Le coup d'Etat aux Fidji révèle l'instabilité des îles du Pacifique

Une junte militaire a pris le pouvoir aux Fidji sous fond de rivalités ethniques. Les grandes puissances condamnent et s'inquiètent de l'agitation chronique dans la région

Le coup d'Etat était annoncé depuis plusieurs semaines et il a fini par avoir lieu dans la nuit de lundi à mardi. Pour la quatrième fois en vingt ans, les îles Fidji (322 îles au total) viennent ainsi de connaître un nouveau putsch militaire, sans effusion de sang, mené par le chef de l'armée, le contre-amiral Vorege Bainimarama. Dans une conférence de presse, ce dernier a annoncé qu'il endossait le rôle de chef de l'Etat - à la place de l'actuel président Ratu Josefa IIoilo - et qu'il congédiait le Premier ministre Laisenia Qarase qui avait été élu pour quatre ans au mois de mai dernier. Comme il est de coutume dans ce genre d'événement, le nouvel homme fort du pays a annoncé la dissolution du Parlement, la "nomination d'un gouvernement intérimaire" et promis "des élections" sans en préciser le calendrier.

L'Union européenne, les Etats-Unis et les puissances de la région ont condamné dans leur ensemble ce coup d'Etat et appelé au rétablissement de la démocratie. Washington a aussi menacé de suspendre son aide financière tandis que Bruxelles a mis dans la balance son aide à l'industrie sucrière fidjienne. Les critiques les plus vives sont venues d'Australie où le Premier ministre du pays, John Howard, a toutefois indiqué qu'il avait refusé de faire intervenir militairement son pays malgré la demande du Premier ministre déchu. L'Australie comme la Nouvelle-Zélande ont pris des mesures interdisant ou restreignant les déplacements de Bainimarama dans la région.

Depuis plusieurs mois, le chef de l'armée critiquait le pouvoir civil, lui reprochant sa corruption et, surtout, dénonçant un projet de loi qui amnistiait plusieurs personnalités politiques impliquées dans une tentative de coup d'Etat nationaliste en 2000 qui avait failli lui coûter la vie. Surtout, son coup de force s'inscrit dans les tensions qui opposent, parfois de manière violente, la minorité d'origine indienne - à laquelle appartient le contre-amiral - et la majorité mélanésienne (51% des 900.000 fidjiens). L'une des exigences du contre-amiral était le retrait d'une loi octroyant plus de terres aux mélanésiens, une mesure née des exigences des putchistes nationalistes de 2000.

Ce coup d'Etat va donc braquer les projecteurs sur une autre réalité des Fidji. Celle d'une tension ethnique qui oppose une minorité indienne qui détient le pouvoir politique et économique et une majorité indigène traversée par un fort courant nationaliste voire xénophobe. Mais plus que cela, cette crise est révélatrice de l'instabilité récurrente de la zone. Depuis plusieurs années, l'Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande, s'inquiètent régulièrement des accès de violence qui secouent les micro-Etats des îles du Pacifique. Outre les Fidji, les îles Salomon et le Timor oriental sont susceptibles de basculer à tout moment dans la violence. Il y a quelque semaines, c'est l'archipel de Tonga qui a connu des émeutes sanglantes qui a obligé l'Australie à intervenir militairement pour ramener le calme.

Une intervention qui a libéré un discours politiquement peu correct à l'origine d'une polémique dont les échos sont restés confinés aux antipodes. "Clairement, l'un des problèmes dans le Pacifique est que nombre de ces pays sont trop petits pour être viables, et c'est tout simplement la dure réalité", a ainsi relevé l'australien John Howard dans une déclaration rapportée par l'Agence France Presse (AFP). Un point de vue soutenu par la Nouvelle-Zélande. Selon les experts, cette instabilité chronique des îles du Pacifique est vue du mauvais oeil par Canberra, Tokyo et Wellington, qui craignent qu'elle ne permette leur contrôle par des groupes extrémistes ou par des narco-trafiquants.

Pour autant, les dirigeants australiens n'osent pas encore pousser plus en avant leur réflexion ou du moins la rendre publique. Instabilité chronique ou pas, toute allusion au retour des protectorats ou des dominions reste taboue...

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