Cinéma : Leos Carax, c'est bien lui dans « C’est pas moi »

Leos Carax vient de nouveau de faire sensation au Festival de Cannes, avec son dernier film, « C’est pas moi », qui sort sur les écrans mercredi.
Le réalisateur avec Denis Lavant, figure emblématique de son cinéma.
Le réalisateur avec Denis Lavant, figure emblématique de son cinéma. (Crédits : © LTD / LES FILMS DU LOSANGE)

Depuis ses débuts en 1984 avec Boy Meets Girl, le cinéma de Leos Carax n'en finit pas de bousculer nos habitudes et nos certitudes. Mais avec seulement six longs-métrages en trente-sept ans, le cinéaste sait ménager ses effets. Les dernières nouvelles n'étaient cependant pas si lointaines puisqu'en 2021 il fait l'ouverture du Festival de Cannes avec sa comédie musicale Annette, avec Marion Cotillard et Adam Driver dans les rôles principaux. En ayant confié au groupe Sparks le soin de composer une bande originale d'anthologie. Quelques mois plus tard, le cinéma français lui décerna pas moins de cinq césars sur onze nominations dont celui du meilleur réalisateur.

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Dix ans auparavant, le succès de Holy Motors, avec Denis Lavant et Kylie Minogue, avait contribué à asseoir la légende du cinéaste devenu désormais l'une des figures marquantes du cinéma hexagonal. Envolés et oubliés, l'échec retentissant de Pola X avec Catherine Deneuve et Guillaume Depardieu, comme le cuisant fiasco financier des Amants du Pont-Neuf avec Juliette Binoche et Denis Lavant, le double du cinéaste depuis son premier film - comme Jean-Pierre Léaud pour François Truffaut, en quelque sorte. Mais Leos Carax ne fait jamais rien comme les autres et c'est pour cela aussi qu'il est tant aimé. Alors, cette année sur la Croisette, on a découvert un nouveau film de lui, annoncé à grand renfort de cloche, mais pas un long-métrage ni à proprement parler un film de fiction.

Un objet cinématographique non identifiable, plutôt, qui dure juste 41 minutes et qui s'intitule C'est pas moi, alors qu'il est clairement à la première personne du singulier et présenté comme tel par le cinéaste lui-même. Un film en forme de collage que ni les surréalistes ni Jean-Luc Godard n'auraient vu d'un mauvais œil. Un film où se retrouve pêle-mêle tout l'univers visuel, esthétique et thématique de Carax. Les convaincus retrouveront avec délice tout ce qu'ils aiment. Les autres risquent bien d'avoir envie de découvrir ses films précédents. Car C'est pas moi est un véritable condensé de Carax, à l'image de cette nouvelle variation sur le tube de Bowie Modern Love que l'on découvre à la toute fin et dans une forme bouleversante. Une bonne façon de rappeler, après la cérémonie d'ouverture du dernier Festival de Cannes et la somptueuse reprise de ce titre par Zaho de Sagazan, que la première apparition cinématographique de Modern Love appartient à Carax dans Mauvais Sang, son deuxième film. Bien des années plus tard, Greta Gerwig, en hommage assumé à Carax et à son acteur Lavant, dansait à son tour dans une rue et sur la musique et les paroles de la chanson de Bowie.

Un objet cinématographique non identifiable de 41 minutes

Dans ce film, on croise aussi, évoqués par Carax, ses parents, sa sœur, ses amis, ses amours, ses « compagnons et compagnes de travail », comme il les appelle, sa fille également. Et même ses chiens. Sans oublier les penseurs, les artistes, les résistants, celles et ceux qui l'ont « invité au voyage », selon son expression. Mais C'est pas moi n'est en rien un exercice autocentré, c'est d'abord et avant tout un merveilleux poème cinématographique, une nouvelle déclaration d'amour au cinéma de la part d'un auteur surdoué. Un film également qui prend le risque de parler du monde actuel et de ses soubresauts. Une séquence sur Roman Polanski affiche sans détour la liberté de penser de Carax et sa détermination : en cinq photos et une voix off qui ne parlent que des faits, Carax livre sa vision de cette affaire et du cinéaste incriminé. Faisant ainsi la preuve que l'on peut embrasser la complexité du monde, et en l'occurrence d'une vie, sans rien oublier ni cacher.

Enfin, comme seul Godard savait le faire en son temps, le cinéaste nous redonne à voir tout simplement des images connues, ou plutôt que l'on croyait connaître, et qu'il faut sans cesse revoir pour ne pas perdre de vue précisément ce qui est essentiel.                                            Des images de Charlot émigrant. Des images d'un concert où Nina Simone chante que sa « peau est noire ». Des images saisissantes encore, celles de l'ouvrier Isadore Greenbaum, mort en 1997, qui le 20 février 1939 au Madison Square Garden de New York crie « à bas Hitler ! » devant 22 000 nazis américains. Pour voir en salles ces 41 minutes de pur cinéma, vous débourserez ce qui vous conviendra : ainsi en a décidé le distributeur du film en raison de la durée réduite du film. Décidément, avec Carax, on est toujours (heureusement) surpris.

C'est pas moi, de Leos Carax, avec Denis Lavant, Kateryna Yuspina, Nastya Golubeva Carax. 41 minutes. Sortie mercredi. (Note : 4⭐/4)

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