Boeing condamné à l'exploit pour livrer le 787 à l'heure

Alors que les essais en vols du 787 affichent aujourd'hui entre deux mois et demi et trois mois et demi de retard, Boeing maintient sa première livraison à mai 2008. Un délai extrêmement court pour un avion aussi révolutionnaire sur le plan technologique. Un tel degré d'innovations qui pourrait révéler des surprises pendant la phase de certifications. Parallèlement; Boeing reçoit une grosse commande de China Southern Airlines.

Point de départ d'une catastrophe industrielle semblable à celle rencontrée par Airbus sur le grand A380 ? Ou simple accroc classique qu'ont connu tous les nouveaux programmes d'avions ? Les avis divergent depuis l'annonce hier par Boeing d'un retard de plusieurs mois du premier vol d'essai de son nouveau programme vedette, le 787 Dreamliner. Prévu initialement fin août, ce dernier ne cesse d'être repoussé depuis le salon du Bourget, en juin dernier. D'abord à mi-septembre. Puis fin juillet, l'hypothèse d'octobre était évoquée. Hier, il a encore été décalé à une date comprise entre mi-novembre et mi-décembre.

L'avionneur est confronté à deux problèmes. D'une part, certains fournisseurs ont envoyé à Seattle, des éléments de l'appareil inachevés, accompagné d'instructions qui ne correspondaient pas au travail qu'il restait à effectuer. Un mélange de documentation incomplète et de logiciels mal intégrés dont Boeing ne sait pas encore lequel des deux contribuent le plus aux retards. A cela s'ajoute une pénurie de boulons (des rivets précisément), fabriqués par Alcoa, qui contribue au retard. Pour autant, Boeing maintient le mois de mai comme objectif de livraison du premier exemplaire.

Info ou intox ? Très difficile à dire. Une livraison en mai signifie une certification de l'avion bouclée en cinq ou six mois. Ce qui relèverait de l'exploit. Le B777, le programme précédent de l'américain, avait été certifié en onze mois. L'A380 presque deux fois plus. Surtout, le B787 est une telle rupture technologique avec que ce qui a été construit jusqu'ici (la moitié de la structure est en matériaux composites) que la phase d'essais en vols peut réserver bon nombre de surprises auxquelles n'avaient pas imaginées les ingénieurs.

Boeing peut certes atteindre son objectif en mettant en place un programme de vols d'essais digne de celui des vols commerciaux des compagnies aériennes. Mais il n'a plus le droit à l'erreur. Pis, il doit surpasser les performances prévues, qui étaient déjà ambitieuses. Compte tenu du retard pris et de la grande incertitude de la période d'essais en vols, un glissement des premières livraisons de deux à trois mois ne seraient pas surprenant. Sachant que jusqu'à six mois, ce ne serait qu'une demi-surprise. Tim Clark, le virulent PDG d'Emirates n'avait-il pas déclaré le 1er juin 2005, lors du premier retard de l'A380 (2 à 6 mois), qu'un tel retard est "habituel lors de nouveaux lancements".

Si après le premier vol d'essai, Boeing respecte son plan de vols sans rattraper le retard pris, il livrera les premiers appareils en retard de trois mois. "Et les conséquences financières seront minimes", a déjà prévenu Scott Carson, le PDG de la branche aéronautique civile de Boeing.

Autre inconnue, l'industrialisation de l'avion. Boeing peut très bien certifier l'appareil puis livrer les premiers appareils plus ou moins dans les délais fixés. Mais après ? Tiendra t-il les cadences promises ? Certains mettent le doigt sur le risque qu'a pris l'américain en externalisant à outrance le programme 787 (70% de l'appareil), la défaillance d'un seul sous-traitant pouvant perturber tout le système. Cela va sans dire.

Mais l'inverse n'est pas vrai non plus. Une production fortement réalisée en interne n'apporte aucune garantie. En témoigne l'Airbus A380. D'autant que l'américain dispose de moyens que n'avait pas Airbus à l'époque. Les logiciels de conception et de gestion de cycle de vie du produit du français Dassault Systemes, dont disposent l'ensemble des fournisseurs de Boeing, permettent de déceler immédiatement les défaillances. Et de prendre des décisions très tôt en amont. De plus, l'américain a été très prudent dans ses cadences. S'il ne communique que sur un nombre de 112 appareils livrés entre mai 2008 et fin 2009, l'américain n'a en fait prévu que 28 livraisons en 2008 et 84 en 2009, selon des sources bancaires. Une prudence qui sera la bienvenue en cas de gros pépin.

Grosse commande chinoise pour des Boeing B737
Si le futur B787 "dreamliner" engrange de multiples commandes, Boeing connait aussi d'importants succès avec d'autres modèles. Notamment le petit B737 : il vient d'être acheté pour 55 exemplaires soit 3,8 milliards de dollars en prix catalogue (2,8 milliards d'euros) par la compagnie aérienne chinoise China Southern Airlines. Celle-ci compte déjà une flotte de 129 B737 et attend encore 14 autres exemplaires déjà commandés.

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