Débat télévisé Royal-Sarkozy : l'intégrale (deuxième partie)

Retrouvez dans la série d'articles ci-joint la version intégrale du débat télévisé intervenu mercredi soir entre le candidat UMP à l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy et la candidate PS Ségolène Royal. Pour ceux qui auraient raté ce moment fort de la campagne et ceux qui voudraient le relire avec attention. Les thèmes abordés sont indiqués entre parenthèses, les questions des deux journalistes sont signalées par un tiret.

(poursuite du débat sur le nombre de fonctionnaires)

Ségolène Royal : D'abord, je n'ai pas dit que j'augmenterais le nombre de fonctionnaires. Alors, ne déformez pas mes propos...

Nicolas Sarkozy : C'est ce que j'avais cru comprendre pour la fonction publique...

S. R. : Non, j'ai dit que je maintenais leur nombre, mais que je redéployais le nombre de fonctionnaires en les retirant là où ils n'étaient plus nécessaires...

N. S. : Mais dans la fonction publique hospitalière...

S. R. : Au moment du départ à la retraite, au lieu de recruter des douaniers, je recrute des infirmières.

N. S. : Mais non, ce n'est pas possible, Madame, parce que la fonction publique hospitalière, c'est payé par un autre budget que le budget de l'Etat...

S. R. : Ecoutez, vous plaisantez ! Enfin, tous les fonds publics, tout se tient !

N. S. : Parce que vous pensez que c'est vous qui gérez l'assurance-maladie ?

S. R. : Non, ce n'est pas moi qui gère l'assurance-maladie, mais c'est quand même de l'argent public qui est dépensé et des cotisations qui sont payées sur les salaires...

N. S. : Vous ne pouvez pas redéployer entre les collectivités territoriales et l'Etat. Et vous ne pouvez pas redéployer entre l'Etat et l'assurance-maladie...

S. R. : Si, je redéploirai... Si vous ne pouvez pas faire, pourquoi voulez-vous accéder aux responsabilités ? Eh bien, moi je le pourrai.

N. S. : Si je suis président de la République, je ne pourrai pas diminuer les effectifs du conseil régional de Poitou-Charentes...

S. R. : Pourquoi pas ?

N. S. : Parce que cela s'appelle l'indépendance des collectivités territoriales. C'est même un droit de libre administration garanti par la Constitution.

