Tensions commerciales : le difficile numéro d'équilibriste de Le Maire face à la Chine

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a plaidé pour des règles économiques et commerciales « plus équitables » entre la France et la Chine. Face à la délégation chinoise du président Xi Jinping, le ministre français souhaite établir « un partenariat économique équilibré » basé sur des mesures de réciprocité. De son côté, le ministre du Commerce extérieur Franck Riester a appelé les ETI et les PME françaises à développer leurs activités en Chine. Mais les inquiétudes restent vives dans les milieux économiques et industriels.
Grégoire Normand
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. (Crédits : Reuters)

Entre opportunité et prudence, le gouvernement doit défendre une doctrine commerciale périlleuse face à la Chine. Au printemps 2023, le président de la République française avait retrouvé en personne le président Xi Jinping en Chine après trois années de relations diplomatiques secouées par les années de pandémie. Un an plus tard, la France et la Chine ont décidé de fêter 60 années d'échanges en recevant le couple présidentiel chinois sur le sol français pendant deux jours.

Derrière cette séquence diplomatique fêtée en grande pompe, les inquiétudes restent vives dans les milieux économiques et industriels de l'Hexagone. L'offensive de la Chine dans les voitures électriques ou les panneaux photovoltaïques a déjà suscité d'immenses craintes sur le sol européen. En face, l'Europe tente de fourbir ses armes mais reste profondément divisée sur la stratégie industrielle et commerciale à adopter. Pour l'Allemagne, la Chine reste malgré tout un débouché de premier ordre du Made in Germany. Et les différentes enquêtes anticoncurrentielles menées de part et d'autre alimentent les crispations économiques et diplomatiques.

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Le ministre des Finances défend des règles de réciprocité

À l'occasion du déplacement du dirigeant communiste, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a plaidé pour « un partenariat économique équilibré » entre Paris et Pékin. « Il me semble qu'on ne peut pas parler de partenariat équilibré quand les excédents commerciaux sont à l'Est et les déficits commerciaux sont à l'Ouest », a-t-il ajouté, défendant, comme le président Emmanuel Macron avant lui, des « règles équitables ». « La réciprocité », a poursuivi Bruno Le Maire, « c'est s'assurer qu'en Chine comme en France, des règles similaires, comparables, sont appliquées » en matière de production, de normes environnementales ou sanitaires ou encore « le montant des subventions ».

Prise en étau entre la Chine et les Etats-Unis, l'Europe peine à trouver sa place dans une mondialisation en pleine recomposition. « Sur le volet économique, l'âge d'or des grands contrats dans les secteurs de l'aéronautique, du nucléaire civil ou de l'automobile est révolu. Désormais, il s'agit d'arracher, après des mois de négociation ardue, l'ouverture du marché chinois pour l'exportation de produits agricoles, notamment la viande et les produits laitiers », a expliqué Marc Julienne, directeur du Centre Asie de l'Ifri, dans une note.

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Le Maire pousse la Chine à venir produire en France

Lors de son allocution, le ministre des Finances français a tendu les bras aux entreprises chinoises. « Nous voulons que la Chine produise en France et qu'elle ouvre des usines. Nous sommes prêts à accueillir des entreprises manufacturières chinoises sur notre sol », a-t-il déclaré.

Défendant l'attractivité de la France, le locataire de Bercy espère susciter des intérêts industriels devant la délégation chinoise venue en nombre sur le territoire hexagonal. À quelques jours du grand sommet Choose France qui aura lieu le 13 mai, Emmanuel Macron va profiter de cette opération au château de Versailles pour défendre les investissements étrangers en France.

Commerce extérieur : Franck Riester pousse les entreprises françaises à « avoir de l'ambition en Chine  »

Au Forum d'Affaires Chine organisé à Bercy ce lundi 6 mai, le ministre du Commerce extérieur français, Franck Riester, a de son côté poussé les entreprises tricolores à conquérir des parts de marché en Chine. « Il y a encore un très grand nombre d'opportunités en Chine. Je vous invite à avoir l'ambition de développer vos activités en Chine. Nous échangeons beaucoup avec mon homologue pour faciliter les échanges et l'accès aux marchés », a-t-il déclaré devant un parterre d'entrepreneurs français et chinois. Le ministre a notamment expliqué que la France pouvait « faire mieux » dans de nombreux secteurs. Il a notamment évoqué « la décarbonation, les technologies et l'agroalimentaire ».

