La "règle d'or" européenne dérègle la majorité de gauche française

A la mi-octobre, le Parlement devra ratifier le traité de Bruxelles incluant la fameuse "règle d'or" budgétaire limitant les déficits à 0,5% du PIB. Une majorité des élus écologistes et une minorité de députés et sénateurs PS ont décidé de voter contre. Pour maintenir la cohésion de la majorité et ne pas dépendre de l'UMP - qui volera "oui" par respect envers Nicolas Sarkozy - le gouvernement est à la manœuvre pour calmer les récalcitrants.
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Le gouvernement entre dans une période de fortes turbulences. Non seulement il doit affronter une conjoncture passablement dégradée dont la conséquence est la hausse vertigineuse du chômage mais, de surcroît, il va devoir se méfier de ses propres soutiens sur la question européenne. De quoi s'agit-il ? Durant la première quinzaine d'octobre, le parlement devra adopter le projet de loi de ratification du Traité européen de Bruxelles sur la stabilité et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSTG) -  ou " pacte européen"-, négocié en 2011 quand Nicolas Sarkozy était encore le président de la République. Un traité qui prévoit la fameuse "règle d'or" limitant les déficits publics à 0,5%, tant décriée par de nombreux socialistes durant la campagne électorale. Quant à François Hollande, au grand dam d'Angela Merkel, il n'était pas question de ratifier ce texte tant qu'un volet croissance n'y était pas ajouté. Le nouveau président estime que la donne a changé depuis le sommet de Bruxelles du 29 juin dernier qui a adopté un "pacte de croissance" prévoyant d'injecter 120 milliards d'euros dans les 27 pays membres. Une victoire de Paris et de François Hollande sur Berlin, pour les uns ; une goutte d'eau et un "piège " tendu par la chancelière allemande qui n'a en réalité rien lâché, pour d'autres.

La Gauche totalement divisée sur l'adoption du traité de Bruxelles

En tout état de cause, pour François Hollande, avec cet ajout, la ratification par le Parlement français est maintenant possible. Problème, une bonne partie de la gauche rechigne. Une majorité des élus d'Europe Ecologie - Les Verts refusent de voter en faveur du traité, dont François de Rugy, coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée ; pour le Front de Gauche, c' est  un "niet" définitif. Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français, réclamant un referendum sur le sujet. Mais il y a pire, à l'intérieur  même du PS, l'aile gauche emmenée par Benoît Hamon, ministre de l'Economie sociale et de la Consommation, se fait tirer l'oreille. Plusieurs de ses proches ont annoncé qu'il ne votera pas le texte. C'est le cas de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, du député de l'Essonne Jérôme Guedj ou encore de Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis, qui, début août, dans un communiqué, estime que le traité "fait peser une menace sur la démocratie (...) et alors que, l'austérité bat son plein en Europe, le traité budgétaire européen gravera cette politique dans le marbre quel que soit le choix des citoyens (...) La règle de limitation des déficits à 0,5% nous expose au risque de voir un budget voté de manière démocratique censuré par le Conseil constitutionnel ou la Cour de justice de l'Union européenne".

L'UMP votera la ratification par respect à Nicolas Sarkozy

Le gouvernement doit donc déminer pour éviter l'humiliation de voir une partie des 279 élus socialistes et apparentés lui faire défaut, en plus des autres composantes de la gauche. Si c'était le cas, la ratification ne serait obtenue à la majorité absolue que grâce à l'apport des voix de... l'UMP. En effet, l'ancien parti de Nicolas Sarkozy a décidé de voter "oui". "Par respect pour l'ancien président" explique un cacique de l'UMP qui précise que " la raison l'a emportée alors qu'il y aurait eu la possibilité de faire un coup politique contre le gouvernement, même si quelques uns parmi nous, qui avait déjà voté " non" au referendum en 2005 refuseront de ratifier le traité de Bruxelles".
Du côté de gouvernement, on est donc à la man?uvre pour calmer les esprits. Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux Affaires européennes - un proche de Laurent Fabius qui avait voté " non" en 2005 - reçoit discrètement les députés et sénateurs PS et Ecologistes pour leur faire entendre raison. Il fait comprendre à ses interlocuteurs que ce traité, certes loin d'être parfait, constitue tout de même  un pas en avant dans la construction européenne et qu'il va permettre à François Hollande d'avancer dans la démocratisation de l'Europe. "Il est certain que la pression devient très forte du côté de la direction du PS et du gouvernement", confirme André Gattolin, sénateur écologiste des Hauts-de-Seine et fervent partisan de la ratification du traité qui, selon lui ,  "constitue un grand saut vers une démocratisation de l'Europe politique.