S. R. : Ce n'est pas l'Etat qui le décidera, c'est la cohérence politique de la répartition des responsabilités. Car aujourd'hui que se passe-t-il ? Vous avez une loi de la décentralisation tellement confuse qui a entraîné une superposition des compétences entre les différentes collectivités territoriales, ce qui fait que tout le monde s'occupe de tout et qu'il y a donc beaucoup de gaspillages. Eh bien, moi, je remettrai de la clarté dans les responsabilités. Donc la fonction publique sera mieux répartie entre la fonction publique de l'Etat, la fonction publique hospitalière et les fonctions publiques territoriales. Voilà comment j'entends à la fois remettre de l'ordre juste dans l'administration et lutter contre toutes les formes de gaspillage.
Maintenant venons-en au sujet central qui est en effet la question du travail. Vous avez fait une proposition -elle a le mérite d'exister- sur la question des heures supplémentaires. Je crois que votre proposition est non seulement dangereuse, mais inefficace. Pourquoi ? Et pourtant je fais le même constat que vous, je crois qu'on ne travaille pas suffisamment en Frnce, parce qu'il y a trop de personnes au chômage. Si vous exonérez les heures supplémentaires, que va-t-il se passer ? Un employeur aura davantage intérêt à donner des heures supplémentaires à un salarié qu'à recruter un nouveau salarié. Or nous sommes le pays qui subit à la fois le taux de chômage des jeunes les plus élevé et le taux de chômage des seniors le plus élevé.
Par ailleurs, les heures supplémentaires sont possibles aujourd'hui. Vous le savez bien. Il y a eu deux lois Fillon qui ont libéré 220 heures supplémentaires par an. Et que se passe-t-il dans les entreprises ? Cette possibilité là n'est même pas utilisée par les salariés. Les salariés n'utilisent en moyenne que 120 heures supplémentaires par an parce qu'ils ne veulent pas forcément travailler plus ou parce que l'entreprise n'a pas suffisamment de plan de charge pour faire des heures supplémentaires.
Moi je propose au contraire de donner de l'emploi à ceux qui n'en ont pas et c'est comme cela que nous ferons aussi revenir des cotisations. Je propose de donner de l'emploi aux jeunes qui n'en ont pas, car ce qui ronge aujourd'hui l'équilibre de la société française, ce sont les jeunes diplômés et qualifiés qui n'ont pas accès à l'entreprise. Pourquoi ? Parce que l'entreprise demande à la fois de l'expérience professionnelle aux jeunes, mais en même temps ne fait pas confiance à ces jeunes. Et les inégalités se sont creusées entre les jeunes qui ont des relations et qui trouvent à entrer dans les entreprises, à faire leurs preuves, et très souvent ils font leurs preuves parce que nous avons un très bon système de formation, et ceux qui n'ont pas ces relations et qui n'arrivent pas à entrer dans l'entreprise.
C'est pourquoi je propose de créer, sur les cinq années, les 500.000 emplois-tremplins pour les jeunes et que mon objectif est de faire en sorte qu'en France, les jeunes ne restent pas pendant plus de six mois au chômage ou en recherche d'activité. Ces emplois-tremplins, ça marche. Parce que moi je suis une responsable politique qui veut faire des choses qui marchent, alors que votre décision d'exonérer les heures supplémentaires coûte 5 milliards d'euros, alors que les emplois-tremplins, ça marche et que cela ne coûte rien.
Pourquoi cela ne coûte rien ? Parce que c'est le recyclage des fonds de la formation professionnelle et des dépenses d'indemnisation du chômage. Et je préfère voir un jeune en activité payé six mois par les collectivités locales, qui ont déjà commencé et cela fonctionne : dans ma propre région, j'ai déjà créé 3.000 emplois-tremplins et ensuite les jeunes vont leurs preuves dans l'entreprise, ils montrent de quoi ils sont capables et, au bout de ces six mois, l'entreprise leur fait un contrat à durée indéterminée. Et s'ils s'ont inadaptés à l'entreprise, à ce moment là, on leur donne une formation professionnelle complémentaire.
Autrement dit, je pense que l'emploi va à l'emploi et qu'un jeune qualifié diplômé qui a la possibilité de montrer ce dont il est capable dans l'entreprise, bien souvent, va rester dans l'entreprise parce qu'il va y avoir un lien de confiance.

(échanges sur l'emploi et les 35 heures)

- Petit rappel historique. Depuis 1974, c'était le lendemain du premier choc pétrolier et c'était le premier grand débat entre deux candidats à la finale de la présidentielle, tous les candidats de gauche et de droite, nous ont dit qu'ils allaient gagner la bataille de l'emploi. On voit où on en est aujourd'hui. Nicoles Sarkozy, quelles sont vos solutions pour arriver au plein emploi ?

N. S. : Aujourd'hui, on a le plus faible taux de chômage en France depuis 25 ans. Je ne dis pas qu'on a tout réussi, mais c'est le taux le plus faible. Comment peut-on faire pour aller plus loin ? C'est une différence essentielle entre son projet et le mien. Au fond, elle est dans la stricte logique socialiste du partage du temps de travail. Il y a un temps de travail qui est comme un gâteau qu'on doit partager. Et elle nous dit : que personne ne travaille plus que 35 heures, comme ça cela obligera les entreprises à embaucher. Nulle part ailleurs dans le monde, on ne fait cela. Pas un pays, pas un seul, socialiste ou pas, n'a retenu la logique du partage du temps de travail, qui est une erreur monumentale.
Les 35 heures n'ont pas créé d'emplois et les 35 heures ont été responsables d'autre chose de plus grave encore : la rigueur salariale qui fait que nos salaires sont trop bas. Cela pèse sur le pouvoir d'achat des Français, et le pouvoir d'achat en berne, c'est moins de croissance.
Qu'est-ce que je propose ? Une autre stratégie, la stratégie qui a marché partout. Vous citez souvent les démocraties du Nord de l'Europe, c'est ce qu'elles font. Votre ami Blair au Royaume-Uni, c'est ce qu'il a fait. M. Zapatero, c'est ce qu'il a fait. Le travail des uns crée le travail des autres. C'est pourquoi l'Institut Rexecode, organisme parfaitement indépendant, a noté nos projets économiques.

