Nos critiques cinéma de la semaine

« Stella — Une vie allemande » de Kilian Riedhof, « Pauvres Créatures » de Yorgos Lanthimos, « La Tête froide » de Stéphane Marchetti... découvrez nos critiques des sorties cinéma de la semaine.
Emma Stone dans « Pauvres Créatures ».
Emma Stone dans « Pauvres Créatures ». (Crédits : © Searchlight Pictures)

« Frankenstein » féministe

Note : 3/4

Auréolé de son Lion d'or gagné en septembre à Venise, Pauvres Créatures arrive en France. Son réalisateur, Yorgos Lanthimos, connu pour ses univers tirés par les cheveux dont la drôlerie et la férocité donnent à réfléchir (Canine, The Lobster, La Favorite), ne déroge pas à sa règle ici au gré d'une fable qui étonne autant qu'elle détonne et étourdit. Décors et costumes faramineux, images chargées, Pauvres Créatures, adapté du roman éponyme d'Alasdair Gray, est plus qu'un Frankenstein revu au féminin par le cousin grec de Tim Burton. Si on le craint d'abord complaisant et limite boursouflé, on finit par se prendre au jeu de ses excès : couleurs saturées, passages en noir et blanc expressionniste, musique envoûtante...

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Sans doute un peu surdimensionné, mais en soi abouti, ce grand spectacle vaut surtout pour son charme biscornu et ses outrances assumées. Des qualités qui se révèlent être celles de Bella, l'héroïne jouée par la flamboyante Emma Stone. Dans une Angleterre victorienne où l'excentricité côtoie la haute société blasée, elle réapprend à vivre au côté du chirurgien effrayant (Willem Dafoe) qui lui a greffé... un cerveau. Cela peut toujours servir. Un temps préservée du monde extérieur par son sauveur balafré et lui-même revenu d'entre les morts, elle finit par découvrir le monde tel qu'il est, avec ses plaisirs mais aussi ses préjugés, sa morale, sa cruauté infinie. D'abord au bras d'un riche débauché (Mark Ruffalo), puis aux côtés de femmes qui, comme elle, ont l'instinct de guetter la liberté partout où elle est, Bella croit que l'humain est perfectible... Réjouissante folie. (Aurélien Cabrol)

Pauvres Créatures, de Yorgos Lanthimos, avec Emma Stone, Willem Dafoe. 2 h 21. Sortie mercredi.

L'horreur est humaine

Note : 2,5/4

C'est l'histoire d'une femme dont l'existence aurait pu être tout autre. L'histoire d'une femme née à la mauvaise époque. Et c'est une histoire vraie. Berlinoise juive se rêvant chanteuse à Broadway, Stella Goldschlag collabore avec le pouvoir nazi. Derrière ses yeux bleus et ses boucles blondes, cette anti-héroïne dissimule une irrésistible envie de (sur)vivre, agissant en elle comme un poison. Documenté, nuancé et furieusement moderne, le film brosse un portrait subtil de celle qui se faisait surnommer « le grappin » et qui a provoqué la capture et la mort de 600 à 3 000 Juifs. Évitant le manichéisme, le cinéaste allemand Kilian Riedhof nous questionne sur le point de bascule de la morale. On ne ressort pas totalement indemne de ce film éclairé par la prestation de son actrice principale, Paula Beer, parfaite sous les traits d'une femme ordinaire à la fois victime et bourreau. (Mathilde Fontaine)

Stella - Une vie allemande, de Kilian Riedhof. Avec Paula Beer. 2 h 01. Sortie mercredi.

Paumée et sensible

Note : 3/4

Le Lyonnais Stéphane Marchetti s'était jusqu'ici consacré au documentaire, le dernier en date plongeant déjà dans l'enfer des mineurs à Calais (Calais, les enfants de la jungle, 2017). Pour la première fois, le réalisateur a décidé de passer à la fiction pour aborder la question des migrants sous un autre angle et à travers un portrait de femme sans concession. Marie, 45 ans, habite dans un mobile home dans un camping des Alpes et trafique des paquets de cigarettes pour essayer de joindre les deux bouts, avec la complicité d'Alex, son amant policier. Quand sa route croise celle de Souleymane, jeune réfugié prêt à tout pour rejoindre sa petite sœur en Angleterre, elle se lance dans le rôle risqué de « passeuse », d'abord par nécessité puis par altruisme... Dans ces froids cols enneigés, entre contrôles policiers, galères financières et consciences chahutées, la rencontre de ces deux précarités prêtes à tout pour s'en sortir va profondément changer les deux protagonistes, en même temps que le regard du spectateur sur leur situation. Fuyant le manichéisme, le film tient en haleine comme un polar et fuit tous les clichés. Incarné par une Florence Loiret Caille magistrale de nuances, sans fard, à la fois rugueuse, paumée et sensible, et un Saabo Balde déterminé et fragile, ce beau premier film engagé donne vie à ceux que l'on n'entend jamais. (Charlotte Langrand)

La Tête froide, de Stéphane Marchetti, avec Florence Loiret Caille, Saabo Balde, Jonathan Couzinié. 1 h 32. Sortie mercredi.

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Commentaire 1
à écrit le 14/01/2024 à 9:04
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Emma Stone est une grande actrice, sa présence valorise toujours le film.

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