Craignant de manquer de foncier, les patrons bretons appellent l’Etat à aménager le ZAN

Les patrons bretons ne veulent pas être les sacrifiés de l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN). La pression foncière poussent déjà certaines entreprises comme Amarok Biotechnologies à changer de stratégie ou d’implantation. S’appuyant sur une enquête à laquelle près de 400 chefs d’entreprise ont répondu, la CCI Ille-et-Vilaine et le Medef 35 ont lancé un appel solennel au gouvernement pour peser dans la répartition du foncier. Du ZAN, ils veulent passer au FAC, le foncier aménagé collectivement.
En Bretagne, où seuls 9.000 hectares seront à répartir d'ici à 2030 (18.000 aujourd'hui), entre fonctions immobilières et économiques, les dirigeants d'entreprises souhaitent remplacer le ZAN par le FAC, et inventer un « foncier aménagé collectivement ».
En Bretagne, où seuls 9.000 hectares seront à répartir d'ici à 2030 (18.000 aujourd'hui), entre fonctions immobilières et économiques, les dirigeants d'entreprises souhaitent remplacer le ZAN par le FAC, et inventer un « foncier aménagé collectivement ». (Crédits : Reuters)

En Bretagne, la mise en œuvre du dispositif Zéro artificialisation nette (ZAN), instauré par la loi Climat et Résilience d'août 2021, constitue « une préoccupation croissante » pour les acteurs économiques. Sur le principe, Benoît Cabanis, gérant de Cabsoc Group à Châteaubourg, s'avoue pourtant d'accord avec le dispositif qui vise à réduire de 50% d'ici à 2031, puis de 50% de nouveau entre 2031 et 2050 la consommation des terres agricoles et d'espaces naturels.

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Il n'a pas non plus intérêt. L'entrepreneur dirige cinq PME couvrant tous les métiers et marchés de l'hydraulique en France et à l'étranger (35 millions d'euros de chiffre d'affaires, 200 collaborateurs), dont SOCAH Hydraulique à Châteaubourg et Luce Hydro et SOCAH Connectic à Vern-sur-Seiche, en Ille-et-Vilaine. Ses clients sont les fabricants de machines agricoles.

À l'instar d'autres dirigeants d'entreprises bretonnes, il fait pourtant partie des 150 adhérents de la CCI Ille-et-Vilaine, appuyée par le Medef 35, à avoir signé un appel aux pouvoirs publics et à la Première ministre Elisabeth Borne, afin de ne pas devenir les « sacrifiés du ZAN ».

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Inventer un « foncier aménagé collectivement »

Également vice-président Industrie de la CCI de Rennes, Benoît Cabanis entend particulièrement rester vigilant sur l'usage qui sera fait des friches et du foncier industriels.

« A titre personnel, j'ai doublé la taille de deux usines en 2019 et 2022, dont celle de Luce Hydro (vérins hydrauliques) qui a quitté Janzé pour investir 2.500 mètres carrés à Vern-sur-Seiche et gagner des espaces de stockage. J'ai un peu de temps devant moi avant d'autres projets de développement et encore du foncier disponible. Pour autant, je considère que les friches industrielles et les espaces industriels en transition doivent garder une vocation industrielle, et ne pas être destinés à des logements ou à des structures publiques. »

En Bretagne, où seuls 9.000 hectares seront à répartir d'ici à 2030 (18.000 aujourd'hui), entre fonctions immobilières et économiques, les chefs d'entreprise craignent que le ZAN empêche « le développement d'activités, concentre les entreprises et les emplois dans les métropoles, fasse des territoires ruraux, périphériques et littoraux des espaces délaissés ». Ils militent pour un autre acronyme, le FAC, ou l'invention d'un « foncier aménagé collectivement ».

Enquête et livre blanc pour « éviter les conflits d'usage »

L'appel des entrepreneurs au gouvernement s'appuie sur une enquête sur le foncier économique menée par la CCI Ille-et-Vilaine auprès de 400 chefs d'entreprise en vue de dresser un diagnostic des besoins et anticiper les conséquences du ZAN.

Dévoilée au Forum économique breton (FEB), le 7 septembre dernier à Saint-Malo, elle révèle que 64% des chefs d'entreprise d'Ille-et-Vilaine craignent que le manque de foncier ne les amène à renoncer à des projets de développement dans les cinq ans à venir.

« Le ZAN est essentiel et on ne le remet pas en cause, mais il est mal perçu, mal connu et mal compris » déclare Jean-Philippe Crocq, le président de la CCI Ille-et-Vilaine, qui signe aussi un « livre blanc face à la crise du foncier » .

« Or la problématique foncière va se poser très rapidement. Il ressort aussi de cette enquête que 50% des entrepreneurs (190 entreprises) ont déjà repoussé un projet d'extension et 62% envisageraient de déménager leur activité hors de leur territoire d'implantation. A terme, le manque de foncier pourrait avoir un impact très négatif sur notre économie », ajoute le cadre de la CCI.

Tandis que 87% des répondants à l'enquête estiment que l'objectif  ZAN doit être adapté pour tenir compte des besoins spécifiques des territoires, la CCI Ille-et-Vilaine défend, via le FAC, la nécessité « d'éviter les conflits d'usage ».