S. R. : C'est l'organisme du Medef !

N. S. : Ah bon ! Mais vous savez par qui il est dirigé...

S. R. : C'est l'organisme du Medef. Est-ce vrai ou pas ?

N. S. : C'est faux. Vous savez par qui il est dirigé ? Il est dirigé par M. Michel Didier, l'un des économistes que M. Jospin avait nommé lui-même en 1998 dans son conseil des experts. Le président de l'organisme que vous venez de contester a été nommé par Lionel Jospin lui-même dans le conseil des experts qui entourait le Premier ministre d'alors... Ce n'est pas gentil pour M. Jospin. Qu'a dit Rexecode ? Que votre projet...

S. R. : ... un point et demi de croissance en moins. C'est cela ?

N. S. : C'est cela.

S. R. : C'est bien l'organisme du Medef. M. Juppé nous a servi cet argument régulièrement. Continuez...

N. S. Merci de m'y autoriser. ... et que mon projet créait 230.000 emplois de plus.

S. R. : Merci le Medef.

N. S. : Pourquoi toute personne qui n'a pas votre opinion, vous la regardez avec ironie ou avec mépris ? D'abord, l'institut Rexécode n'est pas l'institut du Medef, mais quand bien même, est-ce parce qu'on est chef d'entreprise, on n'y connaît rien à l'emploi ? Parce qu'on n'est pas de gauche, on n'a pas droit de parler de ces sujets ? J'attache beaucoup de prix à vos réponses. Je ne dis pas que c'est stupide, j'essaie de comprendre et d'expliquer aux Français quelles sont nos différences.

Tous les pays du monde ont augmenté les possibilités de travailler. Alors, première modification, aujourd'hui les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 20 salariés sont payées 10%, je les ferai payer 25%, parce que, comme il n'y aura pas de charges, les entreprises pourront augmenter les salaires. Avec des salaires augmentés, on donne du pouvoir d'achat, avec du pouvoir d'achat on crée de la croissance, avec la croissance on crée de l'emploi.

Pourquoi il n'y a pas d'heures supplémentaires aujourd'hui ? Vous ne vous l'êtes pas demandé. Parce que, comme les cotisations sociales sont déplafonnées, l'entreprise qui donne une heure supplémentaire doit payer 10% de plus -je propose 25%- plus des cotisations augmentées à dû prorata de l'augmentation du salaire. Elle n'a pas intérêt à les donner. Et on a fait ce système invraisemblable que le contribuable paie 16 milliards d'euros pour financer les 35 heures et en même temps que les salariés n'ont pas le droit aux augmentations de salaires dont ils ont besoin.

Je proposerai deux autres choses pour trouver le plein emploi. Il y a 500.000 offres d'emplois qui ne sont pas satisfaites. Je souhaite créer un service public de l'emploi en fusionnant l'Unedic et l'Anpe. Et je propose, parce que dans ma conception de la République, il ne peut pas y avoir de droits sans les devoirs, qu'on ne puisse pas lorsqu'on est chômeur refuser plus de deux offres d'emplois successives qui correspondent à vos qualifications et à la région où vous habitez. Tous les autres pays le font. J'ai été au Royaume-Uni, c'est extrêmement intéressant, quand vous êtes chômeur, vous êtes reçu tous les quinze jours. Dans le service public d'aujourd'hui, le premier rendez-vous pour un chômeur c'est au bout de quatre mois.