L'ouverture des marchés publics au centre des tensions commerciales

Malgré ce discours gouvernemental, certains intervenants ont mis en garde les entreprises françaises sur leur volonté d'investir en Chine. Sur le plan juridique, « il ne faut pas être naïf et être prudent », a alerté Anne Severin, avocate associée, chez DS Avocats. « La Chine a décidé de privilégier la production locale pour ses marchés publics. Cela peut être étonnant car la Chine a rejoint l'OMC (l'organisation mondiale du commerce) en 2001 mais il faut rappeler qu'elle n'a pas ratifié l'accès aux marchés publics », a-t-elle poursuivi. En face, l'Europe largement ouvert ses marchés publics à l'extérieur mais cette politique commerciale est de plus en plus contestée sur le Vieux continent.

La propriété intellectuelle, un enjeu majeur face à la contrefaçon

Parmi les risques évoqués ce lundi 6 mai à Bercy, la contrefaçon a été largement évoquée. « La protection de propriété intellectuelle passe par des contrats mais cela doit passer par des points de vigilance pour éviter des mauvaises surprises », a déclaré Julie Hervé, conseillère Propriété Intellectuelle au sein de l'ambassade de France à Pékin.

Reconnaissant qu'en Chine,« le cadre de la protection s'est énormément structuré avec des textes qui cadrent mieux les choses », la spécialiste de l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle) a mis en garde contre « les problématiques de contrefaçon » persistantes. « L'émergence des plateformes a facilité la distribution de la contrefaçon. Cette contrefaçon touche tous les secteurs d'activité ». Face à ce fléau, la juriste a conseillé aux entreprises de bien enregistrer les droits de propriété auprès des douanes et « d'anticiper les démarches de protection ».

Un déficit commercial abyssal entre la France et la Chine

Les échanges commerciaux entre la France et la Chine sont particulièrement déséquilibrés. Selon le bilan réalisé par les douanes en 2023, le déficit commercial de biens s'est établi à 40 milliards d'euros, pour une balance commerciale négative totale de 100 milliards d'euros. A titre de comparaison, ce déficit s'établissait à 5 milliards d'euros au début des années 2000 au moment de l'entrée de la Chine dans l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). L'année dernière, l'Hexagone avait exporté pour 31 milliards d'euros de biens et importé pour 72 milliards d'euros.

La Chine est ainsi le premier déficit commercial de la France. Et ce phénomène est loin d'être nouveau. Entre 2008 et 2020, la balance commerciale de la France est restée largement déficitaire à l'égard de la Chine selon un bilan des douanes. Ce déficit commercial « est ainsi depuis 2008 le déficit bilatéral le plus élevé de la France. Sa croissance, vigoureuse pendant la décennie 2000-2010, a ralenti nettement entre 2011 et 2019. Le dynamisme des importations deux fois supérieur à celui des exportations entre 2000 et 2019 explique cette croissance », souligne l'administration. Reste à savoir si la France va réussir à regagner des parts de marché en Chine.

Une faible moisson de contrats suite à la première journée de la visite

Les entreprises françaises ont profité de la visite du leader chinois pour signer de nouveaux contrats commerciaux mais les montants et les projets restent, dans l'ensemble, modestes.

Le groupe français Suez a annoncé la signature d'un contrat avec le Dongguan Water Group, pour construire une usine destinée à produire de l'énergie à partir des boues d'une cinquantaine de stations d'épuration de cette mégapole du sud de la Chine. Montant du contrat : 100 millions d'euros pour la construction seule. L'enjeu dans un deuxième temps sera de contracter pour l'exploitation et la maintenance de l'usine, qui pourrait représenter près d'un milliard d'euros de revenus sur 20 ans, selon Suez.

L'Elysée communique également sur « un partenariat stratégique global dans l'industrie des batteries » entre Xiamen Tungsten New Energy et le français Orano.

Des contrats de « fourniture de système de traction électrique » ont également été signés entre Alstom et la société exploitante des lignes de métro à Pékin et Wuhan.

Groupama et Shudao Group ont signé un contrat de joint-venture sur la finance verte.

Autre industriel français cité, EDF, pour la production hydrogène et sur de la coopération en matière d'énergie nucléaire.

