Quentin Lin, l'inverseur de lignes

À 26 ans, le cofondateur de DuneTek va commercialiser son Vitamin A : un smartphone de qualité à prix bas. Il entend pour cela s'inspirer de la stratégie des Chinois.
Quentin Lin,

Il n'attend plus que le feu vert des autorités européennes. « C'est une question de jours », estime Quentin Lin, jeune entrepreneur de 26 ans. Une fois obtenu l'indispensable sésame de conformité aux normes en vigueur dans l'Union, il lancera la commercialisation du Vitamin A, le premier smartphone conçu par DuneTek, la société qu'il a cofondée il y a un an avec Paul Huang.

« Les 1.500 premiers appareils patientent actuellement à la douane. Les préventes débuteront sur Amazon, puis dans les réseaux de distribution Auchan, LDLC.com, voire Carrefour, avec lesquels des discussions sont en cours », détaille l'entrepreneur.

Son ambition :

« Proposer un smartphone de la qualité de l'iPhone mais moitié moins cher » - avec un prix de vente conseillé à 180 euros. Chaque utilisateur pourra le paramétrer à sa guise, pour suivre un fil d'actualité mêlé à son flux Twitter et se connecter en un instant à ses applications préférées.

« Nous avons aussi pensé à ceux qui rédigent leurs SMS en marchant : une fonction vidéo simultanée permet de continuer de voir le sol tout en écrivant. »

Bien vu !

Qu'importe si certains estiment que le marché est saturé.

« Depuis deux ans, 70 % des smartphones sont vendus sans forfait en France », rétorque celui qui rêve d'un essor semblable à celui de Wiko, qui a vendu 5 millions d'appareils l'an dernier.

Ensuite, il entend suivre la stratégie du chinois Xiaomi, « toujours améliorer la qualité de l'appareil à chaque nouvelle version, sans jamais augmenter le prix ». Quitte à pratiquer des marges faibles.

« Nous sommes dans l'ère de la personnalisation. Nous avons donc conçu une surcouche logicielle, basée sur Android KitKat, inspirée des usages des consommateurs, selon les différents marchés. Et grâce à la communauté, notre smartphone collaboratif bénéficiera de mises à jour chaque semaine », prévoit l'entrepreneur, qui se dit « un peu "naze" en code mais doué pour décrire des expériences utilisateurs ».

Lui qui a vécu cinq ans en Chine quand il était adolescent, puis à Londres, note que « les Chinois aiment les thèmes, comme Hello Kitty et Transformers, alors que les Britanniques sont fans d'Instagram ». Déjà, il imagine son internationalisation, avec de futurs lancements en Europe. Chaque pays aura ses propres équipes de développeurs, afin de répondre aux demandes de chaque marché.

Du sur-mesure

Avant d'aborder le monde des télécoms, c'est la mode qui a d'abord piqué la curiosité de Quentin Lin.

« Au lycée, j'étais le petit Asiat' qui avait de bonnes notes, mais pas le budget pour avoir un look cool. Quand je suis entré en prépa, je me suis plongé dans les magazines de mode », confie cet ancien de Janson-de-Sailly.

Quand il a rejoint l'Edhec Nice en 2008, et l'association Fashion de l'école de commerce, cet extraverti a organisé un défilé de charité qui a rapporté 2500 euros au Téléthon.

« Quentin est courageux, avec un très bon sens relationnel et commercial. Il sait fédérer les énergies au sein d'un groupe. Dès l'école, son tempérament d'entrepreneur ne faisait aucun doute », souligne son ami de promo Grégory Boumendil, auditeur interne chez L'Oréal.

En octobre 2012, Quentin Lin a lancé son premier projet entrepreneurial. Dans le secteur de la mode, naturellement. Avec la casquette de business developer, il a cofondé Bigote, un fabricant d'espadrilles made in France. Mais les liens tissés avec ses deux associés se sont rompus au bout de six mois.

