Machiavel à Bruxelles

Angela Merkel a choisi. Pour elle, le candidat de la droite européenne aux élections de mai devrait être Jean-Claude Juncker.
Florence Autret

Voilà donc l'ancien Premier ministre luxembourgeois favori à quelques jours du congrès du PPE à Dublin. Au Berlaymont, le siège de la Commission, Michel Barnier, également en lice, reste « très serein », assure une source proche du Savoyard.

« De toute façon, il savait qu'il ne partait pas favori. »

Il a peut-être raison de ne pas trop s'en faire, car au fond les intentions réelles de la chancelière sont insondables. Certains murmurent qu'elle n'aspire qu'à se servir de Juncker - qui parle parfaitement l'allemand - pour faire campagne en Allemagne contre le candidat social-démocrate, Martin Schulz, et qu'elle s'en débarrassera une fois le vote passé pour lui préférer un président de la Commission plus docile. Le Luxembourgeois est un des rares dirigeants européens à lui tenir tête. Or, l'habitude du pouvoir aidant, Angela Merkel goûte de moins en moins la contradiction. Et en matière de manipulation, elle n'est pas la moins qualifiée des dirigeants européens.

Avec trois décennies de politique au compteur, Jean-Claude Juncker est certainement le dernier à être dupe des possibles calculs machiavéliques de sa puissante voisine. Il n'est pas fait du bois tendre dans lequel on sculpte la nouvelle génération de dirigeants. C'est un virtuose de la manœuvre, peu adepte du politiquement correct. Son penchant peu modéré pour la cigarette et le whisky est notoire.

Son franc-parler, tout autant. Les habitués des salles de presse - qu'il est un des rares à faire rire - connaissent son art d'éluder quand il ne veut pas répondre. Insiste-t-on, il lâche sans rougir que le secret et le mensonge sont parfois nécessaires en politique.

Et Dieu sait que Bruxelles a pris des libertés avec la vérité ces dernières années

Par exemple, quand la Commission avançait que les premiers 120 milliards d'euros pour la Grèce allaient lui permettre de redevenir solvable. À la réunion du Board du FMI du 10 mai 2010, où fut signé le premier chèque, les directeurs argentin, brésilien, australien, russe, suisse… Pas un des présents ne croyait que le plan marcherait, et la plupart demandaient déjà ce qui arriva deux ans plus tard : une ponction sur les banques créancières du pays. L'insuffisance du premier plan grec n'était donc pas juste une erreur d'analyse, c'était un pur mensonge. Jean-Claude Juncker ne le démentirait pas. Machiavel admet l'utilité du déni.

Voyez le possible référendum britannique. Personne ne parle ouvertement d'une possible sortie de l'Union.

« C'est un sujet hypothétique donc intraitable. C'est comme réfléchir à un effondrement de la Grèce. En parler, c'est déjà créer l'événement », explique-t-on au Berlaymont.

Quand on y pense, les contre-vérités se ramassent à la pelle

Souvenons-nous des multiples fois où Olli Rehn, le commissaire en charge des Affaires économiques, a assuré qu'il n'y aurait pas de « double récession »… Ou encore de l'affirmation selon laquelle l'Union européenne serait fidèle à sa doctrine monétaire. Depuis 2012, la BCE est bel et bien devenue le prêteur en dernier ressort de la zone euro. Les paquets de créances de plus en plus risquées qu'elle accepte en contrepartie de la fourniture de liquidités aux banques, donc indirectement aux États qui se financent auprès d'elles, en attestent.

Le président de la BCE n'est plus depuis longtemps juste un grand argentier, c'est « le plus grand Mazarin », reconnaît une source bruxelloise. Autrement dit, un dirigeant politique. Récemment, la promesse que les contribuables ne seront pas remis à contribution si une nouvelle crise financière majeure se présentait risque de s'écraser à son tour, un jour ou l'autre, sur la nécessité économique et les lois immuables de l'histoire financière. L'Union bancaire est nécessaire, pas miraculeuse. En avouant mentir, Jean-Claude Juncker ne fait finalement que formuler… une vérité.

Florence Autret

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Commentaires 3
à écrit le 01/03/2014 à 16:46
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Juncker est le seul a avoir tenu la dragée haute au couple franco-allemand qui devient plus un boulet qu'un moteur pour l’Europe c'est dernier temps ( les deux pays). Juncker un un nom que beaucoup d'européen connaissent il pourrait permettre une aff...

à écrit le 20/02/2014 à 12:14
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l'Europe se porte mal , mais avec les prochains ils vont finir le travail ! qu'ils aillent vite pour notre propre bien .

à écrit le 19/02/2014 à 19:32
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La Commission fonctionnera certainement beaucoup mieux quand Barroso nous quittera pour rentrer "à la maison". Ses façons d'ignorer les votes du Parlement européen, sont proprement scandaleuses.

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