Du (dé) raisonnable risque du centre, selon Michel Barnier

Cela devait être un programme. C'est devenu un manifeste depuis que Jean-Claude Juncker a gagné la bataille pour la candidature PPE aux élections européennes. Car l'essai que publie Michel Barnier cette semaine* fourmille de pistes pour les cinq années à venir.
Florence Autret
Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services. / Reuters

À commencer par des conseils en matière budgétaire, pas si éloignés de la ligne du nouveau gouvernement français. La consolidation budgétaire est nécessaire, dit-il, mais en réduisant les dépenses « de façon différenciée » et en sabrant (il préfère parler de « réexaminer ») ces « allégements fiscaux qui profitent principalement aux tranches supérieures d'imposition », ou encore en rétablissant l'efficacité de l'impôt par une lutte coordonnée contre l'optimisation fiscale. Le « Che », comme on l'appelle dans les étages du Berlaymont, reste un « gaulliste social », à droite sur l'échiquier français et à gauche sur celui de l'Union.

Appliquée au contexte de ce début de XXIe siècle, sa stratégie comprend des propositions pour la décarbonisation de l'économie, pas si éloignée des propositions des écologistes, une stratégie autonome en matière de réseaux numériques, que l'on pourrait entendre dans la bouche de la chancelière CDU allemande ou des candidats libéraux, une ambition pour la formation qui est partagée par tous les gouvernements européens, quelle que soit leur couleur.

" RAI-SON-NA-BLE ! "

 

Ces pages méritent d'être parcourues par n'importe quel citoyen européen qui souhaite se rendre aux urnes le 25 mai avec une idée des enjeux plus précise que ce que les déclarations à l'emporte-pièce des chefs de parti nationaux en disent. À les lire, un mot vient à l'esprit : raisonnable.

Raisonnable quand leur auteur reconnaît qu'« aucune source [d'énergie] n'est idéale » et que toutes sont donc nécessaires, du nucléaire à l'éolien en passant par le gaz de schiste.

Raisonnable quand il parle d'immigration, il rejette l'idée - jamais démontrée - selon laquelle les systèmes sociaux seraient menacés par les abus de profiteurs étrangers (en réalité, ils le sont par le vieillissement de la population « bien de chez nous ») et plaide pour une solution fine mêlant immigration choisie, aide au développement, lutte contre les filières clandestines et politique d'asile commune.

Raisonnable quand il en appelle aux gouvernements nationaux pour définir une politique extérieure et de défense commune (une tâche hors de portée des instances bruxelloises). 

Raisonnable quand il admet les profondes différences entre systèmes sociaux et plaide pour un « 29e» régime du droit du travail sous la forme d'un contrat de travail européen. Prudent quand il admet la nécessité d'un « Trésor européen » sans préciser de quelles ressources propres il serait doté.

La question clé demeure : quel est le chemin qui permettrait de concrétiser ne serait-ce qu'une ou deux de ces propositions, comme celle d'une « Union énergétique » permettant à la fois d'améliorer la compétitivité, de protéger le climat et de réduire la dépendance stratégique ?

Y faire face c'est s'exposer au choc des intérêts nationaux

Les deux principaux candidats en lice, Jean-Claude Juncker pour le PPE et Martin Schulz pour le Parti socialiste, y sont-ils prêts ? On peut se poser la question à l'issue de leur premier « débat » le 10 avril sur LCI. Tous deux ont par exemple battu en retraite sur les eurobonds, question pourtant centrale, pour faire droit qui à la position de la CDU, qui à celle du SPD.

Et pourtant, le sujet de la dette publique colossale des Européens et du rétablissement de marges de manoeuvre nationales pour « rééquilibrer » l'Europe, comme a dit Martin Schulz, est crucial quand on sait que les intérêts de la dette de tous les pays de la zone euro, à l'exception de l'Allemagne et de la Finlande, dépassent les excédents dégagés sur les budgets publics. Gouverner au centre est une chose. Y faire campagne peut s'avérer risqué si cela ne permet pas de trancher les questions essentielles.

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* Se reposer ou être libre, de Michel Barnier, collection « Hors série Connaissance », Gallimard.

 

Florence Autret

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Commentaires 2
à écrit le 25/04/2014 à 3:45
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L'expression "citoyen européen" utilisée dans cet article n'a aucune vérité politique ni même juridique. Pourquoi alors l'employer ? Pour se dissimuler à soi-même une vérité trop amère aux partisans du fédéralisme européen sans patrie commune établi...

à écrit le 22/04/2014 à 18:43
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Bon, vu les commentaires de la journaliste, on comprend de suite qu'elle aussi impartiale que 95% de ses collègues....

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