Enquête chinoise sur les spiritueux européens : trois géants français du cognac ciblés (Martell, Hennessy et Rémy Martin)

Pékin a annoncé mardi que Martell, Hennessy et Rémy Martin pourraient être inquiétés par l'enquête anticoncurrentielle sur les eaux-de-vie de vin importées de l'Union européenne, lancée par la Chine en janvier. Une mauvaise nouvelle, alors même que le Cognac et autres spiritueux français ont déjà vu leurs exportations fortement ralentir avec la crise inflationniste.
Le cognac représente deux tiers des ventes de Rémy Cointreau et, selon les analystes d'Oddo BHF, la Chine près de 30% des ventes.
Le cognac représente deux tiers des ventes de Rémy Cointreau et, selon les analystes d'Oddo BHF, la Chine près de 30% des ventes. (Crédits : STEPHANE MAHE)

La menace se fait de plus en plus forte. Mardi, le ministère chinois du Commerce a déclaré qu'il envisageait d'intégrer les maisons Martell, Hennessy et Rémy Martin dans son enquête anticoncurrentielle sur les eaux-de-vie de vin importées de l'Union européenne (UE), lancée en janvier. Une mauvaise nouvelle pour la France puisque ces maisons font toutes partie de groupes cotés à la Bourse de Paris. Ainsi, Martell & Co est une filiale de Pernod Ricard, la société Jas Hennessy & Co du groupe de luxe LVMH et E. Remy Martin & Co de Rémy Cointreau. Les sociétés n'ont pas répondu à une demande de commentaire de Reuters dans l'immédiat.

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La nouvelle n'a pas été bien reçue par leurs investisseurs. Ainsi, mardi, le titre de Rémy Cointreau a clôturé en chute de 1,83% à la Bourse de Paris. Pour ce groupe, en effet, le cognac représente deux tiers des ventes du groupe et, selon les analystes d'Oddo BHF, la Chine près de 30% des ventes. La même journée, Pernod Ricard a perdu 0,7% quand LVMH a tout de même gagné 0,2%, étant donné que sa marque de cognac Hennessy représente une part marginale de son chiffre d'affaires.

Déjà, lors de l'annonce de l'enquête, le 5 janvier, le titre de Rémy Cointreau avait dévissé de 12% à 95,88 euros à la Bourse de Paris, après avoir atteint son plus bas niveau depuis avril 2020 plus tôt. De son côté, Pernod Ricard avait terminé à -3,57%, quand, à Milan, Campari baissait de 1% et à Londres, Diageo perdait 1,90%. Même LVMH avait alors reculé de 1,28% à la clôture.

Et pour cause, une telle enquête pourrait avoir des conséquences sur les producteurs européens exportateurs. En 2022, la Chine a importé plus d'eau-de-vie de vin que tout autre spiritueux, indique un rapport du cabinet Daxue Consulting, et la plupart des importations venaient de France. Une mauvaise nouvelle, alors même que dans l'Hexagone, le Cognac et autres spiritueux ont vu leurs exportations fortement ralentir avec la crise inflationniste. Rien que pour le Cognac, les exportations ont baissé de 19% sur la campagne 2022/2023, après trois années fastes.

Une enquête antidumping ciblant les Européens...

Pour rappel, le ministère a lancé en janvier une enquête anticoncurrentielle sur les eaux-de-vie de vin européennes, comme le cognac, après une plainte de l'Association chinoise des boissons alcoolisées. « Cette demande contenait les éléments de preuve nécessaires à l'ouverture d'une enquête antidumping en vertu » de la réglementation chinoise, était-il indiqué dans un communiqué publié le 5 janvier.

Dans le détail, l'enquête s'intéresse à des soupçons de dumping entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023, ainsi que sur de potentiels dommages pour le secteur en Chine entre janvier 2019 et septembre 2023. Elle doit s'achever avant le 5 janvier 2025, mais pourra être éventuellement prolongée de six mois en cas de « circonstances particulières », précise-t-il. Pour rappel, le dumping est une pratique qui consiste notamment à vendre à l'étranger à des prix inférieurs à ceux pratiqués sur le marché national.

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Le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), qui représente les fabricants français, n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire sur les derniers développements de l'enquête et la nomination des trois maisons françaises. Mais ce dernier avait déclaré en janvier qu'il coopérerait pleinement avec les autorités chinoises, estimant cependant que l'enquête était liée à une querelle commerciale plus large plutôt qu'au marché des spiritueux. Il avait estimé, dans un communiqué transmis à Reuters, que le niveau retenu de dumping permettrait aux acteurs du cognac de démontrer que leurs « pratiques commerciales sont totalement respectueuses des réglementations chinoises et internationales ».

Une réponse à l'enquête européenne sur les véhicules chinois

Cette enquête est aussi vue comme une réponse aux dégradations des relations entre Bruxelles et Pékin selon plusieurs observateurs. Et pour cause, l'Union européenne a indiqué qu'elle cherchait à réduire sa dépendance commerciale avec Pékin, notamment dans le domaine des technologies. Début octobre, l'UE a par exemple dévoilé une liste de domaines stratégiques qui devront être mieux défendus face à des Etats jugés rivaux comme la Chine - notamment l'intelligence artificielle.

Un autre point d'achoppement concerne le secteur automobile. Préoccupée par la concurrence des véhicules électriques chinois sur le marché européen et pressée par la France, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé en septembre l'ouverture d'une enquête sur le soutien et les subventions des autorités chinoises aux constructeurs nationaux d'automobiles électriques. La Chine a alors dénoncé cette décision, soulignant qu'elle nuirait à ses relations commerciales avec l'UE. « Ce n'est rien d'autre que du protectionnisme pur et dur », avait jugé Pékin.

Plus largement, l'Union européenne s'inquiète de ce qu'elle considère comme des relations économiques « déséquilibrées », affirmant que son déficit commercial de près de 400 milliards d'euros avec la Chine en 2022 reflète les restrictions imposées aux entreprises de l'UE opérant dans ce pays. L'annonce de Pékin était aussi intervenue au moment où le groupe néerlandais ASML, sous pression de Washington, a annoncé stopper ses exportations de machines à fabriquer des puces électroniques vers la Chine.

Lire aussiCes trois représailles chinoises qui menacent l'UE après l'arrêt des exportations de machines à fabriquer les puces d'ASML vers la Chine

(Avec Reuters)

Commentaires 4
à écrit le 13/03/2024 à 19:22
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Personne n'a fait attention au business judiciaire américain qui leur permet d'encaisser des centaines de milliards or avec une finance internationale qui se vautre pour 25% dans l'activité criminelle le potentiel pécunier est immense.

à écrit le 13/03/2024 à 15:50
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On va pas supprimer notre industrie automobile pour quelques flacons de cognac et quelques intérêts privés de happy fews… de toute façon comme pour Poutine/ l’ Iran / la Turquie .. on paye notre naïveté et l’ opportunisme court termisme de nos décid...

à écrit le 13/03/2024 à 15:45
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On va pas supprimer notre industrie automobile pour quelques flacons de cognac et quelques intérêts privés de happy fews… de toute façon comme pour Poutine/ l’ Iran / la Turquie .. on paye notre naïveté et l’ opportunisme court termisme de nos décid...

à écrit le 13/03/2024 à 13:59
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Ils gardent leurs voitures electriques et on garde notre cognac. L'alcool n'est il pas dangereux pour la santé ? La voiture électrique aussi😃

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