En Bourgogne-Franche-Comté, la neutralité carbone à tout prix ?

La région s'est fixée un objectif : devenir un territoire à énergie positive à l'horizon 2050. Pour y parvenir, elle envisage de développer massivement les énergies renouvelables, en particulier les éoliennes. Une bonne idée pour la région la moins ventée de France ? Il faut aussi 2.500 tonnes de béton et 150 tonnes d'acier pour une éolienne de 207 mètres de hauteur.
(Crédits : photo libre de droit)

« C'est une aberration écologique » pour le Collectif d'experts et de citoyens pour l'environnement et le patrimoine (CRECEP). Le 17 mars dernier, ce collectif, mandaté par 213 associations et 166 entreprises, a déposé un recours devant le tribunal administratif de Dijon afin d'annuler le Schéma Régional d'aménagement, de développement durable des territoires (STRADDET) - déclinaison régionale de la loi NOTRe du 7 août 2015 - qui prévoit le développement massif de parcs éoliens en Bourgogne-Franche-Comté. Ce déploiement a ensuite été adopté par le conseil régional et validé par le préfet de région le 16 septembre 2020.

Mais le CRECEP dénonce un document rempli d'incohérences et d'insuffisances, sans compter le non-respect du code de l'environnement (CE) et du code des collectivités territoriales (CGT). « L'une des premières incohérences les plus flagrantes est cette volonté d'implanter massivement des éoliennes dans l'une des régions les moins ventée de France », affirme Michel de Broissia, vice-président du CRECEP. Résultat : pour faire fonctionner les pâles, les éoliennes font désormais jusqu'à 240 mètres de hauteur, contre 80 mètres dans les années 2000. En revanche, la règlementation n'a pas changé et la distance avec les habitants est restée à 500 mètres.

De plus, « il y a ce que l'on voit et ce que l'on ne voit pas », remarque Michel de Broissia. La partie immergée de l'iceberg est tout aussi impactante pour les nappes phréatiques puisque les éoliennes reposent sur un socle de béton. Selon l'étude d'impact de l'éolienne de Percey-Le-Grand, il faut 2.500 tonnes de béton (1.120 m3) et 150 tonnes d'acier par fondation pour une éolienne de 207 mètres de hauteur. « Plusieurs sources connues et proches d'éoliennes dans la région se retrouvent régulièrement à sec », constate-il.

Les effets néfastes des éoliennes

« En premier lieu, quand on évoque les dangers des éoliennes, c'est la mortalité par collision pour les espèces volantes qui vient à l'esprit. En réalité, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Ces parcs sont des projets industriels en pleine campagne, qui artificialisent les sols, et influent sur le domaine vital des espèces », constate Patrick Coton, ingénieur-écologue, conseil en environnement et consultant au CRECEP. « Ces perturbations sont évidemment difficiles à évaluer, donc les promoteurs ne le font pas ! », poursuit-il.

Les éoliennes peuvent également avoir un « effet barrière » dans un rayon d'un hectare pour les espèces volantes. « Les individus sont stressés, détournés par le champ éolien, et font parfois demi-tour », explique Patrick Coton. La Bourgogne-Franche-Comté est par ailleurs un couloir de migration important pour des espèces protégées. « Nous avons observé le passage de milliers d'individus qui traversent deux fois par an le Sud-Morvan, comme par exemple le Milan Royal, qui n'est présent qu'en Europe », précise Louis Landrot, administrateur du CRECEP, président association Sauvegarde Sud-Morvan. Dernier effet néfaste des éoliennes : l'impact sur le patrimoine. La région dispose de plusieurs lieux classés au patrimoine mondial de l'UNESCO. « Nous craignons que les éoliennes aient un effet sur l'attractivité touristique de notre territoire », confie Marie-Christine Chanez, président du CRECEP. À une autre échelle, ce sont les habitants qui subissent une dévaluation de leurs biens immobiliers qui se trouvent à proximité des éoliennes.

Carte couloir de migration en BFC

Les incohérences du STRADDET

Le STRADDET considère que l'éolien n'a aucun effet sur la biodiversité, que celui-ci est uniquement vertueux. Or, l'un des objectifs du STRADDET est justement de « placer la biodiversité au cœur de l'aménagement ». Le CRECEP accuse la région de ne pas respecter l'obligation d'évaluer les conséquences sur l'environnement du déploiement massif des éoliennes. La CGT (article R4251-13) et le Code de l'environnement (article R371-25) imposent que le STRADDET produise pour la biodiversité un diagnostic du territoire régional, une présentation des continuités retenues, un plan d'actions stratégiques, un atlas cartographique. « Le STRADDET se contente de livrer les anciens SRCE (Schéma régional de cohérence écologique) établis en 2015 pour chacune des deux régions, Franche-Comté et Bourgogne. Aucune explication n'est donnée si ce n'est que la méthodologie employée dans les deux régions est différente, ce qui rend leur comparaison difficile », s'indigne Patrick Coton.

Une véritable consultation des citoyens et des associations

« Nous souhaitons que les juges reconnaissent que le préfet n'a pas fait une juste appréciation du contenu du STRADDET en laissant passer l'insuffisance de l'évaluation environnementale requise par la loi », Marie-Christine Chanez. Le CRECEP souhaite une véritable consultation des citoyens et des associations, et pas seulement une simple réécriture du STRADDET. Une enquête publique avait déjà eu lieu avant la validation de ce STRADDET, sans porter d'attention aux avis des experts. « Notre objectif est d'arriver à un STRADDET qui prennent en compte les particularités et les intérêts de notre région », précise Marie-Christine Chanez. Un premier recours gracieux avait été déposé par le CRECEP auprès de la préfecture de la région mais il est resté sans suite.

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