Franc fort : la Suisse craint des délocalisations vers... l'Allemagne

Alors que les perspectives de croissance se réduisent en Suisse pour 2015, certains craignent des départs de sites industriels vers le voisin allemand où la main d’œuvre est moins chère et compétente.
La frontière germano-suisse sur le Rhin à Stein am Rhein

Les effets de la hausse du franc suisse se font de plus en plus amèrement sentir dans la Confédération helvétique. Lundi 23 mars, le FMI a divisé par deux sa prévision de croissance pour le pays de 1,6 % à 0,75 % pour l'année en cours. C'est moins que le gouvernement suisse (Conseil fédéral) qui table, lui, toujours sur 0,9 %, mais c'est encore plus que l'institut KOF de l'Ecole polytechnique de Zurich qui, de son côté n'espère pas plus de 0,5 %.


Effets micro-économique du franc fort

Le franc suisse demeure le principal problème de l'économie helvétique. Depuis la levée du plancher de 1,20 franc par euro que garantissait la Banque Nationale Suisse (BNS) jusqu'au 15 janvier 2015, le franc s'est, semble-t-il, aux alentours de 1,05 franc par euro. L'appréciation est donc de 12,5 % environ. Une situation que commence à ressentir le tissu économique suisse. Pas un jour sans qu'une entreprise ne fasse part de son inquiétude. Encore mardi, la société de contrôle aérien zurichois Skyguide, qui facture deux tiers de ses clients en euros, a admis tremblé devant cette hausse.

Le secteur de l'industrie prend aussi des mesures. Chez Bosch, par exemple, on a relevé le temps de travail de 40 heures à 41,5 heures par semaine dans les deux usines du groupe à Sankt Niklaus (canton du Valais) et à Zuchwill (canton de Soleure) tant que l'euro ne sera pas remonté à 1,15 franc. Et le groupe allemand, qui a annoncé l'embauche de 12.000 personnes dans le monde, n'a pas évoqué la Suisse...

L'inquiétude devant le risque de délocalisation

La presse helvétique s'inquiète dorénavant d'une délocalisation de l'industrie suisse... en Allemagne. La semaine passée, l'association suisse des constructeurs de machines-outils a, lors de sa conférence de presse annuelle, beaucoup parlé des avantages du voisin germanique et de la haute compétence de la main d'œuvre. Selon la Neue Zürcher Zeitung, de nombreux entrepreneurs suisses, notamment du côté alémaniques, envisagent de franchir le Rhin et de s'implanter dans le Land du Bade-Wurtemberg. Des organisations de promotion de ce Land font actuellement la promotion du « Standort Deutschland » (lieu d'implantation allemand) et de ses avantages, il est vrai nombreux aux yeux des patrons suisses : pas de barrière de la langue, une forte compétence de la main d'œuvre et un coût de production en euro pour une facturation en euros (aujourd'hui, beaucoup d'entreprises suisses sont déjà des fournisseurs de sociétés allemandes ou de la zone euro).

L'Allemagne, un tiers moins cher ?

La presse suisse alémanique tente de se rassurer en évoquant les hausses de salaires importantes enregistrées dans le secteur industriel, particulièrement dans celui des machines-outils, en Allemagne et, en particulier dans le Bade Wurtemberg. La NZZ titrait ainsi ce mardi « L'Allemagne n'est pas le paradis. » Le dernier accord avec les syndicats a ainsi relevé les salaires dans le secteur de 3,4 %. A l'inverse, en Suisse, les salaires seraient restés plutôt stables dans le secteur, selon la NZZ. Mais c'est se rassurer à bon compte. Car si les salaires allemands progressent, l'écart demeure considérable avec les salaires suisses.

Selon la dernière comparaison disponible, datant de 2012, année où le taux plancher du franc suisse était en vigueur, le coût de la main d'œuvre dans l'industrie manufacturière en Suisse était de 59,24 francs par heure (soit, alors, 49,36 euros). En Allemagne, elle était de 36,13 euros, soit 26,2 % moins chère. Fin 2014, le coût du travail moyen horaire en Allemagne dans l'industrie manufacturière était de 38,43 euros. En partant de l'hypothèse que les salaires soient restés stables en Suisse entretemps, les salaires suisses se sont renchéris, en raison de la hausse du franc de 12,5 %... L'écart serait donc de 32,9 % en faveur de l'Allemagne. C'est dire si l'industrie suisse peut être tentée de franchir la frontière sans craindre les hausses de salaires...

Le franc toujours sous pression

La situation pourrait donc devenir délicate. Au point que le FMI a réclamé une action plus énergique de la BNS qui devrait, selon l'institution de Washington, se lancer à son tour dans un assouplissement quantitatif (QE) et un renforcement de ses interventions sur les marchés de devises. Mais ces méthodes ont été reçues avec scepticisme en Suisse. Non sans raison. En réalité, un QE et des interventions sont clairement moins efficaces que le taux plancher que la BNS ne peut guère réintroduire sauf à mettre en danger sa crédibilité et à devoir faire face à une volonté des marchés de prouver sa capacité à maintenir le retour du taux plancher. Pourtant, la pression sur le franc suisse risque de rester forte : les autres banques centrales des monnaies de « protection » contre la baisse de l'euro, Danemark et Suède notamment, ont réagi fortement. C'est dire si la Suisse peut s'inquiéter pour son industrie.

Commentaires 3
à écrit le 26/03/2015 à 12:14
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Les prévisions économiques sont aussi farfelues que loufoques, une fois les instituts annoncent du négatif, la semaine suivante positif et ainsi de suite. Les consommateurs profitent pleinement de l'euro faible, c'est du pouvoir d'achat en plus, et ...

à écrit le 26/03/2015 à 12:14
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Et aucune délocalisation vers la France de prévue ? Dommage pour nous... Un gros quart de la Suisse est pourtant francophone, non ?

le 26/03/2015 à 14:48
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Bonne question, j'allais la poser.

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