Aménagement : Wauquiez peut-il vraiment retirer l'Auvergne-Rhône-Alpes du zéro artificialisation nette des sols (ZAN) ?

Lors du congrès des maires ruraux (AMRF) à l'Alpe d'Huez, le président (LR) du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a fait une annonce fracassante : le retrait de sa région de la politique de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, la qualifiant de « ruralicide » et de « technocratie administrative ». Laurent Wauquiez en oublierait presque la promulgation, cet été, d'une proposition de loi sénatoriale apportant une « garantie rurale » aux petites communes. Décryptage.
César Armand
(Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

C'est l'acronyme qui rend tout sauf zen les élus locaux chargés de l'appliquer, à commencer par Laurent Wauquiez, le président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes : ZAN pour « zéro artificialisation nette » des sols. Toutes les opérations qui consistent à « transformer un sol naturel, agricole ou forestier par des opérations d'aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport » font en effet l'objet d'une réglementation stricte depuis la promulgation de la loi « Climat et Résilience » en août 2021.

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Une loi « ruralicide » synonyme de « technocratie administrative »

Alors que la France a artificialisé plus de 250.000 hectares de sols entre 2011 et 2021, il s'agit de limiter les droits à construire à 125.000 hectares d'ici à 2031, avant de viser la zéro artificialisation nette (ZAN) à horizon 2050. Un double objectif climatique qui ne manque pas de faire réagir Laurent Wauquiez. « Mettre sous cloche les décisions des permis de construire sur la ruralité, cela signifie qu'on s'interdit toute forme d'avenir (...) J'ai décidé que la région se retirait du processus. On le fait en lien avec les départements », a-t-il lancé aux maires ruraux (AMRF) réunis en congrès à L'Alpe d'Huez (Isère), selon des propos rapportés par l'AFP.

« Cette loi ruralicide est vraiment l'incarnation d'une technocratie administrative qui consiste à appliquer une même règle de façon très uniforme sur l'ensemble du territoire », a insisté le président du conseil régional aurhalpin auprès de l'AFP. « On a des gens qui vont être sur des terrains où normalement ils peuvent construire et où on va leur dire "vous n'aurez pas votre permis". Cela va créer une rancœur et une colère considérables », a poursuivi Laurent Wauquiez, estimant qu'il faut « repartir des propositions du Sénat » pour « refaire la loi ».

Une loi qui apporte déjà une « garantie rurale » aux petites communes

Sauf que cette proposition de loi sénatoriale « visant à faciliter le déploiement des objectifs de zéro artificialisation nette au sein des territoires » a déjà reçu l'accord des députés et des sénateurs. L'Assemblée nationale a validé le texte, le 12 juillet, à 169 voix contre 29, suivi par le Sénat, le 13, à la majorité absolue, à 326 contre une. Tant est si bien que la loi a été promulguée le 20 juillet et publiée au Journal officiel le lendemain.

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Un texte adopté après d'âpres combats entre élus locaux, gouvernement et parlementaires. Dès le 22 juin 2022, au lendemain des élections législatives, l'association des maires (AMF) saisit le Conseil d'Etat sur deux décrets d'application de la loi « Climat et Résilience ». Une requête alors soutenue par Françoise Gatel, présidente (UDI) de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. En réponse, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, ancien sénateur LR du Maine-et-Loire, admet « un manque d'information et d'outils pour être capables d'atteindre l'objectif ».

Depuis, les parlementaires ont trouvé un compromis, notamment sur la « garantie rurale » chère au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le Sénat souhaitait laisser à chaque commune une enveloppe d'au moins un hectare. Soit près de 34.945 hectares au regard du nombre de communes au 1er janvier. L'Assemblée défendait, elle, une « garantie rurale » équivalente à 1% du total artificialisé entre 2011 et 2021 pour que ces maires puissent « loger les habitants et accueillir les entreprises ».

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L'adaptation des documents d'urbanisme va se faire progressivement

Les deux Chambres ont finalement tranché en faveur d'une enveloppe d'un hectare pour toutes les communes ayant consommé moins de 2 hectares entre 2011 et 2021. Soit près de 17.000 communes éligibles sur plus ou moins 8.000 hectares. Seule condition : être doté d'un document d'urbanisme ou en prescrire un avant 2026, date des prochaines élections municipales. Au cas où une commune concernée refuserait son droit à l'hectare, il pourrait remonter au niveau de l'intercommunalité.

L'adaptation des documents d'urbanisme va se faire progressivement : au plus tard novembre 2024 pour les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET), février 2027 pour les schémas de cohérence territoriale (SCoT - à l'échelle de plusieurs intercommunalités) et février 2028 pour les plans locaux d'urbanisme communaux (PLU) et intercommunaux (PLUi). Une clause de revoyure en 2026 est également prévue juste après les élections municipales, à mi-chemin entre l'adoption de la loi en 2021 et le premier palier de 2031 de non-artificialisation des sols.

« On ne peut pas exonérer son territoire de la loi » (entourage de Béchu)

Dans le cas précis aurhalpin, si le conseil régional refuse de jouer le jeu, ce sont les échelons en-dessous qui vont devoir prendre la main sur la zéro artificialisation nette des sols. Précisément, « si le SRADDET n'intègre pas les objectifs du ZAN, les SCoT (es schémas de cohérence territoriale ) vont devoir le faire »déclare l'entourage de Christophe Béchu, interrogé par La Tribune. « Ça donne moins de latitude, ça limite la capacité à mutualiser les enjeux et les projets, mais on ne peut pas exonérer son territoire de la loi », poursuit-on au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Autrement dit, même si Laurent Wauquiez s'oppose à la ZAN, la loi Climat et Résilience s'appliquera quand même en Auvergne-Rhône-Alpes. Ces SCoT feront office de documents de planification pour atteindre ce double objectif climatique.

L'Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas la seule région où ça coince. En Ille-et-Vilaine, la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) et le Medef ont lancé, mi-septembre, un appel solennel au gouvernement pour passer de la ZAN au FAC pour « foncier aménagé collectivement ». Et ce alors que le conseil régional de Bretagne a adopté, en juin dernier, sa feuille de route. Les 9.000 hectares ont en effet déjà été « répartis entre 26 bassins de vie, via les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ». « A charge, maintenant, pour chacun d'entre eux d'en définir les usages », déclarait alors Nathalie Fortin, vice-présidente de la région bretonne chargée des territoires, de l'économie et de l'habitat.

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César Armand
Commentaires 2
à écrit le 03/10/2023 à 8:41
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Il peut le dire en tout cas, tout ce que sont nos déplorables politiciens, des bavards impénitents afin de dissimuler leur immense faiblesse.

à écrit le 02/10/2023 à 19:14
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Cette prise de position n'est qu'une opération de communication supplémentaire. Cette réglementation ZAN peut être contournée sans difficulté. Et LW doit le savoir. C'est juste une façon de faire parler de lui a moindre frais et de se poser comme déf...

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