Et puis je propose une troisième chose : quand on est à un minima social, qu'il n'y ait pas un seul bénéficiaire d'un minima social qui ne soit pas conduit à exercer une activité quelle qu'elle soit pour retrouver la dignité de lui-même et rendre à la collectivité ce que la collectivité lui donne. Par ce système là, avec le contrat de sécurisation professionnelle, ce qui fait qu'il n'y aura plus aucun licenciement économique, si je suis président de la République, sans que la personne licenciée pour une délocalisation par exemple n'ait immédiatement un contrat avec le service public de l'emploi, 90% du dernier salaire, qui lui permettra de retrouver un emploi ou une formation. Avec Jean-Louis Borloo, nous l'avons expérimenté dans sept bassins d'emplois, il y en a 8.000 qui ont été signés. Ça marche.

Le plein emploi, il n'y a aucune raison que ce soit pour les autres. Et si vous continuez avec les 35 heures, dont j'aimerais que vous disiez si vous les généralisez, si vous les gardez ou si, comme moi, vous proposez de les garder comme un minimum et de laisser les gens travailler pour gagner plus. C'est quand même une question qui intéresse les Français.

S. R. : Si vous pensez que les 35 heures ont créé tant de dégâts, pourquoi ne les avez-vous pas supprimées pendant ces cinq années ? Parce que vous savez bien que cela correspond à un progrès social. Vous savez ce que les gens ont fait du temps libéré après les 35 heures, qui, d'ailleurs, contrairement à ce que vous avez dit, ont créé plus d'un million d'emplois ? Les gens pour 70% d'entre eux se sont occupés de leur famille et beaucoup de femmes en particulier, ou les salariés dans les travaux les plus difficiles qui, au bout des 35 heures, sont fatigués... donc l'augmentation de la durée du travail ne va pas non plus dans le sens du progrès social. Je suis pour la liberté de ceux qui veulent travailler plus et c'est possible, on l'a vu, puisque les heures supplémentaires sont possibles.

N. S. : Que faites-vous des 35 heures ? Vous les gardez ?

S. R. : Je l'ai dit, la deuxième loi sur les 35 heures a été une loi trop rigide. Donc vous voyez que je suis capable de regarder les choses telles qu'elles sont et la réalité des entreprises telle qu'elle est parce que je suis au front avec les entreprises ; j'ai cette responsabilité dans les régions, c'est nous qui gérons les aides économiques aux entreprises. Tous les jours, je suis au côté des chefs d'entreprise et j'ai bien vu que la deuxième loi sur les 35 heures avait été trop rigide. Et j'ai dit, dans mon pacte présidentiel, que désormais toute modification du code du travail se ferait après une négociation entre les partenaires sociaux. Toute modification du code du travail. Et pas comme vous l'avez fait en assenant un certain nombre de choses. Vous avez vu les réactions...

N. S. : Qu'est-ce que cela veut dire "trop ridige" ? Qu'allez-vous modifier dans les 35 heures ?

S. R. : Les partenaires sociaux en discuteront et se mettront d'accord, ils discuteront branche par branche. Et s'il n'y a pas d'accord, il n'y aura pas de nouvelle loi sur les 35 heures.

N. S. : Mais qu'est-ce que vous changez ? Moi, je ne toucherai pas aux 35 heures comme minimum de durée hebdomadaire.

S. R. : Donc vous reconnaissez que c'est quand même un progrès social et économique important.
Je vais vous donner un exemple. J'étais récemment dans une entreprise de haute technologie dans la Creuse qui produit des panneaux solaires. Cette entreprise est passée aux 32 heures et a augmenté sa productivité. Et contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, parce que j'en ai parlé à José Luis Zapatero et à Romano Prodi, et je suis allée en Suède voir la situation des entreprises ; dans bien des entreprises, lorsqu'elles sont performantes sur le plan technologique, elles ont même des durées du travail inférieures aux 35 heures. Mais ce qu'elles font aussi, et c'est cela qui est intéressant,...

