La ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, s'est prise la semaine dernière une volée de bois vert car elle était soupçonnée de vouloir supprimer l'un des fondamentaux de l'imaginaire français : l'accès à la propriété d'un pavillon avec jardin. Elle tirait les conclusions d'un rapport, "Habiter la France demain", qui portait sur l'évolution de l'aménagement du territoire à l'avenir pour répondre à l'urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et ainsi lutter contre le réchauffement climatique.
70% des émissions
Elle trouvera un certain réconfort à la lecture du dernier rapport publié par la Banque mondiale sur les perspectives des marchés des matières premières. Les experts de l'institution internationale y ont en effet consacré un dossier spécial sur le rapport entre l'urbanisation et la demande de produits de base (énergie, métaux et denrées alimentaires). L'enjeu est important pour lutter contre le réchauffement climatique. Les villes émettent à elles seules 70% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Par ailleurs, l'envolée des prix de l'énergie et des métaux cette année qui alimentent l'inflation conduit à réfléchir à une rationalisation de la demande mondiale pour les prochaines années.
Or, durant les 50 dernières années, la part de la population mondiale urbanisée est passée de 37% à 56%, avec une poussée encore plus spectaculaire pour les économies émergentes où elle bondit de 27% à 52%, et spectaculairement en Chine où le taux d'urbanisation s'est envolé de 17% à 61%. Et la tendance ne devrait pas ralentir puisqu'elle devrait atteindre 68% de la population mondiale à l'horizon 2050.
Ce point est d'autant plus important que la demande de matières premières est corrélée à la croissance de la population et des revenus qui sont plus attractifs dans les villes.
De fait, le niveau de consommation de produits de base évolue étroitement avec le taux d'urbanisation. Dans les économies développées, un taux de 80% d'urbanisation correspond à une consommation d'énergie d'un peu plus de 3,5 tonnes d'équivalent pétrole par individu, de 33 kg de métaux et de 1,3 tonne de denrées alimentaires. Dans les économies émergentes, un taux d'urbanisation de 65% se traduit par une consommation d'énergie de 1,5 tonne d'équivalent pétrole par individu, de 6 kg de métaux, et de 1 tonne de denrées alimentaires.
Des trajets moins longs et moins coûteux
Or, "les villes à forte densité de population, en particulier dans les économies avancées, pourraient se caractériser par une demande d'énergie par habitant plus faible que celles moins densément peuplées", souligne la Banque mondiale. Évidemment, une telle économie favorable à la réduction des GES dépend du mode de développement de cette urbanisation. Par exemple, les trajets en milieu urbain pour se rendre au travail peuvent être moins longs et moins coûteux, notamment grâce aux transports en commun, par rapport aux déplacements individuels dans les zones rurales. Mais, pour obtenir pleinement ces effets positifs, l'aménagement de la ville doit être pensé de telle façon à ne pas créer des embouteillages monstres qui paralysent aujourd'hui la circulation dans certaines mégapoles des pays émergents.
Quant à l'ensemble des produits de base, "l'urbanisation permet potentiellement de réduire cette consommation grâce aux économies d'échelle et une meilleure efficience de l'emploi de ces produits", souligne le rapport qui considère que désormais "les villes sont à l'avant-garde du changement climatique". Un conclusion qui rejoint les préoccupations exprimées par Emmanuelle Wargon : "Nous devons gagner la bataille culturelle qui consiste à préférer l'intense à l'étalement, le collectif à l'individuel, la sobriété foncière à l'artificialisation des terres naturelles".