Human Rights Watch dénonce l'antisyndicalisme de Wal-Mart

Le géant américain de la distribution empêche ses salariés de se syndiquer, souligne un rapport de l'organisation de défense des droits de l'homme. Pour y parvenir, l'entreprise utilise la faiblesse du droit du travail américain mais recourt aussi à des méthodes illégales.

Parmi les 1,3 million de salariés de Wal-Mart aux Etats-Unis, combien sont syndiqués? Aucun. Est-ce un hasard? Non, estime l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch (HRW) dans un rapport de plus de 200 pages qui met en évidence les pratiques antisyndicales du géant américain de la distribution. "Les employés de Wal-Mart n'ont pratiquement aucune chance de se syndiquer parce qu'ils sont confrontés à des lois américaines du travail qui sont injustes et à une compagnie géante qui est presque prête à tout pour empêcher l'arrivée de syndicats", constate Carol Pier, chercheuse principale sur les droits du travail et le commerce pour HRW.

Avec ses 4.000 magasins à travers tout le pays, Wal-Mart est le plus grand employeur privé aux Etats-Unis. C'est également la plus grande entreprise mondiale, qui a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 351,14 milliards de dollars et un bénéfice de 11,3 milliards de dollars, rappelle HRW. Pour l'organisation de défense des droits de l'homme, sa conduite est d'autant plus préoccupante. "Même si de nombreuses compagnies américaines utilisent les faibles lois américaines pour empêcher leurs employés de se syndiquer, le géant de la distribution se démarque par l'amplitude et l'agressivité flagrantes de sa machinerie antisyndicale", souligne HRW.

Quelles sont les méthodes déployées par l'entreprise pour maintenir son objectif "zéro syndiqué" parmi ses "associés", selon le terme consacré pour parler de ses employés? Dès leur embauche, employés et directeurs de magasins sont endoctrinés par leur nouvel employeur pour s'opposer aux syndicats. Ainsi, un guide destiné aux directeurs de magasins, la "boîte à outils du directeur", contient des instructions sur "comment rester sans syndicat dans l'éventualité où des syndicalistes choisiraient (leur) magasin comme prochaine cible", révèle l'organisation. En outre, un numéro d'urgence relatif aux syndicats est à leur disposition au siège de Wal-Mart au cas où des employés essayeraient de se syndiquer. Si tel est le cas, la compagnie dépêche en urgence son "équipe de relations du travail" afin d'empêcher toute tentative de syndicalisation.

La plupart des méthodes utilisées par cette équipe sont conformes au droit du travail américain, peu protecteur: réunions des membres de l'équipe concernée, auxquelles les "associés" sont vivement incités à assister, et au cours desquelles des vidéos "informent" des conséquences négatives de la création de syndicats. Or, face à ce martèlement antisyndical, l'entreprise laisse peu d'espace aux syndicalistes ou aspirants syndicalistes pour répondre: la loi américaine ne l'y oblige d'ailleurs pas. Ces méthodes de dénigrement légales instaurent un climat de peur dans les magasins américains Wal-Mart, les employés redoutant d'être licenciés s'ils se syndiquent.

Mais la compagnie recourt également à des tactiques antisyndicales illégales, selon le rapport. Les employés et directeurs interrogés par HRW citent notamment le repositionnement de caméras de surveillance afin de suivre les partisans de syndicats, l'interdiction de toute discussion relative aux syndicats et de la distribution de tracts syndicaux, le licenciement de salariés pour leur activité syndicale. Les sanctions prévues par la législation américaine sont si minimes qu'elles ne sont pas susceptibles de dissuader Wal-Mart, note l'organisation de défense des droits de l'homme. Si bien que celle-ci plaide pour l'adoption de la loi pour le libre choix de l'employé, votée par la Chambre des Représentants en mars et actuellement en instance au Sénat. En augmentant les pénalités en cas de violation du droit du travail, cette loi faciliterait la syndicalisation des salariés, plaide HRW.

Wal-Mart, qui a refusé de rencontrer les membres de HRW au moment de l'enquête, a vivement contesté ce rapport "biaisé en faveur des syndicats" et contenant "des allégations non fondées remontant pour certaines à 6 ou 7 ans". "Wal-Mart fournit un environnement de communication ouverte et donne à nos associés toute opportunité d'exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs inquiétudes. C'est en raison de nos efforts pour favoriser un tel environnement que nos associés ont régulièrement rejeté les tentatives de syndicalisation", a indiqué David Tovar, porte-parole de Wal-Mart dans un communiqué.

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