'emploi dans l'industrie m macron vas t'il rémunère les f...

à écrit le 14/02/2020 à 11:17
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En fait c'est la création d'emploi à faible productivité, précaires et à temps partiel, financé par des dépenses fiscales lourdes, donc de la dette. On a fait baissé la fièvre, mais le patient est toujours aussi malade!

à écrit le 14/02/2020 à 10:26
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Les "travailleurs détachés" ne s'inscrivent pas a pôle emploi, ne cotisant pas, me semble t'il?

à écrit le 14/02/2020 à 10:14
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Mais il n'y a rien de nouveau sous le soleil qu'on a pas , les chiffres disent ce qu'on veut leur faire dire et ça marche depuis quarante ans au 21eme siècle comme au 20eme, il ne faut pas être surpris.........

à écrit le 14/02/2020 à 10:05
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constat accablant......... on est dans le droit fil des politiques menées par d autres depuis mles années 80 qui aboutissent aujourd'hui au brexit, à trump et..... a l extrême droite en allemagne.... j ajoute que le commerce mondial a commencé a b...

à écrit le 14/02/2020 à 9:14
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Quelle question ! magouillage de chiffre et enfumage sont les deux mamelles de LREM !

à écrit le 13/02/2020 à 18:57
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Comment le chômage peut-il autant reculer avec une croissance en baisse ? avec une recette de salade composée : a) beaucoup d'esclavage nouveau b) un gros assaisonnement de mensonges gouvernemental c) une énorme organisation de journalleux da...

le 13/02/2020 à 22:05
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Ouideu gros mensonges ! Tous les chomeurs ne sont pas comptabilisés ! Les chomeurs sous dispositif csp ne sont pas comptés ! C'est donc pour cela qu'il est "fortement" conseillé (obligé) d'accepter ce dispositif, même pour ceux tout proches de la...

à écrit le 13/02/2020 à 18:53
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Quand ça s' améliore c'est a cause des politiques mises en place, quand ça se dégrade c'est a cause de la conjoncture ! L'opposé n'est il pas tout aussi vrai ? Avant de parler de succès pour 80 % de chômeurs en plus que dans les pays européens déve...

à écrit le 13/02/2020 à 17:57
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Tout est dit : "des jobs morcelés de services à faible productivité". Du travail précaire pour toujours plus de travailleurs pauvres. Se vanter de faire ainsi baisser le chômage est une insulte aux travailleurs des "Jobs morcelés".

à écrit le 13/02/2020 à 17:12
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Les intervenants LFI, NPA, LCR, PC et consorts (manipulés par qui ? sputnick ?) se déchaînent..... Si le chiffre au sens du BIT - qui sont les seuls chiffres corrects - avaient été mauvais, ces gens là auraient été contents. Comme le chiffre est "b...

le 13/02/2020 à 19:37
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pffui, ca c'est une analyse que l'on ne peut pas contredire, votre analyse est trop bien argumentée comme vous semblez un excellent analyste, expliquez-nous comment avec 4-5% de chômage en Allemagne, il n'y-a pas de croissance ? non mais parce que...

à écrit le 13/02/2020 à 16:54
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Il est autant etonnant de voir le chomage baisser alors que le Pib baisse.....mais il est encore plus etonnant de voir que le nombre d actif croit et pas le PIB correlativement. Ou est l embrouille ?

le 14/02/2020 à 7:35
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Le PIB ne baisse pas puisqu'on est toujours en croissance positive. Pour la baisse du chômage tout est plutôt bien expliqué dans l'article, c'est clairement l'importation d'une (petite) partie des recettes qui ont permis la quasi disparition du chôma...

à écrit le 13/02/2020 à 16:52
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Moins de chômeurs "officiels" (autrement dit, de chômeurs indemnisés) ne veut tout simplement pas dire plus d'anciens chômeurs, ou d'inactifs, qui ont retrouvé un emplois... On peut aussi dire qu'un chômeur qui touche le chômage consommera plus qu...

à écrit le 13/02/2020 à 16:28
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j'ajouterai une forte hausse du halo du chômage en 2019 (+59k sur 2019, T1 2019 -62k mais +153k du T2 au T4 2019) concernant l'impact du CICE à mon humble avis il est à relativiser, celui-ci ne bénéficie pas aux micro-entrepreneurs et entreprises in...

le 13/02/2020 à 19:27
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les micro entrepreneurs n'étant par définition pas salariés et en principe n'étant constitués que d'eux mêmes, ils ne sont pas, en principe, compris dans les séries ,statistiques qui concerne l'emploi SALARIE.Donc vos affirmations selon lesquelles l...

à écrit le 13/02/2020 à 16:04
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Moins il y a de chômage..., moins il y a un problème de retraite mais... visiblement, il ne sont pas optimiste donc... il y a un loup!

le 13/02/2020 à 16:22
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Pas optimistes sur quoi ? Il faut voir sur 10-20 ans. Des ophtalmo par ex, on va en manquer faute d'avoir prévu les nombreux départs à la retraite d'une "tranche d'âge". L'idéal est que les gens (re)trouvant du travail ce soit avec des salaires élevé...

à écrit le 13/02/2020 à 16:02
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Le phénomène n'a rien de nouveau. C'était même la règle dans les pays communistes où régnait le "plein emploi" idéologique. Bien sûr, quand ils se sont effondrés on a constaté que plus du tiers de la population était payée (une misère) pour rester c...

à écrit le 13/02/2020 à 15:39
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Marie Heuclin:la seule journaliste qui pose les bonnes questions en ce moment!Bravo et j'éspère que vous n'aurez pas d'ennuis pour avoir osé aborder le sujet. Au sujet des créations d'emplois:elles sont réelles.Beaucoup de sociétés ou d'entrepren...

à écrit le 13/02/2020 à 15:23
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Peut etre le changement de mode de calcul non ? Faut être vraiment tombé de la dernière pluie pour donner crédit à ces chiffres, ceux de la croissance ou de l'inflation... Ce n'est pas de la Science économique mais de l'Economie Politique ...

à écrit le 13/02/2020 à 15:22
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une politique d amateurisme tricote mais détricote a l image du service national des jeunes !

à écrit le 13/02/2020 à 15:18
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"la montée en puissance des jobs morcelés de services à faible productivité liés notamment aux services à la personne, à la logistique, au gardiennage", Au lycée on nous disait que la mécanisation et la robotisation allaient remplacer les travaux...

à écrit le 13/02/2020 à 15:11
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"Comment le chômage peut-il autant reculer avec une croissance en baisse ?" : Je pense qu'il faut avoir plus de 60 ans pour se poser cette question. La croissance infinie, c'est la vision du 20eme siècle. Maintenant, tout cela est fini. Tout le monde...

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