Soutien de la CCI Bretagne, de CCI France et du Medef Bretagne

« Une mobilisation générale est nécessaire pour trouver des solutions opérationnelles, pérennes. Il ne doit pas y avoir de concurrence d'usage entre les projets immobiliers qui ont notamment vocation à loger les salariés des entreprises et les projets immobiliers à caractère commercial ou industriel », ajoute Eric Challan Belval, président du Medef Ille-et-Vilaine

Tout en poursuivant ces travaux de sensibilisation et de pédagogie en lien avec les pouvoirs publics et les acteurs économiques, la CCI Ille-et-Vilaine et le Medef 35 comptent proposer des pistes concrètes pour mettre en place le FAC.

Leur démarche n'entend pas rester locale. Elle est soutenue au niveau régional par la CCI Bretagne et le Medef Bretagne. « CCI France est également mobilisée sur cet enjeu et suit avec intérêt la démarche lancée par la CCI Ille-et-Vilaine » a abondé Alain Di Crescenzo, président de CCI France et présent au FEB.

9.000 hectares à partager sur 26 bassins

En Bretagne, l'objectif ZAN a été approuvé par le Conseil régional en juin dernier. Également présente au FEB, Laurence Fortin, la vice-présidente en charge de l'économie et des territoires, a rappelé aux signataires de l'appel que les 9.000 hectares ont été « répartis entre 26 bassins de vie, via le schéma de cohérence territoriale (SCoT).»

« A charge, maintenant, pour chacun d'entre eux d'en définir les usages. Le défi sera surtout d'intéresser les élus locaux à faire venir des industriels. Aujourd'hui, ils préfèrent faire de l'habitat, car ils y sont intéressés financièrement. »

Selon la Dreal Bretagne, la Bretagne se classait en 2021 au premier rang pour la consommation foncière dédiée à l'habitat. En Ille-et-Vilaine, où l'échec de l'implantation d'une usine de viennoiserie Bridor à Liffré n'est toujours pas digérée, les répondants à l'enquête de la CCI sont principalement issus de l'industrie (elle représente 4% du foncier), du BTP, du commerce de détail et du transport et de la logistique. Plus de la moitié affichent un chiffre d'affaires compris entre 1 million d'euros et 10 millions d'euros. En moyenne, ces entreprises comptent 42 salariés.

Amarok Biotechnologies quitte Saint-Malo pour Dinan

Sur le bassin de Saint-Malo, la question foncière est devenue sensible, entre autres depuis le choix de l'implantation du futur hôpital (11,3 hectares) sur la zone Atalante, initialement dédiée aux entreprises.

« Après 12 ans d'investissement local », Vincent Genty, président et co-fondateur d'Amarok Biotechnologies, spécialisée en biologie médicale, biotechnologies industrielles, biologie végétale et agro-alimentaire, s'apprête d'ailleurs à quitter Saint-Malo pour Dinan.

« L'agglomération n'ayant rien à me proposer pour me permettre de me développer, nous avons décidé, avec mes équipes, de déménager » déplore le dirigeant. « La gestion du parc immobilier, le choix de réduire les zones artisanales pour y mettre du logement, l'obstination à placer le nouvel hôpital dans celles qui n'offrent ni espace ni accès suffisant ainsi que la non prise en compte des besoins des entreprises, conduit un certain nombre d'entre nous à quitter le secteur. »

Avec dans leurs bagages, des employés qui demain se tourneront naturellement vers des zones d'habitation plus proches de leurs bassins d'emploi.

Dans son livre blanc, la CCI Ille-et-Vilaine rappelle que c'est l'agglomération rennaise qui « dispose du plus important volume de surfaces pouvant être artificialisées sur 2021-2031 avec 992 hectares de zones constructibles. Soit plus du triple de Vitré (305 ha) ou de Ploërmel (296 ha). »

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Commentaires 5
à écrit le 19/09/2023 à 18:04
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La photo donne envie en tout cas, ça sent les tags et un dealer en bas de la cage d'escalier dans peu temps.

à écrit le 19/09/2023 à 12:07
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S'il est bien une région où le foncier a été maîtrisé de tout temps c'est bien la Bretagne grâce à sa SEM Régionale la SEMAEB. D'abord filiale comme toutes les SEM de la CDC puis avec l'arrivée des socialistes au pouvoir en 82 INDEPENDANTE de la CDC ...

à écrit le 19/09/2023 à 8:23
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St Malo dinan ? Les employés ne risquent pas de déménager c est à côté …. Et de toute façon Dinan est encore plus joli que St Malo : ville médiévale avec ses remparts bien conservés, vieilles maisons à pans de bois , et bien moins cher que St Malo ...

à écrit le 19/09/2023 à 8:22
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St Malo dinan ? Les employés ne risquent pas de déménager c est à côté …. Et Dinan est encore plus jolie s’use St kaki : ville médiévale avec ses remparts bien conservés, vieilles maisons à pans de bois , et bien moins cher que St Malo Disneyland br...

à écrit le 19/09/2023 à 6:35
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Ah c'est jamais facile les périodes de désintoxication, le manque se fait vite ressentir.

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