Emmanuel Macron l'avait déjà demandé le jour de son inauguration chahutée du Salon international de l'Agriculture, le 24 février. En promettant de nouvelles concessions aux agriculteurs en colère, et en redonnant rendez-vous à leurs syndicats trois semaines plus tard, le Président de la République avait exigé que ces derniers formulent à ce moment quatre ou cinq propositions communes permettant à leur sens de sortir de la crise agricole.
Mais alors que le chef de l'Etat et les syndicats agricoles étaient justement censés se rencontrer de nouveau cette semaine, ces priorités peinent à émerger. C'est d'ailleurs pour cette raison que la réunion initialement prévue aujourd'hui à l'Elysée avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) aurait été reportée : les syndicats doivent d'abord « se mettent d'accord sur une feuille de route, quatre-cinq grands objectifs ou revendications. Tant que ce n'est pas le cas, une réunion (avec Emmanuel Macron) n'aurait pas de sens », a expliqué une source gouvernementale citée par l'AFP.
Le chef de l'Etat recevra les syndicats « quand tous les travaux conduits par le gouvernement permettront au président de conclure la séquence », a précisé l'Elysée.
« Un changement de logiciel »
La balle s'est donc retrouvée dans le camp du Premier Ministre, qui ce matin a reçu une nouvelle fois les présidents de la FNSEA, Arnaud Rousseau, et des Jeunes Agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot. A l'issue de cet entretien de deux heures, aucune voie majeure de sortie de la crise agricole, qui occupe le gouvernement depuis la mi-janvier, n'a pourtant émergée. Au lieu de cinq priorités, la FNSEA en a en effet présenté « cinq blocs ».
« On lui a dit qu'il y avait cinq grands blocs sur lesquels on n'avançait pas au bon rythme » : sur les dossiers de l'élevage, la question de l'eau et des pesticides, la compétitivité, la trésorerie et les retraites, a déclaré Arnaud Rousseau après la rencontre. Or, chacun de ces grands thèmes inclut plusieurs des 120 revendications formées depuis le début du mouvement de protestation agricole, ainsi que plusieurs des 62 engagements déjà pris par le gouvernement pour y répondre, dont la mise en œuvre est toutefois jugée trop lente par les agriculteurs.
« Nous avons demandé un changement de logiciel. Et un changement de logiciel en cinq mesures n'existe pas », explique à La Tribune la FNSEA, qui se trouve toutefois aussi aux prises avec la difficulté de satisfaire l'ensemble des diverses filières et des différentes situations socio-économiques qu'elle représente.
Des priorités différentes
Ces priorités ne sont d'ailleurs pas partagées avec les autres syndicats. Selon l'AFP, alors que le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) demande des « prix garantis par l'Etat », la Coordination rurale plaide pour « la restriction des volumes d'importations », la « baisse des charges » (impôts, charges sociales, taxe sur le foncier non bâti) ou un travail sur la rémunération des agriculteurs.
Un accord pourrait être trouvé, estime Laurence Marandola, la porte-parole de la Confédération paysanne, interrogée par La Tribune, pour qui toutefois le Premier ministre s'est pour l'heure limité à demander quatre ou cinq revendications à chaque syndicat, sans proposer de « méthode » pour une synthèse commune. Seuls la FNSEA et les JA ont d'ailleurs été conviés cette semaine par Gabriel Attal, en présence des ministres Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher (Agriculture), ainsi que Christophe Béchu (Transition écologique). La Confédération paysanne et la Coordination rurale doivent rencontrer Agnès Pannier-Runacher, respectivement ce mardi soir et ce mercredi, dans le cadre des « rendez-vous habituels entre la ministre et les organisations professionnelles », précise son cabinet.
Encore un ultimatum
Dans ce ce flou, la FNSEA tente d'imposer au gouvernement une dernière date butoir: celle de son Congrès annuel, prévu entre le 26 et le 28 mars.
« Le terrain ne peut plus attendre » et Marc Fesneau, qui doit clôturer ce congrès le 28 mars « ne peut pas venir sans des mesures très concrètes », a souligné Arnaud Rousseau, cité par l'AFP, après la rencontre avec Gabriel Attal.
Le lendemain, le 29 mars, le gouvernement a d'ailleurs promis de finalement présenter en Conseil des ministres. Son projet de loi d'orientation agricole, maintes fois reporté, est censé contenir plusieurs mesures fondamentales pour satisfaire les agriculteurs.
Si le mouvement des agriculteurs est en pause depuis début février, des actions sont encore menées localement. Un prochain rendez-vous entre la FNSEA, les JA et Matignon est prévu lundi 25 mars.