Quant au problème de la règle d'or, en lisant bien le traité, on se rend compte qu'il y a moyen de négocier, que la règle n'est pas aussi intangible".
Pression ! certes. Si les sénateurs et députés Europe Ecologie-Les Verts votent majoritairement contre la ratification, la ministre écologiste du Logement, Cécile Duflot - qui d'ailleurs se montre très silencieuse sur le sujet - se retrouvera dans une situation intenable. " Il y a donc fort à parier qu'au bout du bout, soit les écologistes se réfugient dans l'abstention, soit le groupe accorde une liberté de vote à ses membres", explique un député PS qui ajoute " jamais les écolos ne prendront le risque de voter majoritairement contre le gouvernement ".


Une ratification en trois actes

D'autant plus que, habilement, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a décidé de " tronçonner"  la procédure qui se déroulera en trois actes. Acte 1. Le premier ministre va se livrer à une déclaration de politique européenne - sur le modèle des discours de politique générale - suivie d'un vote. Dans ce discours, tout sera fait pour rassurer les opposants : ode à la nécessaire démocratisation de l'Europe politique ; rappel que sera adoptée avant la fin de l'année la taxe sur les transactions financières dont la majorité des recettes seraient affectées au budget propre de l'Union européenne, ce qui la rendrait moins dépendante des dotations nationales ; etc. A ce stade, il est difficilement imaginable de voir des élus PS et écologistes s'opposer à ces orientations. Acte 2. Le gouvernement déposera un projet de loi " de ratification du Traité sur la stabilité et la gouvernance au sein de l'Union monétaire" comprenant u seul article.

Là, il s'agit de voter "oui, nous ratifions" ou "non, nous ne ratifions pas". Aucun amendement n'est possible. Le Front de Gauche votera contre, l'UMP approuvera par fidélité à l'ancien président et les écologistes auront une liberté de vote... ou s'abstiendront. Ce qui devrait être le schéma majoritaire. Acte 3 : le dépôt d'un projet de loi organique qui inscrira en droit interne la fameuse "règle d'or"  budgétaire. Là, les amendements sont possibles et le Sénat peut adopter un texte différent. Ce qui pourrait conduire à la tenue d'une commission mixte paritaire. L'Assemblée nationale ayant le dernier mot. Il est fort possible que l'UMP mène la bataille, notamment sur son regret de ne pas voir la règle d'or inscrite dans la Constitution. Mais, in fine, elle devrait au pire s'abstenir. Le Front de Gauche votera contre et les écologistes, une fois encore, se débrouilleront pour s'opposer juste ce qu'il faut pour ne pas se brouiller avec le gouvernement et la direction du PS. Ainsi s'achèvera ce psychodrame. Commencera alors l'épineux débat sur le projet de loi de fnances 2013, avec les très douloureuses décisions à prendre pour tenir le cap d'un déficit public limité à 3% du PIB. Un objectif européen !

 

Commentaires 17
à écrit le 01/09/2012 à 7:03
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Cela devient fatigant, ces gens qui admettent des déficits même de 0,5% et qui trouvent déjà le moyen de les contourner. Un déficit est un déficit : il pèse sur le futur.