« J'aurais aimé mener ce projet à terme. Être mis à l'écart m'a blessé. Mais dans les affaires, il ne faut jamais prendre les choses trop personnellement. »

Lui que l'on dit « débordant d'énergie et de projets » est à l'aise avec les changements de cap. Fin 2010, il a interrompu sa scolarité, préférant poursuivre son expérience professionnelle à l'Agence H, où il avait effectué une année de césure.

« Finalement, l'embauche promise n'a pas été conclue. J'ai donc utilisé mes économies pour voyager aux ÉtatsUnis, en Chine et en Europe. »

À son retour, il devient consultant pour une agence de conseil en innovation, Tilt-Ideas.

« J'ai travaillé sur la refonte des magasins Grand Optical, sur l'offre d'assurances de la Banque postale, et préparé les Jeux olympiques de Londres avec Keystone Foods, le fournisseur de McDonald's... J'ai beaucoup appris sur le travail collaboratif et le management », s'enthousiasme-t-il.

« La curiosité de Quentin, sa veille permanente, son optimiste et son multiculturalisme correspondaient parfaitement aux profils que nous recrutons. Il nous a aussi aidés à structurer le contenu de conférences. Il n'avait que deux ans d'expérience professionnelle quand il a coanimé avec moi un de ces événements, consacré à l'utilisation des réseaux sociaux pour la gestion clients en entreprise », se souvient Brice Auckenthaler, le cofondateur de Tilt-Ideas.

Après la rupture avec ses associés de Bigote, Quentin Lin a enchaîné les petits boulots.

« L'année 2013 a été une période de rumination. » Il saute donc sur l'occasion quand son père, Cheng Lin, directeur de la stratégie et du développement de ZTE, lui indique que le groupe envisage de déployer sa marque Nubia en France. « Je suis très fort en pitch. C'est important quand on n'a pas de diplôme », sourit ce sinophone malin. En septembre 2013, il se lance dans cette mission financée par la marque, en tant qu'autoentrepreneur.

« En quelques mois, l'équipe était prête et le lancement programmé. Mais le groupe a changé de stratégie, et le lancement en Europe a été ajourné. »

Cette mission lui a donné l'idée de fonder DuneTek. Elle lui aura aussi permis de mener une étude de marché sur le secteur de la téléphonie, et d'étoffer son carnet d'adresses quand il a représenté la marque au Consumer Electronics Show de 2014. Il y a notamment rencontré la société Sidereo.

« Je leur ai donné mes 25000 euros d'économie, avec l'objectif de concevoir un téléphone 3G... avant de m'apercevoir que la 4G arrivait. J'ai donc changé de prestataire, et conclu un accord avec un partenaire chinois », précise Quentin Lin, qui a négocié un crédit fournisseur pour les 3.000 premières pièces.

« Les bénéfices générés par les premières ventes seront directement réinvestis dans l'amélioration du logiciel », annonce l'entrepreneur, qui souhaite en parallèle lever des fonds, avant l'été. Il entend sortir la V2 de son smartphone, le Vitamin B, dès septembre prochain.

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MODE D'EMPLOI

Où la rencontrer ? : Sur tous les réseaux sociaux, ou à Paris. « Je donne rendez-vous à République où j'aime sortir, ou dans les environs de la Porte Maillot, où je vis... chez mes parents ! »

Comment l'aborder ? « Mieux vaut une discussion "brute de décoffrage" que trop guindée. Et si vous êtes geek, ou si vous aimez le football américain, nous nous comprendrons immédiatement. »

À éviter ! « Ceux qui pensent qu'il faut connaître untel ou machin pour réaliser ses projets m'exaspèrent. C'est une façon old school de concevoir les affaires.

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TIMELINE

  • Septembre 1988 Naissance à Paris.
  • 2000-2005 Vit en Chine.
  • Septembre 2008 Entre à l'Edhec, à Nice.
  • Mars 2011 Consultant à Tilt-Ideas.
  • Décembre 2012 Cofondateur et business developper chez Bigote.
  • Octobre 2013 Business developper pour Nubia France.
  • Janvier 2014 Cofonde DuneTek.
  • Février 2015 Commercialise les premiers smartphones Vitamin.
  • 2017 DuneTek compte 100 salariés en Europe.

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