Natalie Dessay : "Traviata, c'est le rêve que je nourris depuis des années"

L'opéra ne peut compter sans Natalie Dessay. Le public français non plus qui, après Pleyel, la retrouvera autour de Noël à l'Opéra Comique, puis en janvier au Théâtre des Champs Elysées.

La Tribune. Des airs italiens, deux grandes oeuvres baroques, "Manon" de Massenet, du Debussy à la Salle Pleyel... Qu'est-ce qui vous ressemble le plus?

Natalie Dessay. Ces oeuvres me ressemblent toutes de la même façon. L'opéra français est un fil conducteur dans ma vie, mais j'ai toujours fait autre chose en parallèle. Pendant dix ans, cela a été Mozart et Strauss puis j'ai commencé le bel canto et l'opéra baroque. Le lien entre mes activités, c'est que je les fais avec des gens que j'aime beaucoup: Evelino Pido pour le bel canto, Emmanuelle Haïm pour le baroque, et Rolando Villazon pour "Manon"... L'important, ça n'est pas tellement ce que l'on fait. C'est plutôt avec qui on le fait.

Avec qui allez-vous faire votre première Traviata?

Avec mon mari, Laurent Naouri, comme Germont et mon frère de coeur, Laurent Pelly, à la mise en scène. La première aura lieu à Santa Fé à l'été 2009.

Comment avez-vous choisi les héroïnes de votre disque d'airs d'opéras italiens?

Je les ai choisies parce que ce sont les plus belles! Je chante "I Puritani" pour moi depuis assez longtemps. J'ai appris "Rigoletto" quand j'étais toute jeune, mais je n'ai jamais chanté le rôle de Gilda à la scène. C'est Evelino Pido qui m'a fait connaître "Maria Stuarda", qui est devenu un projet d'avenir. Quant à Traviata, c'est le rêve que je nourris depuis quelques années... Ce disque annonce en réalité ce que je vais faire ces six ou sept prochaines années.

Comment préparez vous le rôle de Violetta?

Eh bien, pour l'instant je ne le prépare guère, et c'est bien là le problème! (rires) J'ai lu le roman "La Dame aux Camélias", je me suis acheté le DVD avec Greta Garbo, il faut que je trouve celui avec Isabelle Huppert, j'ai lu "Splendeurs et misères des courtisanes" de Balzac... Mais je suis à la fois horrifiée et fascinée par la condition de cette femme. J'ai du mal à appréhender le fait d'être une prostituée. Parce que ce rapport au corps, ce dédoublement de la personne, est un mystère pour moi. C'est très complexe. On voit souvent Violetta en jolie femme, bien habillée, qui parade... or c'est une prostituée. Et ça on doit le voir!

Y a-t-il une Violetta qui vous a le plus touchée?

Celle de Maria Callas, bien sûr. Et celle d'Ileana Cotrubas, dirigée par Carlos Kleiber. Musicalement, il y en a une qui est extraordinaire, c'est celle de Renata Scotto...

Vous allez continuer d'explorer le répertoire baroque?

Bien sûr! Je vais continuer d'explorer le répertoire baroque avec Emmanuelle Haïm, entre autre. Nous avons une complicité tellement exceptionnelle... Elle donne de la chair à la musique. Elle est passionnée, très sensuelle. Sa manière d'aborder Bach et Haendel n'est pas du tout protestante ni janséniste. Elle est vivante et bien vivante. Avec elle on est plus du côté du gospel que du côté du chant grégorien! Mes parents sont catholiques. Mais je pense que s'ils avaient été baptistes et m'avaient emmenée petite dans des églises où l'on chantait du gospel, jamais je n'aurais consenti à me convertir au judaïsme!! (rires)

Vous revenez de New York où vous avez conquis le public avec "Lucia di Lammemoor". Vous pouvez toujours y acheter tranquillement votre baguette?

Oui, parce qu'on ne me reconnaît pas forcément, il faut vraiment faire attention pour savoir que c'est moi. Je suis très différente dans la vie de tous les jours, de ce que je suis sur scène. L'affiche de Lucia était dans toute la ville, mais la femme qui est dessus ne me ressemble pas, c'est Lucia, pas moi. Et ça fait une différence: dans la vie je ne suis pas du tout tragique! Rien n'est tragique, sauf la mort. Et encore, on pourrait discuter...

Votre voix s'est épanouie, elle a gagné en gravité. A quoi est-ce dû?

Mon instrument s'est transformé de manière naturelle, et parce que j'aborde désormais les choses d'une façon différente. Avant, j'étais surtout intéressée par la performance, la beauté du son, la vélocité des vocalises... Quand j'étais plus jeune, mon mari me disait que je ne racontais rien. Et c'était vrai. Ma voix s'est épanouie, elle est devenue plus grande, plus percutante, c'est vrai, mais la chose principale qui a changé, c'est que je dis les mots. Je ne fais pas des sons: je raconte une histoire.

On reconnaît là votre goût pour l'interprétation et le théâtre...

J'ai d'ailleurs pour projet de jouer dans la pièce de Thomas Bernhard, "L'Ignorant et le fou", dans une mise en scène d'Alfredo Arias... Je dis souvent que j'aimerais bien que les gens oublient que je chante. Pour moi, ce serait comme passer au niveau supérieur. J'aimerais qu'on se dise "j'ai cru à son histoire", plutôt que "elle a une belle voix". Billie Holiday, à la fin de sa vie, n'avait plus du tout de voix. Et pourtant, elle était sublime. Ça ne veut pas dire qu'il faut renoncer à toute beauté formelle, pas du tout. Prenez Barbara, qui à la fin n'avait plus qu'un filet de voix, c'est à la fois très émouvant et très gênant.

Vous avez également joué les conteuses pour enfants...

Et je récidive, avec la "Boîte à Joujoux", le conte musical de Debussy, à l'Opéra Comique les 23 et 25 décembre! Je vais faire "la Petite Sirène" d'Andersen l'année prochaine avec la même équipe. C'est un de mes contes préférés. Je me souviens d'avoir beaucoup pleuré en l'écoutant quand j'étais petite, accompagné du Concerto de Grieg... Je garde également un souvenir incroyable de la Belle au Bois Dormant par Marthe Mercadier. Et Georges Poujouly dans le Petit Prince! Et la voix de la Rose... J'adore ça !!


Les 23 et 25 décembre 2007 à l'Opéra-Comique à Paris. Tél: 01.42.44.45.40. www.opera-comique.com.
Le 22 janvier 2008 au Théâtre des Champs Elysées à Paris. Tél: 01.49.52.50.50. www.theatrechampselysees.fr.
Nouveautés:
CD: - "La Sonnambula" de Bellini
"Dixit Dominus" de Haendel et "Magnificat" de Bach
Airs d'opéras italiens
DVD: "Manon" de Massenet avec Rolando Villazon

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