Prise de contrôle, sans prise de risque ?

Prendre le pouvoir et nommer une nouvelle direction, voire consolider les résultats d'une entreprise dont un groupe détient une participation minoritaire, mais refuser d'en payer le prix? Les associations de défense des petits porteurs et les chantres de la bonne gouvernance ont une expression pour qualifier ce type de procédé: une prise de contrôle rampante. Les cas semblent se multiplier, notamment dans le secteur des médias. En juin dernier, Vincent Bolloré est parvenu à devenir maître chez Havas en ne détenant que 22% du capital. A l'époque, l'Adam de Colette Neuville avait bien tenté d'alerter sur les risques de son offensive. Peu après une rocambolesque assemblée générale de plus de quatre heures, il prit la présidence non-exécutive du conseil d'administration et désigna un nouveau directeur général opérationnel censé imprimer une nouvelle stratégie au groupe publicitaire fragilisé par la perte de nombreux budgets. Les petits actionnaires sont, eux, priés d'attendre que l'action cesse de céder du terrain... Il fut question aussi de "contrôle rampant" vendredi à la City, à l'assemblée générale du bouquet de télévision par satellite BSkyB. Plusieurs investisseurs institutionnels influents avaient publiquement exprimé, avant la tenue de la réunion, leur opposition à deux projets de résolutions. Par le biais d'un rachat d'actions portant sur 5% du capital, le premier actionnaire de BSkyB, le groupe de Rupert Murdoch, News Corp, allait mécaniquement augmenter sa participation de 37,1% à 39% du capital, ce qui, selon la législation britannique sur les OPA, aurait dû le contraindre à lancer une offre publique sur le groupe audiovisuel. Une opération qui aurait coûté à Murdoch la rondelette somme de 8,3 milliards d'euros au minimum... Malin, le magnat australo-américain avait prévu une disposition le dispensant de l'obligation légale de déposer une telle offre. Malgré la grogne, la résolution fut votée, certes de justesse. Murdoch s'est engagé à plafonner ses droits de vote à 37%. Mais à New York, il avait aussi promis de soumettre au vote de ses propres actionnaires une "pilule empoisonnée", qu'il a reconduite sans tenir parole... Déjà accusé de népotisme, lorsqu'il fit nommer son fils James à la tête de Sky, Rupert Murdoch n'a décidément pas redoré son blason outre-Manche. Toujours à la City, une autre affaire prend des allures de prise de contrôle rampante: la montée de Vincent Bolloré dans le capital d'un autre groupe publicitaire, Aegis, dont il frôle désormais les 25% du capital. Le voici désormais au seuil de la minorité de blocage: il peut empêcher tout éventuel prédateur de retirer, de quelque manière que ce soit, la société de la cote sans son assentiment. Son escalade a déjà fait fuir Publicis, prêt à racheter Aegis, mais pas à n'importe quel prix. Elle devrait définitivement échauder WPP et son allié Hellman & Friedman qui ont jusqu'au 25 novembre pour dévoiler leurs intentions. Mais tant que l'homme d'affaires breton se garde de dépasser le seuil des 30%, déclencheur de l'obligation de lancer une offre publique, il peut se contenter de cette position de minoritaire encombrant. Une prise de pouvoir à la hussarde comme chez Havas semble plus ardue: aux yeux de l'intransigeant gendarme de la Bourse britannique, le Takeover Panel, il est considéré comme une "partie ayant affaire avec" un concurrent d'Aegis, en raison de son statut de président du conseil d'Havas. Partir à l'assaut direct d'Aegis l'obligerait à débourser au moins 143 pence par action, le prix auquel il a lui-même acheté certains titres: soit au bas mot 1,7 milliard d'euros pour les 75% qu'il ne détient pas. Un très cher contrôle...
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