N. S. : Celles qui sont à 32 heures, combien sont-elles payées ?

S. R. : Comme pour 35 heures.

N. S. : Donc on n'augmente pas le pouvoir d'achat...

S. R. : Mais si, pourquoi ?

N. S. : Parce que c'est un problème considérable le pouvoir d'achat...

S. R. : Laissez la liberté aux gens, ne leur imposez pas de travailler plus pour gagner plus. Vous savez ce qu'est la valorisation du travail ? C'est un travail payé à sa juste valeur. Vous trouvez normal que les salariés commencent leur carrière au Smic, à 980 euros net par mois et terminent...

N. S. : Restons aux 35 heures, parce que c'est important. Qu'est-ce que vous changez dans les 3 heures ? On ne comprend pas...

S. R. : Vous avez parfaitement compris et vous faites semblant de ne pas comprendre. Ce que j'observe c'est que vous ne reviendrez pas non plus sur les 35 heures. Vous ne les avez pas remises en cause. Donc elles ne sont pas responsables de tous les maux de la terre, comme le dit également le Medef. J'ai rencontré la présidente du Medef, la première chose qu'elle m'a dite c'est revenez sur les 35 heures. Je dis, ce n'est pas sérieux, il y a quand même d'autres sujets sur lesquels discuter. Je lui ai dit, vous voulez qu'on revienne et qu'on annule les 35 heures ? Elle m'a dit non. Donc dont acte. C'est un acquis social important, mais cela a créé des difficultés dans des petites entreprises, c'est vrai, parce qu'elles ont été appliquées de façon trop uniforme. Donc nous rediscuterons des 35 heures pour savoir si, oui ou non, et de quelle façon elles peuvent être généralisées et dans quelles branches. Et ce seront les partenaires sociaux qui vont en discuter. Je les ai déjà tous reçus. Je n'attends pas d'être élue pour travailler. J'ai rencontré l'ensemble des organisations syndicales et des organisations patronales et je leur ai dit que la réforme profonde du fonctionnement de la République demain sera une réforme de la démocratie sociale. Et je souhaite qu'il y ait davantage de salariés qui adhèrent aux syndicats. Pourquoi ? Parce que, dans un pays comme le nôtre, où nous n'avons que 8% de salariés qui adhèrent aux syndicats, alors que, dans les pays du Nord de l'Europe, 80% de salariés y adhèrent, à ce moment là il y a un dialogue social constructif qui se crée, il y a des compromis sociaux...

N. S. : Autoriserez-vous l'octroi d'heures supplémentaires qui sont aujourd'hui interdites ?

S. R. : Je termine sur les 35 heures. Parce que le syndicalisme aura été renforcé par le chèque syndical, par un crédit d'impôt, et parce que, désormais, les partenaires sociaux auront une responsabilité éminente, il n'y aura plus de loi qui sera imposée dans le domaine social tant qu'il n'y aura pas eu de discussion entre les partenaires sociaux. Ensuite, la loi viendra consolider ces discussions, apporter les financements nécessaires ou généraliser le droit du travail. Et donc, la réponse très précise sur les 35 heures est qu'il y aura, sur ce sujet comme sur les autres, la négociation entre les partenaires sociaux, branche par branche ; soit ils se mettent d'accord et il y aura les 35 heures, soit ils ne se mettent pas d'accord et il n'y aura pas de généralisation des 35 heures dans les entreprises concernées.
Mais, moi, je veux relancer la croissance, pas seulement avec les deux heures supplémentaires que vous voulez exonérer avec le chômage que cela va provoquer puisque, comme je l'ai dit tout à l'heure, les patrons auront intérêt à donner des heures supplémentaires, que d'ailleurs le salarié ne peut pas choisir et il faudra des plans de charge pour pouvoir donner de sheures supplémentaires... Je préfère qu'un employeur recrute un jeune ou un salarié de plus de 50 ans au chômage plutôt que de donner des heures supplémentaires exonérées, c'est-à-dire un nouveau cadeau aux entreprises sans contre partie. Votre mesure coûte 5 milliards d'euros.
En revanche, je pense qu'il est très important de prendre du recul par rapport à l'enjeu économique et de se dire qu'aujourd'hui, la vraie bataille c'est l'économie de la connaissance. Et j'ai proposé d'investir massivement dans l'innovation et dans la recherche. Vous le savez, les efforts dans la recherche ont drastiquement diminué, à tel point que le mouvement "Sauvons la recherche" qui ne voulait appeler pour aucun candidat vient de tirer la sonnette d'alarme et vient de me soutenir parce qu'ils savent à quel point la façon dont vous avez diminué les investissements dans la recherche ont détruit les emplois d'aujourd'hui et les emplois de demain.

