Livre : Dany Jucaud, la fille qui regardait les étoiles dans les yeux

Dany Jucaud, qui fut quatre décennies durant correspondante à Hollywood, nous restitue un monde disparu à jamais.
Dany Jucaud aux côtés de Sean Connery et de Sharon Stone.
Dany Jucaud aux côtés de Sean Connery et de Sharon Stone. (Crédits : © LTD / COLLECTION PERSONNELLE DANY JUCAUD)

C'est un mot rapporté par Stendhal dans Vie de Henry Brulard. Lorsque l'on demandait au duc de Broglie des nouvelles de sa fille, ignorant que celle-ci était
décédée à l'âge de 13 ans, le père endeuillé répondait invariablement : « Il me semble que ma fille est en Amérique. » C'est de cette Amérique-là, rêvée, moins un pays qu'un état d'esprit, une consolation, que pendant plus de quarante ans, pour les besoins exclusifs de Paris Match, Dany Jucaud a « documenté » les liaisons dangereuses entre les poussières d'étoiles, plus ou moins brillantes, plus ou moins filantes, et des lecteurs français en quête de frissons troubles.

C'est cette vie sur laquelle, après être sortie de la carrière, elle se retourne aujourd'hui avec un livre de Mémoires, recueil de souvenirs plutôt, intitulé J'avais une maison à Los Angeles et écrit en collaboration heureuse avec Aurélie Raya. Dans le genre, un régal. Moins l'air d'un catalogue en matière de « name dropping » qu'une sorte de conte moral à l'usage d'enfants qui passent leur vie à jouer, et d'abord aux adultes. Plus de 200 pages entre Alice au pays des merveilles et le Hollywood Babylone de Kenneth Anger. Ce qui, il est vrai, laisse à l'autrice de la place pour déployer ses tours et sortilèges.

La journaliste avec Kirk Douglas, et en interview avec le producteur Jon Peters.


La journaliste avec Kirk Douglas, et en interview avec le producteur Jon Peters. © LTD / PATRICK BRUCHET / PARIS MATCH / SCOOP

Reprenons. Pas avec la petite fi lle de Nice, issue d'une famille juive largement décimée par la Shoah ; Dany Jucaud (même si ce n'était pas encore son nom) a des pudeurs qui confinent à l'élégance. Pas non plus avec la jeune femme qui à Paris et dans le monde du cinéma - elle est alors monteuse - commence à se faire un nom, voire une réputation. Non, reprenons là où vraiment tout commence, au 8365 Sunset View Drive, West Hollywood, CA 90069. Non loin du fameux Chateau Marmont.

Des « beautiful people » que la laideur du monde ne parvient pas à atteindre

Au coeur des ténèbres alors (fin des années 1970, début 1980, fi n des années disco, début de celles du sida) de l'industrie du divertissement. Lorsque, lassée déjà d'un Paris trop provincial, Dany Jucaud, avec son compagnon d'alors, l'écrivain Pierre Rey, pose ses maigres bagages à Los Angeles. Elle ne connaît rien au journalisme. Qu'importe, un journal, Match, donc, se dit que ses « choses vues » vaudront peut-être la peine. Bonne pioche. La jeune femme s'installe à Ma Maison, célèbre restaurant angeleno. Orson Welles fait partie du décor. Une femme passe. Avec un peu de chance, c'est Jackie Kennedy (en vérité, c'est Madame Claude, en exil de sa « gloire »). Bref, c'est parti pour un long et fascinant tour de manège.

La galerie de portraits dans laquelle nous promène la journaliste est bien sûr impressionnante. C'est le Tout-Hollywood qui répond à l'appel de ses souvenirs. Parmi ceux-ci tout de même, certains plus attendris que d'autres. En premier lieu, l'amie d'une vie, en Californie et ailleurs, Nathalie Delon, fauve magnifique et perdu. Il y aura aussi, au fil de reportages qui sont comme autant d'accidents heureux, Kirk Douglas et sa femme, que la vieillesse ne parvient pas à vaincre, Sean Connery qui préfère les greens aux plateaux, Sharon Stone en ultime avatar de la femme fatale et même le peintre Balthus, égaré doucement dans un rêve élégiaque. Des beautiful people que la laideur du monde ne parvient pas à atteindre. Un monde où évolue, très à l'aise, insolente, parfois candide, Dany Jucaud, sorte de cousine à la mode de Paris. Ces choses-là n'ont qu'un temps évidemment. Harvey Weinstein l'apprendra à ses dépens. N'empêche, cette agonie, sous la plume de la journaliste française, a une gueule folle. Le visage de la liberté.

J'AVAIS UNE MAISON À LOS ANGELES Dany Jucaud, Stock, 220 pages, 20 euros.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.