Laurent Wauquiez fait des émules... jusqu'aux élus les plus centristes. Après la déclaration fracassante du président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes sur la politique de zéro artificialisation nette (ZAN), c'est au tour de Martine Vassal de sortir du bois sur la zone à faibles émissions (ZFE) de la métropole d'Aix-Marseille. Dans La Tribune Dimanche, celle qui est aussi présidente (ex-LR) du conseil départemental des Bouches-du-Rhône annonce qu'elle ne mettra pas en application l'extension de la ZFE au 1er janvier 2025.
En théorie, toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants, au nombre de 43, doivent en effet limiter l'entrée des véhicules les plus polluants dans leur cœur de ville à des degrés plus ou moins prononcés. Dans la pratique, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné, mi-juillet, la carte des ZFE, confirmant Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon, comme des « Territoires effectifs », en ce sens qu'elles dépassent de manière régulière les seuils réglementaires de dioxyde d'azote (40 microg/m3 sur trois années au moins sur les cinq dernières années). Les autres intercommunalités étant catégorisées « Territoires de vigilance ».
Béchu a souhaité donner de l'air aux élus où la qualité de l'air progresse
Autrement dit, Christophe Béchu a souhaité donner de l'air aux élus locaux où la qualité de l'air progresse. Un message qu'il a répété sur LCI le 4 février après avoir été interrogé sur Martine Vassal : « Je n'ai pas de raison d'aller prendre des mesures d'interdiction qui n'auraient qu'une portée électorale ou punitive. La loi dit: "Les collectivités locales ont des marges et appliquent et utilisent ces marges pour pouvoir atteindre les objectifs". »
Relancé sur sa gêne vis-à-vis d'une telle décision, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires persiste et signe: « Là où il n'y a pas de dépassement, il n'y a pas d'obligation punitive. Là où il y en a, vous avez l'obligation de trouver les voies et moyens pour l'atteindre. C'est dans ce cadre que Martine Vassal s'exprime et je crois trop à la décentralisation pour m'en plaindre. »
Outre la cité phocéenne, Rouen, qui figure aussi dans la liste des cinq métropoles les plus polluées, devrait échapper au couperet de l'interdiction des Crit'Air 3 en 2025, puisque son niveau de pollution est descendu sous le seuil de pollution autorisée en 2023. Son président (PS) Nicolas Mayer-Rossignol, qui revendique trois années sous ledit seuil sur les cinq dernières années, a donc écrit en ce sens à Christophe Béchu.
Qu'en est-il dans les « Territoires de vigilance » ?
Dans le reste des intercommunalités dites « Territoires de vigilance », Montpellier, par exemple, assouplit la ZFE pour les motards, les professionnels et les Crit'Air 3 et 4. A Bordeaux, la majorité PS-Verts opte pour un service minimum au 1er janvier 2025 en pointant le manque de soutien de l'Etat tant sur l'accompagnement que sur le contrôle.
Dans le Grand Annecy, qui achève bientôt sa phase de concertation, l'entrée en vigueur de la ZFE sera très légère et ne concernera que... 700 véhicules immatriculés sur son territoire. Selon sa présidente (Horizons) Frédérique Larderet, « notre réseau de transports en commun n'est aujourd'hui pas prêt pour proposer une alternative solide à nos citoyens et à toutes les populations, nombreuses, qui viennent d'Ugine ou Albertville notamment, avec un parc de véhicules globalement plus vieillissant que celui des résidents d'Annecy et de son agglomération ». Parole d'une ex-députée... En Marche de Haute-Savoie entre 2017 et 2020.
Le cas de la Bretagne
En Bretagne, Brest et Rennes seront concernées par cette interdiction de circulation des véhicules les plus polluants au 31 décembre 2024, tandis que Lorient l'anticipe aussi. Une consultation des habitants de l'agglomération rennaise s'est achevée le 31 janvier, mais il n'y a pas encore eu de retour.
Dans cette région sans péage, la grogne monte chez les chefs d'entreprise... sur la ZAN. La chambre de commerce et d'industrie Bretagne rappelle que l'ensemble des parties prenantes - Etat, conseil régional et intercommunalité - doit faire en sorte que 25% des friches ou des dents creuses soient fléchés sur des projets industriels et être en mesure de proposer des sites industriels clés en main.
Un travail de concertation est donc en cours entre la Région, l'Etablissement public foncier de Bretagne, la Banque des territoires, la CCI de Bretagne et 4 intercommunalités bretonnes afin d'anticiper les besoins des entreprises et identifier des terrains.
Coup de com' ou alerte sociale ?
Alors coup de communication politique ou alerte sociale relayée par les décideurs économiques et politiques ? Les deux ! Quoi qu'ils décident, les acteurs publics savent qu'ils devront appliquer la loi, qu'elle concerne la circulation automobile ou l'artificialisation des sols. Médiateurs entre les populations locales et les représentations de l'Etat sur le terrain, ils restent néanmoins légitimes pour relayer des doléances exprimées par leurs concitoyens.
Dès l'hiver 2018-2019, en plein climax des Gilets jaunes, deux problématiques émergeaient : pouvoir se déplacer de manière écologique et pouvoir se loger dignement. Fin du monde, fin du mois, était le slogan des manifestants. Cinq ans après, ce credo n'a pas pris une ride, tant les distances entre le domicile et l'emploi ne cessent d'allonger. En ce sens, la ZAN permet au gouvernement de justifier l'exclusion, dans le budget 2024, du prêt à taux zéro (PTZ) des maisons individuelles neuves en zone détendue...