N. S. : Les Français attendent de nous de la précision. Vous avez une capacité à surfer d'un sujet à l'autre avec quelques généralités qui fait...

S. R. : Allons au fond des sujets. Chacun sa méthode. Et j'ai ma liberté de parole et vous l'avez.

N. S. : S'agissant des 35 heures, qu'est-ce qu'on fait ? D'abord, je suis pour une durée hebdomadaire du travail : 35 heures. Tout ce qui est travaillé au-dessus est payé de 35 à 39 +25%, au-delà de 39 +50%, dans le privé comme dans le public. Car il y a de tout petits salaires dans le public. Et il n'est pas admissible qu'on ne puisse pas donner des heures supplémentaires. Et je souhaite qu'on puisse donner des heures supplémentaires à des jardiniers, à des cantonniers, à des officiers de l'état civil, à des policiers municipaux dans nos collectivités territoriales, aujourd'hui ce n'est pas possible. Il y a une différence entre vous et moi.
A quoi servent les RTT, quand on n'a pas de quoi payer les vacances pour ses enfants ? Quand, à la fin du mois, on a travaillé tout le mois et qu'il ne reste plus rien ? Il y a un problème de pouvoir d'achat. Vous dites, c'est formidable, j'ai visité une entreprise où ils travaillent 32 heures. Oui, c'est formidable, mais si c'est des petits salaires, ce n'est pas si formidable que cela. Je veux donner la liberté de choisir aux salariés s'ils ont un emprunt à rembourser, une maison à construire, un projet éducatif ou un projet de vacances. Laissez-les gagner davantage d'argent s'ils sont d'accord pour travailler plus.
Deuxième proposition pour le pouvoir d'achat, qui est une question centrale. Je propose de conditionner l'allégement de charges branche par branche à la politique salariale des branches. Fantastique, on donne 21 milliards d'euros d'allégements de charges aux entreprises. A aucun moment, l'Etat ne discute avec les entreprises, branche par branche, de la politique salariale. Les entreprises qui augmenteront les salaires, l'Etat prendra davantage d'allégements à sa charge. Les branches qui ne voudront pas...

S. R. : Il est temps, nous le demandons depuis cinq ans...

N. S. : Vous le demandez, c'est dans mon projet, pas dans le vôtre...

S. R. : Bien sûr, la modulation des aides en fonction de la masse salariale...

N. S. : Troisièmement, je souhaite que l'impôt sur les bénéfices payé par les sociétés soit moins important pour les sociétés qui investissent en France et qui créent de l'emploi en France et plus important pour celles qui ne le font pas.
Dernier point, je propose que les entreprises soient mises devant leurs responsabilités. Ça suffit maintenant de mettre dehors les gens de 50 ans. On ne peut plus faire financer par le contribuable les préretraites à guichet ouvert. Il y a 5 milliards d'euros d'économies... On ne peut pas dire aux Français, on va vivre plus longtemps, vous devez cotiser plus longtemps pour la retraite et, dans le même temps, conduire les entreprises à pousser à la retraite des quinquagénaires qui ont encore beaucoup de choses à donner à leur pays, à leur entreprise, à leur emploi. Voilà très exactement ce que je vais essayer de faire pour résoudre le problème du pouvoir d'achat, pour résoudre le problème de la croissance, avec un service public de l'emploi rénové, des droits, Madame Royal, mais aussi des devoirs, parce que, sans devoirs, il ne peut pas y avoir de droits.

- On va faire une petite pause et je vous demanderai ce que vous comptez faire en matière de santé, de retraite, de logement... Madame, si vous voulez commencer...

