Le Congo-Kinshasa veut tirer un meilleur parti de ses matières premières

La République démocratique du Congo (RDC) va réexaminer une soixantaine de contrats miniers passés avec des sociétés privées. Le pays, souvent qualifié de "scandale géologique" tant il est richement doté, ne tire qu'un maigre bénéfice de l'exploitation de ses ressources naturelles. De nombreux contrats léonins signés pendant la guerre minimisent les recettes fiscales.

La République Démocratique du Congo va-t-elle enfin tirer parti des formidables richesses de son sous-sol? Le gouvernement a engagé au début de la semaine une revue des contrats miniers passés ces dernières années entre l'Etat et des partenaires privés en vue de leur éventuelle "révision". Une commission, composée d'une trentaine d'experts, rattachée à la présidence et au gouvernement, doit examiner d'ici le mois d'août une soixantaine de contrats signés ces dix dernières années. Elle bénéficiera de l'assistance technique d'experts internationaux, dont ceux des fondations américaine du Centre Carter et sud-africaine Open Society Initiative for Southern Africa (Osisa).

La commission va examiner "au cas par cas" les contrats et proposer "des modalités de leur révision en vue de corriger ainsi les déséquilibres constatés", a indiqué le ministre des Mines, Martin Kabwelulu. Il s'est toutefois refusé à envisager des "résiliations". La plupart de ces contrats offrent à des investisseurs privés d'énormes avantages fiscaux et parafiscaux parfois au détriment de l'Etat. Certains mandataires publics "auraient même conclu des contrats avec des sociétés privées en violation flagrante de la loi en la matière", a souligné le ministre.

La RDC, souvent qualifiée de scandale géologique, recèle d'immenses ressources naturelles, dont 34% des réserves mondiales connues de cobalt et 10% des réserves de cuivre. Mais 75% de ses 60 millions d'habitants vivent avec moins d'un dollar par jour. En 2006, la moitié du budget de l'Etat a été financé par le FMI et la Banque Mondiale faute de rentrée fiscale suffisante. Les plus grandes compagnies internationales y sont présentes, dont le premier groupe minier mondial BHP Billiton, le géant de l'or sud-africain Anglogold Ashanti et l'américain Phelps Dodge.

"Il est donc plus que temps que les mines congolaises profitent pleinement et visiblement au peuple du Congo", a martelé Martin Kabwelulu. Plus de la moitié des 60 contrats qui vont être réexaminés ont été passés entre la Générale des carrières et des mines (Gecamines), une société minière d'Etat implantée au Katanga (sud-est), et des investisseurs étrangers. Des participations, le plus souvent majoritaires, ont été cédées, "bradées" selon nombre d'ONG et d'observateurs, à des groupes étrangers, dans un incroyable flou juridique.

En juin 2005, la Commission Lutundula, une commission spéciale de l'Assemblée Nationale, dirigée par le député Christophe Lutundula, a rendu un rapport sur les contrats miniers signés par les rebelles et les autorités gouvernementales entre 1996 et 2003, lorsque la guerre faisait rage au Congo. Le rapport constate que des douzaines de contrats sont soit illégaux, soit d'une valeur limitée pour le développement du pays. Résultat, en 2006, la communauté internationale - autrement dit le FMI et la Banque Mondiale - a financé la moitié du budget de la RDC.

Le rapport recommandait l'abrogation ou la renégociation de ces contrats. Mais la communauté internationale a préféré attendre l'élection en novembre 2006 de Joseph Kabila pour remettre en cause certains contrats. La RDC est loin d'être un cas isolé. L'ancienne magistrate Eva Joly rapporte dans son dernier livre (La Force qui nous manque, les Arènes) que l'Etat zambien n'a encaissé que 60 millions de dollars sur les 3 milliards de dollars de cuivre exportés en 2006.

"C'est un problème fondamental pour les pays en développement, expliquait récemment à La Tribune l'ancienne magistrate. Aider les pays pauvres aujourd'hui, c'est aider un pays comme la Zambie à résister au pillage de ses ressources naturelles en mesurant correctement la production de cuivre et en l'aidant à taxer correctement la compagnie minière qui met en valeur ses ressources naturelles".

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