La Favorite : l'amour à mort

Cet opéra de Donizetti n'est pas son meilleur. Mais la mise en scène de Valérie Nègre et les trois chanteurs principaux relèvent avec succès cette apologie de l'amour romantique.
Paolo Arrivabeni à la tête de l'Orchestre National de France

Lorsque Gaetano Donizetti composa la Favorite en 1840 sur un livret en Français d'un certain Alphonse Royer, il ne savait pas à quel point cette oeuvre allait provoquer l'ire de la censure qui le contraignit, en effet, à remanier l'intrigue. La version que présente le Théâtre des Champs-Elysées, jusqu'au 19 février, est cette version originale en Français, la seconde ayant été écrite en italien. L'histoire nous ramène au XIVeme siècle en Espagne en pleine invasion des Maures, à l'heure où la religion et l'Etat se livrent une bataille sans merci.

On découvre un moine, Fernand, sur le point de prononcer ses voeux pour entrer en religion. Il avoue toutefois au supérieur qu'il est tombé amoureux d'une jeune fille et qu'il doit finalement renoncer à sa vie recluse. Or cette jeune fille n'est autre que Léonor, la maîtresse du roi Alphonse XI, profondément tombée amoureuse de Fernand. Lorsque ce dernier demande la main de Léonor au roi, celui-ci, pourtant très jaloux, lui accorde volontiers comptant sur le désarroi et l'affliction dont sera envahi Fernand en apprenant que sa future femme était une courtisane. Ce qui ne manque pas et pousse Fernand à retourner au monastère pour prononcer ses voeux. Léonor l'y rejoint pour demander son pardon, Elle l'obtient après une émouvante explication, Fernand étant même encore sur le point de fuir la vie monastique avec elle. Mais entre temps, la douleur a fragilisé Léonor qui meurt dans le bras de son bien-aimé. Ce dernier jure alors qu'il ne lui survivra pas longtemps. On comprend effectivement que la censure n'ait pas vraiment apprécié cette intrigue, le héros n'arrêtant pas de privilégier l'Amour à la religion, ses sens à ses devoirs de bon catholique.Même si cette quête frénétique conduit à la mort des deux protagonistes.

Cette oeuvre de Donizetti est moins connue que l'Elixir d'amour (écrit en 1832) ou Lucia di Lammermoor (1835). Postérieure à ces deux grands moments de l'opéra italien, elle semble pourtant moins aboutie et moins structurée. La première partie surtout, manque de ce souffle dont nous a pourtant habitué ce maître du bel canto. On se demande à quel moment va enfin jaillir ce souffle magique que l'on retrouve de bout en bout dans l'Elixir d'amour. Il faut attendre, en fait, la deuxième partie de l'oeuvre, lorsque la douleur de Léonor, rejetée par Fernand, va inspirer les plus beaux airs de l'opéra. Deuxième partie où Fernand et le roi Alphonse XI seront, eux aussi, magnifiés dans leur rôle respectif de fiancé trompé et d'amant éconduit et ce, sous le regard courroucé et accusateur de l'Eglise symbolisé par le supérieur Balthazar.

La mise en scène imaginée par Valérie Nègre est tout en intelligence et sobriété.Les premiers moments de l'opéra nous plonge ainsi dans un univers monastique sombre mais en mouvement, mouvement des frères qui vont et viennent, avec cet effet très réussi d'un croisement de lignes horizontales et verticales, le cheminement des frères s'inscrivant dans cet univers tels des notes de musiques sur une partition.

Croisements de tubulures que l'on retrouve par la suite y compris dans le jeu de lumières, symbole de la lutte que se livrent les forces sacrées et profanes, celles des sens et de la religion, celles des forces telluriques de la passion et de l'Amour. Lumières qui tombent à la fin presque au sol comme si le jour n'avait plus droit de cité, comme si l'obscurantisme était en embuscade. Et de fait, la scène finale se joue sans aucune lumière. Les deux héros sont seuls avec eux même et leur amour funeste. La lumière viendra d'ailleurs, de l'au delà, sans doute. Après.

Les trois chanteurs principaux, Alice Coote (Léonor), Marc Laho (Fernand) et Ludovic Tézier (Alphonse XI) servent magnifiquement cet opéra qui, d'emblée manquait un peu de souffle et de rythme. Ludovic Tézier est particulièrement émouvant, donnant à la tristesse de voir partir sa maîtresse une exceptionnelle couleur sonore. Quant à Alice Coote, elle est aussi souveraine dans les parties basses que dans les plus hautes altitudes. Trois magnifiques voix sans qui la Favorite ne laisserait sans doute pas cette lumière en nous à l'issue du spectacle.



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La Favorite
Théâtre des Champs-Elysées
Jusqu'au 19 février 2013 à 19h30
Prix des places : de 5 à 140 euros
Réservations : www.theatrechampselysees.fr

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