Débat sur la privatisation d'Air France sur fond de tensions sociales

Après Air Lib, qui pourrait déposer son bilan dans les jours à venir, c'est Air France qui se retrouve aujourd'hui sous les feux des projecteurs. L'examen par le Sénat du projet de loi accompagnant la privatisation d'Air France, qui a débuté cet après-midi en première lecture au palais du Luxembourg, s'ouvre dans un climat de forte tension sociale. Environ deux cent salariés d'Air France et d'Air Lib étaient rassemblés mercredi en début d'après-midi devant le Sénat. Juste avant l'ouverture du débat, une délégation de syndicats des deux compagnies aériennes a été reçue par des sénateurs communistes et socialistes. "Aucune raison ne justifie la privatisation d'Air France. Nous persistons à penser qu'Air France va rester un service public pour assurer une mission d'aménagement du territoire", déclarait Patrice Hurel, délégué de Force ouvrière, à l'AFP.D'autre part, neuf syndicats des personnels au sol, opposés à la privatisation, ont appelé à un arrêt de travail de 55 minutes mercredi. Ces débrayages, qui sont répartis sur toute la journée selon les horaires du personnel au sol, ne devaient pas affecter les voyageurs, a affirmé la direction d'Air France. C'est dire si le projet de privatisation provoque une belle levée de boucliers. Dans ses grandes lignes, il prévoit que l'Etat, qui détient 54,4 % du capital du groupe, vendra environ 30 % d'Air France sur le marché boursier, peut-être moins. Des rumeurs selon lesquelles le gouvernement ne mettrait sur le marché que 5 % de sa participation ont été démenties officiellement ce matin par le ministre des Transports, Gilles de Robien. "Il s'agit pour l'Etat de garder une très grosse carte de visite, de l'ordre de 15 à 20%", a-t-il souligné. "L'Etat et les salariés auront ensemble "une minorité de blocage de 34%", a ajouté le ministre. En tout cas, une chose est sûre, et Gilles de Robien l'a d'ailleurs souligné cet après-midi au Sénat : le gouvernement n'est pas pressé. Actuellement, la perspective de mise en Bourse de la compagnie aérienne, sur laquelle repose la stratégie de privatisation, paraît compromise par la mauvaise tenue des marchés. "La valeur boursière d'Air France souffre à ce jour des conditions générales du marché boursier et des incertitudes liées à l'amélioration de la conjoncture mondiale et à la clarification de la situation géopolitique", a reconnu le ministre des Transports. "Compte tenu de ces incertitudes, il ne m'est pas possible de me prononcer plus précisément sur les modalités de l'opération et notamment sur le prix de mise sur le marché des actions". Mais Gilles de Robien a indiqué que "la privatisation d'Air France pourrait avoir lieu au milieu de l'année ou à la fin 2003. (...) Le gouvernement entend bien évidemment protéger les intérêts des contribuables. L'opération ne se déroulera que lorsque les conditions du marché le permettront".Le personnel au sol et les pilotes opposés au projet Le projet de loi donne, d'autre part, la possibilité aux salariés d'Air France - qui possèdent déjà 11% de la compagnie - d'acquérir jusqu'à 15 % des actions mises en vente. Mais ce plan fait face à un fort vent contraire. Les pilotes d'Air France, initialement plutôt en faveur de la privatisation, ont fait machine arrière et estiment que, dans le contexte actuel, "l'ordre du jour de la privatisation ne saurait être maintenu". Le SNPL, premier syndicat de pilotes de la compagnie, s'oppose à certains volets du projet et en particulier ceux sur la composition du conseil d'administration et sur la mesure du "salaire contre actions". Le texte de loi pose le principe d'une extension de cette disposition à l'ensemble des salariés, et non plus seulement aux seuls pilotes qui perdraient ainsi un privilège de taille. Le SNPL, suivi par deux autres syndicats de pilotes, a par ailleurs déposé un préavis de grève du 17 au 20 février prochains, pour protester contre le silence de la direction qui n'a pas répondu à leur demande de revalorisation salariale.Air France ne manque pas d'atouts : le groupe se classe au troisième rang mondial pour le transport international de passagers (43,3 millions de passagers pour son dernier exercice) et, en termes de chiffre d'affaires, au neuvième rang mondial (12,5 milliards d'euros). Mais sa privatisation risque de déboucher sur un conflit social supplémentaire dont le gouvernement aurait bien fait l'économie. Du coup, le projet de loi "d'accompagnement de la privatisation" - son titre officiel - subira sans doute des remaniements. En tout cas, récemment encore, Francis Mer, le ministre des Finances, indiquait préférer attendre que l'hypothèse d'une guerre en Irak - qui menace le secteur aérien mondial d'une nouvelle crise - soit levée pour disposer d'une meilleure visibilité.Aujourd'hui, à la clôture, l'action fléchissait de 3,39 % à 8,55 euros.2 millions d'euros de bénéfice net au troisième trimestreAir France a publié mercredi soir un chiffre d'affaires en hausse de 7,9 % à 3,14 milliards d'euros, pour le 3ème trimestre 2002-2003 (se terminant fin décembre 2002). Le bénéfice net ressort, au 3ème trimestre, à 2 millions d'euros alors que la compagnie aérienne avait enregistré une perte de 131 millions sur la même période en 2001-2002. Le bénéfice d'exploitation se monte, lui, à 4 millions d'euros, contre une perte de 112 millions en 2001-2002. Pour les neuf premiers mois de l'année financière 2002-2003, qui s'achèvera fin mars 2003, Air France enregistre un bénéfice net en hausse de 43,4 % à 218 millions d'euros.
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