Siegfried à la Bastille : du bon et du moins bon

Œuvre joyeuse et normalement légère, ce Siegfried mis en scène par Günter Krämer a certains partis pris gênants mais trouve toute sa (dé)mesure grâce à la direction de Philippe Jordan.
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L?opéra Siegfried correspond à La deuxième journée du « Ring ». Il est ici montré comme un gamin indiscipliné, dompteur d?ours et tueur de dragon. Au c?ur du « Ring », entre l?Adagio appassionato de La Walkyrie et le finale grandiose du Crépuscule des dieux, Siegfried est toujours apparu comme une ?uvre joyeuse et légère. Et le héros présenté n?est en rien un chevalier mystique ou le sauveur de tout un peuple, mais un homme dans toute son humanité. Un homme doté de toutes les qualités physiques, condition sine qua non pour affronter tous les dangers et tuer tous les montres qu?ils soient réels ou symboliques. « C?est-à-dire un homme jeune et beau dans la fraîcheur la plus éclatante de sa force qui est à l?origine de toutes les légendes primitives. », assure Wagner lui-même. Idéal largement repris par la suite par les nazis et qui ne manquera pas de nuire à l?image du compositeur.

C?est sans doute justement pour s?éloigner de cette image gênante du surhomme, beau, blond, athlète et toujours prêt à en découdre que le metteur en scène de cette nouvelle version de Siegfried à l?Opéra Bastille, Günter Krämer, a transformé Siegfried en petit garçon mal accoutré, aux chaussettes qui tombe et n?hésite pas, potache, à verser des pates brulantes sur la tête de son père adoptif, le Mime. Et ce, dans un décor lui aussi très kitch où les nains de jardin le disputent aux serres remplies de pousses de cannabis. Heureusement pour Siegfried et pour les spectateurs, la mise en scène prend ensuite davantage la mesure de la légende et de ses personnages. La représentation de la forge, symbole du feu mais aussi des tourments qui brûlent les héros qu?ils soient divins ou bassement humains est ainsi très efficace. Tout comme cette steppe où déambulent des esclaves et séparée en son milieu par une voie ferrée, séparation entre ce qui est en haut et ce qui est en bas, le bien et le mal, le sacré et le profane.

Mis à part ce parti pris de faire de Siegfried un personnage miniature, de conte d?enfants, un « petit » homme aux pouvoirs pourtant si vastes, la mise en scène de Günter Krämer est tout en symboles et rend donc assez bien la force narrative de cette légende hors norme du Nibelung que Wagner a transcendé. Puissance parfaitement retranscrite par les voix de l?ensemble des chanteurs retenus pour cette version à commencer par Egils Silins, dans le rôle du voyageur ou Peter Lobert dans celui de Fafner ou Allwyn mellor dans celui de Brünnhilde. Paradoxalement, la voix la moins convaincante est celle du rôle titre, Torsten Kerl semblant ménager sa monture tout au long du spectacle. Et l?on sait pourtant combien les opéras de Wagner sont des marathons que les chanteurs doivent aborder tout au long de la performance en sprint. Du coup, il semble manquer de puissance et nous laisse sur notre faim.

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