S. R. : D'abord, sur la question des droits et des devoirs, c'est un point sur lequel nous sommes d'accord. D'ailleurs, dans le programme que je propose, il n'y a aucun droit nouveau sans une contrepartie : on est dans le donnant-donnat, gagnant-gagnant. Et sur cette question là, je pense que la première des sécurités est la sécurité du salaire et celle du pouvoir d'achat.
Moi, je propose de revaloriser le Smic et les bas salaires, c'est-à-dire que, dès l'élection, se réunit la conférence nationale sur la croissance et les salaires avec les partenaires sociaux pour décider de l'augmentation des bas salaries, parce que nous sommes un des pays d'Europe où les bas salaire sont les plus bas d'Europe et je pense que la croissance économique dépend de la redistribution du pouvoir d'achat sur les bas salaires et ce sera une de mes priorités.
Sur l'autre question, parce que je voudrais revenir quand même un instant sur la relance économique, je crois beaucoup dans la dynamique des territoires et dans la capacité des Français à créer des entreprises. Je veux que le peuple français devienne un peuple d'entrepreneurs. Pour cela, dans les pôles de compétitivité, qui sont maintenant dans toutes les régions,...

N. S. : et qui ont été créés par qui ?

S. R. : ...et sur lesquels nous avons attendu - et j'en sais quelque chose en tant que présidente de région- pendant trois ans l'aide de l'Etat qui n'est pas venue, je m'appuierai avec l'ensemble des 26 régions de France, quand nous allons déployer cette force, cette énergie des territoires, parce que, enfin, la chef de l'Etat que je serais et l'ensemble des présidents de régions vont tirer dans la même direction, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Songez que j'ai attendu deux ans avant d'avoir l'accord du gouvernement auquel vous appartenez pour pouvoir ouvrir une usine de biocarburant à La Rochelle. Deux ans d'attente d'une autorisation administrative. Moi je veux débureaucratiser l'Etat et faire en sorte que ce soit les régions qui soient en première ligne, avec les universités et les centres de recherche et je transférerai les ressources, parce que c'est là que les chefs d'entreprise peuvent se mettre ensemble, dans les pôles de compétitivité, dans les réseaux d'entreprises, dans chaque université, auxquelles je vais donner de l'autonomie.
Il y aura des pépinières d'entreprises et chaque jeune diplômé qui va sortir de l'université aura accès à un prêt gratuit, aura accès à ce service donné par l'entreprise et par l'université, pour créer son activité, son emploi, sa petite entreprise. Je pense que c'est comme cela aussi que nous remettrons en mouvement les talents de nos territoires. Il y a du potentiel considérable. Il y a aujourd'hui des gens désespérés, nos chercheurs s'en vont à l'étranger, ils fuient aux Etats-Unis où ils sont payés trois à quatre fois plus cher qu'en France.
Nous sommes en train de perdre notre matière grise. Je serai la présidente de la République qui fera en sorte que la matière grise de la France reste en France, que les jeunes diplômés aient envie de créer leur entreprise, que les pôles de compétitivité, c'est-à-dire les entreprises d'aujourd'hui, de demain, des industries de la connaissance, qui sont aujourd'hui même menacées par les délocalisations. Quand vous voyez une entreprise comme Alcatel qui délocalise, alors je dis que la situation est très dangereuse, car avant c'étaient les entreprises à bas salaires qui étaient délocalisées. Aujourd'hui, sont touchées les entreprises de haute technologie. Donc le moment est urgent, il faut faire autrement ; il faut voir l'économie autrement, il faut la voir en dynamique avec les territoires, en rassemblant, en réunissant la recherche, la formation et l'entreprise. Et je pense que c'est comme cela que nous déploierons les énergies parce que je connais bien les sujets dont je parle et que je sais que ce que je dis je le réaliserai, parce que je le vois déjà fonctionner sur les territoires et que je suis allée dans les autres pays voir ce qui marche. Je serai la présidente de ce qui marche, sans oeillères, en regardant tout ce qui peut fonctionner et c'est comme cela, je crois, que je redébloquerai la machine économique.

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