Eurotunnel tire la sonnette d'alarme

Eurotunnel jouerait-il la carte de la dramatisation pour pousser ses créanciers à accepter une restructuration de sa dette rapide et avantageuse? Toujours est-il que le ton est vite donné dans le communiqué de publication des résultats 2004 du groupe. Dès l'en-tête, la note précise qu'il s'agit d'"un bilan décevant".La perte nette s'est élevée à 810 millions d'euros. Certes, elle était de 1,9 milliard en 2003. Néanmoins, "les résultats de 2004 s'inscrivent encore dans la continuité des années précédentes", déplore Jacques Gounon, le président. D'ailleurs, comme par le passé, Eurotunnel a surtout souffert du poids des éléments non-récurrents: 69 millions au titre de diverses mesures de restructuration et 560 millions d'euros de dépréciation pour ajustements de méthodes comptables. Les frais financiers de 438 millions d'euros sont également restés élevés, bien qu'en retrait de 5% sur un an.Mais au-delà de ces chiffres, le groupe se dit aussi déçu de son exploitation. Le chiffre d'affaires a baissé en raison du tassement de l'activité navettes, avec pour conséquence un repli de 6% de la marge d'exploitation à 430 millions d'euros. Bref, si le groupe peut mettre en avant l'amélioration de 1% de son résultat d'exploitation, de 256 millions d'euros, c'est uniquement parce que les amortissements ont été moindres.Etranglement en 2007Bien entendu, des résultats décevants à la santé financière, il n'y a qu'un pas que le communiqué d'Eurotunnel franchit rapidement. Fait rare dans un document de ce type, le groupe produit même un état très détaillé de sa situation financière, mettant en parallèle sa dette totale de 9 milliards d'euros et ses fonds propres de 800 millions d'euros. Côté dette, la répartition est la suivante: 2,1 milliards d'euros en zone tampon (crédit de stabilisation, obligations participantes...) et 6,9 milliards de dette classique (junior, senior...).Eurotunnel précise qu'"aucun instrument de la dette ne vient à échéance avant 2006". Mais évoquant sa situation de trésorerie prévisionnelle, il avertit qu'en 2007, il "ne sera pas en mesure de faire face à ses échéances contractuelles dès le premier semestre".Cependant, le gérant du tunnel sous la Manche entrevoit "une lueur d'espoir". Il espère pouvoir d'ici là renégocier avec ses créanciers. "Eurotunnel a obtenu de ses prêteurs une dérogation ("Waiver") valable jusqu'au 31 janvier 2006 définissant les conditions préalables au démarrage de négociations avec ses créanciers en vue de restructurer sa dette", rappelle la société qui précise que "cette dérogation prévoit notamment la remise au plus tard le 15 juillet 2005 d'une proposition de plan de restructuration".Diviser la dette par troisPour Jacques Gounon, la dette devrait dans l'idéal être divisée par trois. "Il faut arrêter de fantasmer, Eurotunnel est une société en difficulté, dont la capacité de remboursement n'est certainement pas très élevée au-dessus de 3,3 milliards. Des gens ont dit qu'il fallait diviser la dette par deux, moi mon souhait serait plutôt qu'on la divise par trois", a-t-il affirmé à l'AFP. Et pour y parvenir, il entrevoit une solution radicale. "Entre 4 milliards d'euros, qui est la valeur marché de la dette, et 9 milliards d'euros, une bonne partie voire la quasi-totalité de la dette devrait être purement et simplement effacée, et je parle bien d'effacement", a-t-il ajouté.Le comité des créanciers d'Eurotunnel, représentant 69% de la dette junior, a immédiatement réagi, rétorquant que cette "suggestion ne sera pas acceptable pour la majorité des créanciers, dont le soutien est nécessaire pour toute restructuration financière". Il dit toutefois vouloir "entamer les négocations, dans un esprit constructif tenant compte des réalités économiques".Sur le marché, les investisseurs ne semblent en tout cas pas s'inquiéter outre mesure, du moins pas plus que les jours précédents. A 0,21 euro (-4,55%) mardi soir, l'action ne perd rien de plus que le centime d'euro qu'elle avait gagné la veille.
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