Double jeu à la Collection Lambert en Avignon

Des oeuvres qui explosent de lumière de l'artiste américain Cy Twombly, une galerie de portraits des sociétaires de la Comédie Française pris par Andres Serrano: la Collection Lambert, musée d'art contemporain en Avignon, double la mise alors que Festival de la Cité des Papes fait de nouveau entendre pour sa 61è édition les trompettes de Maurice Jarre.

La première oeuvre que l'on voit un fois franchi l'entrée du bel hôtel de Caumont qui abrite la Collection Lambert, c'est une sculpture qui paraît presque naïve. Sur le socle, un énorme fruit, une pomme sûrement avec sa queue piquée en son sommet un peu à la manière de ces coiffes andalouses qui ressemblent à un éventail planté dans le crâne. Cette pièce en bronze devait être manifestement instable puisque l'on découvre une cale entre la pomme et son support. L'artiste Cy Twombly a cette réputation de s'être toujours joué des lois de l'équilibre. Et que même dans sa façon d'être, il a la réputation d'un dilettante.

Né en 1928, l'artiste donne la preuve ici de sa capacité à fournir un travail colossal en peu de temps. Qu'il n'est pas le dilettante que l'on croit. Eric Mézil, le commissaire de l'exposition et directeur de la Collection Lambert en Avignon, raconte comment il a convaincu Twombly qui vit en Italie, à Rome, depuis près de 50 ans et dont Yvon Lambert est l'un de ses grands collectionneurs, de présenter des oeuvres nouvelles spécialement réalisées pour l'hôtel de Caumont. L'affaire remonte à 2006, c'est-à-dire à moins d'un an, juste après un séjour de l'artiste en Avignon.

Le résultat est surprenant. Dilettante? Que nenni. Il est avant tout un poète qui s'arrange avec la matière pour qu'elle ne s'effondre pas. Un homme libre, mal connu ici malgré de nombreux ouvrages sur lui (notamment de Roland Barthes), mais fortement collectionné ailleurs. Il est vrai que l'image de Twombly est surtout associée à une peinture où l'écriture disposée comme des signes, presque des graffitis jetés sur la toile, ne se donne pas facilement à lire, si ce n'est sa référence presque permanente à la mythologie. En regardant autour de cette grosse pomme sculptée, on efface cette image et l'on découvre un débordement, une explosion de couleurs (des rouges, des jaunes...) et de formes.

Les motifs floraux de Twombly, ses pivoines gigantesques, multiples, dialoguent avec les impressionnistes - Monet et ses Nymphéas- mais aussi avec Matisse, Andy Warhol, Bonnard, et encore avec les artistes japonais de l'ère Meiji. Derrière ses toiles, parfois de 5,50 m sur 2,50 m, on ressent une jubilation, un trop plein de sève, de jouissance. L'exposition a pour titre "Blooming" - épanouissement - et pour sous-titre "Scattered, Blossoms & Other Things", autrement dit "semés à la volée, éclosions et autres choses". Le contrat est rempli. Il faut ajouter à ce travail de Twombly la quinzaine de sculptures qu'il présente. Des bronzes, des plâtres, ou du papier mâché. Toujours des pieds de nez à l'équilibre. Aux sculpteurs aussi tout en ne cachant pas ses références, Brancusi, Giacometti et même Picasso...

Signalons deux choses: d'abord que le catalogue de l'exposition (chez Gallimard) est absolument superbe avec énormément de reproductions des oeuvres; ensuite Yvon Lambert profite de cette exposition pour présenter sa propre collection d'oeuvres de Cy Twombly. Des pièces d'une autre époque des années 70-80 et des dessins remarquables.

Comme le Festival d'Avignon s'ouvre et que le théâtre est à l'origine de cette manifestation, la Collection Lambert a pris goût (et son directeur Eric Mézil) à renvoyer la balle, de présenter le théâtre autrement. Ce fut l'an dernier la grande exposition sur "La figure de l'acteur". Cette fois, sur les murs de la grande salle de la Collection, sont accrochées les photographies des sociétaires de la Comédie Française. Une bonne quarantaine de portraits réalisés par la photographe Andres Serrano, juste des visages en gros plan et en posture des personnages qu'ils jouaient. Avant la seconde guerre mondiale, les peintres et finalement le Studio Harcourt tiraient le portrait des artistes de la Maison de Molière. La tradition a faillit disparaître. Serrano en donne un nouveau regard.

Expositions jusqu'au 30 septembre à la Collection Lambert en Avignon. Tél: 04 90 16 56 20.
"Blooming", le catalogue chez Gallimard, 192 pages dont 100 illustrées en couleur, 29 euros.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.