à écrit le 01/09/2012 à 0:07
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La rÚgle d'or est Elle constitutionnelle ou pas ? Son ajoût modifie t'il la Constitution ou pas ? ET la question de la régle d'Or, qui concernede Tous les Français, aurait du faire l'objet d'un referendum; comme cela avait été un temps prése...

à écrit le 31/08/2012 à 20:35
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Si les médias/journaux étaient un moins endogames et moins enclins à lécher le cul des politiques, ils auraient fait du journalisme, pour une fois, et auraient prévenu l'opinion publique au travers de (vrais) articles de la désastreuse présidence de ...

à écrit le 31/08/2012 à 20:30
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"tenir le cap d'un déficit public limité à 3% du PIB. Un objectif européen ! ". Eh non justement pas lisez les textes, avec le pacte budgétaire le déficit autorisé pour 2013 est plus proche de 1% que de 3% http://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_budg%C3...

à écrit le 31/08/2012 à 14:41
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cette règle est stupide et nuisible, elle a comme seul objectif de ligoter les états et de les détruire peu à peu en les étouffant, un état doit pouvoir être déficitaire de temps en temps , surtout en cas de crise ou d'investissements importants. Ce ...

à écrit le 31/08/2012 à 13:19
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le redressement dans la justice : mais pourquoi les députés ne justifient-ils pas leurs frais par des factures et que ces frais soient contrôlés ?

à écrit le 31/08/2012 à 11:38
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Il faudra bien que la droite vienne au secours du gouvernement pour faire passer cette décision indispensable., le PS en étant incapable (euphémisme).

à écrit le 31/08/2012 à 11:19
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Une fois ce traité signé la gauche sera tenue en laisse. C'est tout de meme hallucinant qu'il faille en arriver la pour les empecher de depe ser et d'emprunter sans limite...

à écrit le 31/08/2012 à 10:13
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Y avait déjà la règle des 2% que la France n'a pas respecté. Alors, faut nous expliquer à servent ces règles :-)

à écrit le 31/08/2012 à 8:40
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Si le principe del'équilibre des finances est difficile à contester la méthode pour y arriver mérite débat. en 2005 les français avec raison et claivoyance ont voté contre l'Europe de la finance qui nous a mené dans la situation actuelle, mais les p...

à écrit le 31/08/2012 à 8:20
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le traité prévoit 0.5% de déficit structurel c'est à dire avant service de la dette et éléments conjoncturels majeurs (crise). le seul élément dans la phrase précédente qui menace la souveraineté du pays c'est le service de la dette qui oblige actuel...

à écrit le 31/08/2012 à 8:11
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si je comprends bien nous sommes dirigé par la minorité des écolos .si nos députés faisaient leur travail de représentant des électeurs et non de leur caste nous aurions un pays qui fonctionne .

à écrit le 30/08/2012 à 23:01
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la règle d'or, c'est d'écrire que l'on ne pas dépenser plus que ce que l'on a ... on se demande comment certains on t des difficultés à l'admettre ... mais bon , chez eux, ce n'est peut-être pas eux qui gèrent ...!!!

à écrit le 30/08/2012 à 22:22
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la génération des soixante-huitards s' est gavée à crédit pour nous faire une France de m.... C 'est la jeunesse de maintenant , comme il dit , qui paye la gabegie . Jusqu'à quand ?

à écrit le 30/08/2012 à 21:57
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Il est courant de dire que les requins ne se mangent pas entre eux mais là ça risque bien d'arriver !!!

à écrit le 30/08/2012 à 20:47
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"L'UMP votera la ratification par respect à Nicolas Sarkozy " ... ceux qui voteront cela sont des traitres envers la Nation ... L'heure de rendre des comptes au peuple viendra un jour, et qu'ils ne comptent pas sur moi pour leur trouver des excuses ....

à écrit le 30/08/2012 à 20:07
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La règle d'or pour les citoyens c'est d'en acheter au plus vite, avant de tout perdre à cause de la dévaluation quotidienne de l'euro.

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