Grégoire Normand
Commentaires 16
à écrit le 07/05/2024 à 11:00
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Auteur-censeur ? Tu m’étonnes que ton bouquin soit un bide... ^^ .

à écrit le 07/05/2024 à 7:36
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le bricolage artisanal à la française du CAC40, face au professionnalisme allemand, ça ne donne pas le même résultat. Personne n'achète les indemnités ni les congés payés à la Française. Les dés sont pipés, mais par qui? Le tricheur ou le menteur?

à écrit le 07/05/2024 à 6:51
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Pendant trois décennies l'occident ne regardait que la Chine celle des prix pas cher et pour nous de commercialiser des produits à valeur ajoutée. L'occident aveugle et surtout avait oublié que la Chine avait été un grand pays d'innovation mais cela ...

le 07/05/2024 à 7:08
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non seulement il ont fait des cadeaux a la chine sans retour sur investissement et quand m raffarin president de france chine ou explique les bien fait lui a t"on envoyer la facture du deficit annuel a combler ou comme le reste c'est aux contri...

le 08/05/2024 à 14:30
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c'est toujours d'actualite pendant la crise a qui le 1er ministre commander des masques au lieu de creer une filiere en france et c'est pour tout les sujets les batteris il parle meme de produire des voitures chinoise en france apres avoir liquide d...

à écrit le 07/05/2024 à 2:53
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« un partenariat économique équilibré » Moi je veux bien mais comment fait t'on lorsqu'un interrupteur laiton produit en France(je l'espère) est vendu 54 euros et le même produit en Chine 0,99 euros ! Ma femme n'en revenait pas. Il aurait fallu, inve...

à écrit le 06/05/2024 à 20:43
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Le Maire est un beau parleur en plus d'être un écrivain coquin. Nous savons qu'il ne sait pas serrer les cordons de la bourse, raison pour laquelle on lui a adjoint un ministre des comptes publics Inspecteur des Finances, dont on espère qu'il sait co...

à écrit le 06/05/2024 à 19:09
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Il n'arrive déjà pas a obtenir d'équilibre en France qu'il voudrait en obtenir entre économies différentes ! Il compte sur la chance pour obtenir une réussite !

à écrit le 06/05/2024 à 19:01
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Le rapport de force entre la France et la Chine, c'est un peu comme celui du moustique à l'éléphant. Alors on peut reprocher beaucoup à Le Maire, mais il ne peut rien contre la Chine. La seule entité qui puisse jouer au bras de fer avec la chine est ...

le 06/05/2024 à 19:16
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La seule entité qui puisse jouer au bras de fer avec la chine sont les USA. S'ils exigeront de notre part de traiter la Chine comme ils le feront sous peine de se retirer d'Europe et de nous appliquer des droits de douane punitif, le dessein de xi éc...

le 06/05/2024 à 19:41
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@Tototiti @Adieu BCE. C'est exactement ça.

à écrit le 06/05/2024 à 18:54
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on atteint des sommets d'incompetence ' quoi qu'il en coute aux autres, donc bienveillant donc de gauche'!!!!!!!!!!! la reciprocite chinoise, c'est un gros bras d'honneur!!! et envoyer des petites boites a la boucherie en chine, alors qu'ils mettent ...

à écrit le 06/05/2024 à 18:42
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Le ministre des Finances défend des règles de réciprocité? Alors il faudrait interdire toutes les applis chinoises et faire ce que la Chine a fait quand elle était dans une situation d'infériorité technologique comme nous le sommes actuellement: si ...

à écrit le 06/05/2024 à 18:28
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Dans cette partie, Bruno LeMaire n' a pas à l' évidence, une ... " main forte " ni en couleurs ni en répartition ... il devrait davantage " affiner " les enchères avec son partenaire Thierry Breton un autre ... " As " comme lui du jeu de la ca...

à écrit le 06/05/2024 à 18:25
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[Pour l'Allemagne, la Chine reste malgré tout un débouché de premier ordre du Made in Germany] Évidemment et la France devrait aussi s'en inspirer!

à écrit le 06/05/2024 à 18:08
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L 'homme qui allait ruiner la Russie , un cador ! Sincèrement nous sommes ridicules , le loup et l 'agneau ,le lièvre et la tortue , le beau corps de Bruno et le Renard , c'est pathétique !

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