Le sexisme au travail : un instrument d'exclusion redoutable qui reste tabou

Les attitudes et décisions sexistes dans le milieu professionnel ont de sérieuses conséquences sur la performance et le bien-être des femmes. Pourtant, le phénomène reste marqué par une importante dose de déni, relève un rapport remis vendredi à Marisol Touraine.
Une femme sur deux a subi une blague graveleuse, selon une enquête de 2013 à laquelle quelque 15.000 salariés ont répondu.

Le sexisme au travail, épouvantail désuet de quelques féministes ringardes? Plutôt une réalité à laquelle sont confrontées régulièrement huit femmes salariées sur dix, rappelle le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP) dans un rapport remis vendredi 6 mars à la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine.

Quant aux blagues graveleuses, une femme sur deux en a fait les frais, note l'étude, citant les résultats d'une enquête de 2013 à laquelle quelque 15.000 salariés ont répondu. Cependant, dans leur ensemble, les attitudes ou décisions sexistes dans le milieu professionnel restent un "tabou", regrette le rapport du CSEP. La notion de sexisme "n'arrive pas à émerger clairement", relèvent en effet les auteurs du rapport à la veille de la Journée internationale de la femme (le 8 mars).

Un sentiment d'efficacité amoindri chez neuf salariées sur dix

Pourtant, en toutes circonstances, le sexisme fait mal aux femmes et plus généralement à l'efficience professionnelle. Il "fonctionne comme un redoutable instrument d'exclusion des femmes de la sphère professionnelle et leur signifie qu'elles ne sont pas à leur place", souligne le rapport.

Et il finit par avoir d'importantes répercussions sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail. Plus de neuf salariées sur dix estiment ainsi qu'il peut amoindrir leur sentiment d'efficacité.

Trois formes de sexisme

Certes, le phénomène est compliqué à définir, reconnaissent les auteurs de l'étude remise à Marisol Touraine, car "la limite entre les actes, propos, attitudes acceptables et ceux qui ne le sont pas, (...) entre les propos blessants et humiliants et les propos humoristiques" n'est pas évidente.

C'est pour cette raison que le rapport, d'une centaine de pages, s'attelle d'abord à une tentative de définition. Il distingue ainsi trois formes de sexisme:

  • celui "hostile" du type "les femmes sont nulles en mathématiques";
  • celui "subtil ou masqué", qui passe notamment par l'humour;
  • le "sexisme ambivalent, voire bienveillant" comme le paternalisme infantilisant. Ce dernier est notamment celui mis en avant par Marisol Touraine  dans un entretien au quotidien gratuit Metronews comme le "sexisme ordinaire":

"Celui qui veut qu'on appelle une femme systématiquement par son prénom, ou qu'on s'adresse à elle en lui disant 'ma petite', tout en sachant très bien que c'est dévalorisant", remarque la ministre.

35 préconisations pour combattre le sexisme

Dans un second temps, l'étude se penche sur le sexisme dans le droit, notant sa "quasi-inexistence" ou une "approche floutée", même si d'autres notions comme le harcèlement peuvent être utilisées. Il examine enfin les outils mis en place par les entreprises, comme les règlements intérieurs ou les chartes.

Pour mieux combattre le phénomène, les auteurs formulent 35 préconisations, parmi lesquelles figurent l'idée de mieux mesurer le sexisme dans les enquêtes, de lancer une campagne nationale dans les médias ou de réunir à la fin de l'année un comité interministériel sur le sujet. Ils recommandent aussi d'organiser en 2015 un colloque international et de renforcer les formations des managers, dirigeants et autres acteurs du monde du travail. Ils suggèrent par ailleurs d'inciter les entreprises à insérer dans leur règlement intérieur un passage invitant les salariés à adopter "un comportement respectueux" ou encore de rappeler la compétence du Défenseur des droits en matière d'agissements sexistes au travail.

Dans Métronews, Marisol Touraine, tout en soulignant elle aussi la nécessité de "faire reculer la loi du silence" en la matière, exclut de légiférer, estimant que la loi "est beaucoup plus protectrice qu'on ne l'imagine".

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