L'élargissement a du plomb dans l'aile

Alors que le commissaire européen examine les progrès faits en Bulgarie et en Roumanie, les Européens sont de plus de plus réticents à accueillir de nouveaux entrants. Certains élus veulent tout faire pour éviter que l'Albanie ou la Turquie entrent un jour.

Finis les envolées lyriques sur la Grande Europe, au destin exemplaire. L'heure, on le sait depuis le non, en particulier celui de la France, lors du référendum sur la Constitution, n'est plus à la fraternité. Pas question de partager la richesse de la vieille Europe avec de nouveaux entrants, qui, pour toute récompense, feraient du dumping en matière de salaires ! Si ces arguments ne s'appuient pas sur la réalité des lois concernant le travail, par exemple, il n'empêche, les élus n'essaient plus de faire illusion.

Pour flatter leur électorat, ils n'hésitent plus à adopter une position de plus en plus ferme vis à vis de potentiels nouveaux entrants. Ainsi, le ministre des affaires étrangères néerlandais, Bernard Bot, vient d'envoyer une lettre aux parlementaires de son pays pour les enjoindre à se montrer le plus durs possibles quand il s'agira de réfléchir à l'entrée éventuelle de certains pays des Balkans dans l'Union. Selon lui, des états comme la Bosnie, l'Herzégovine et l'Albanie ne devraient obtenir le statu de candidat (qui n'augure en rien du résultat final) que s'ils mettent véritablement en place l'Accord d'Association et de Stabilisation, et non pas simplement s'ils se contentent de signer un tel accord, par exemple.

Une façon, en quelque sorte, de freiner l'enthousiasme d'un pays qui voudrait demander son adhésion avant l'heure. Celle qu'aura fixé, d'ailleurs, la vieille Europe. S'il est évident que les pays candidats doivent être prêts à rejoindre à l'Union, il n'empêche que ces nouvelles barrières ne sont pas sans relents politiques. C'est d'ailleurs la même idée qui est promu par la France pour les discussions de l'accession de la Turquie : portant sur des sujets "techniques", elles pourraient, si ces barrières étaient érigées, être interrompues à tout moment pour des raisons "politiques", en fait...

Même les candidats actuels, comme la Bulgarie et la Roumanie, qui sont pour l'instant passés à travers les gouttes, se rendent bien compte que les Européens se font de plus en plus exigeants. Le commissaire à l'élargissement, Olli Rehm, a ainsi fait deux visites, l'une à Sofia, l'autre à Bucarest, pour vérifier sur le terrain les progrès qui avaient été faits par ces deux entrants potentiels. "Peut mieux faire" semble être son analyse. Si les deux pays ont fait des progrès, en matière de lutte contre la corruption, de mise en place d'un système judiciaire adéquat, de discrimination envers les roms, les choses, en particulier en Bulgarie, sont encore loin d'être parfaites.

Et alors que cela n'a jamais été fait jusqu'à présent (même si c'est effectivement possible) voilà que l'Union réfléchit à faire entrer les deux pays, candidats en même temps, en deux temps. D'abord la Roumanie, comme prévu, en 2007, et la Bulgarie seulement en 2008. Et encore, la décision, qui sera rendue après la remise officielle, le 16 mai prochain, d'un rapport sur les progrès des deux pays, pourrait en outre - et ce serait là aussi une première, inclure des clauses de sauvegarde. Autrement dit, les deux pays - ou un seul au départ - seraient membres de l'Union pour tout, sauf pour certaines choses (exportations de viande par exemple, si les conditions sanitaires ne sont pas à la hauteur).

Certes, il est légitime, de la part de l'Europe, de se poser des questions sur les progrès de certains pays candidats ou voulant l'être. Mais il n'empêche. Ce virage politique, pour flatter les instincts les plus bas de l'électorat, incluant la peur de l'autre, ne peut que décevoir les démocraties encore balbutiantes de l'ex-système communiste - de même que les observateurs au delà de notre continent.

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