L'accord de Bruxelles ouvre la porte de l'Europe aux émergents

Les dirigeants de la zone euro ont conclu un accord avec les banques sur la Grèce. Mais le flou du plan et le curieux appel à des financements extérieurs font douter d'une solution définitive à la crise des dettes souveraines.
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Frustration et stupeur devraient accueillir l'accord à l'arraché obtenu pendant la nuit de mercredi à jeudi en vue de calmer la crise de la dette qui empoisonne la zone euro depuis bientôt deux ans. La stupeur vient de l'appel désormais explicite lancé par les Européens aux puissances émergentes. Ce 27 octobre, la zone euro a-t-elle remis un double des clés de la maison aux grands fonds souverains de ces pays ? À Bruxelles, on minimise la portée de cette décision. Chine, Brésil ou Japon sont déjà très présents en Europe. Environ 40 % des émissions du FESF sont déjà placées auprès de fonds souverains et de banques centrales asiatiques ou moyen-orientaux. « Nous sommes dans une économie ouverte », insistait un commissaire européen au lendemain du sommet. « Ce n'est pas une mauvaise chose d'inciter les Chinois à être coresponsables de l'ordre économique mondial, et pas passagers clandestins », indiquait une source européenne. Plutôt aller chercher l'épargne en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud que d'imprimer de la monnaie, à l'exemple des États-Unis, semble dire la chancelière Angela Merkel. Du point de vue des équilibres macroéconomiques mondiaux, le raisonnement fait sens. Mais il est trop tôt pour dire si la voie choisie, sous la pression de l'Allemagne, pour muscler le mécanisme de soutien européen sera la bonne (lire ci-contre). Ni quelles conséquences ce nouvel instrument international pourrait avoir sur la souveraineté européenne.

La frustration résultait, elle, de l'incapacité saisissante des dirigeants européens à expliquer clairement l'accord qu'ils assuraient avoir conclu dans la nuit au sujet de la restructuration de la dette grecque. Elle était d'autant plus grande qu'une bonne partie de la nuit de mercredi à jeudi a été consacrée à ces négociations qui ont mis en présence le simple directeur d'un lobby bancaire, Charles Dallara, patron de l'International Institute for Finance, et les dirigeants politiques de la France et de l'Allemagne. « Nous n'avions qu'une seule offre à faire et elle a été acceptée », a tranché la chancelière allemande jeudi matin.

En réalité, d'accord avec les créanciers, il n'y en a pas véritablement. Ni sur le prix ni sur la maturité de futures obligations qui seront échangées avec les junk bonds actuels. Ce que les Dix-Sept ont arrêté, ce sont les lignes rouges de l'échange d'obligations à venir, à savoir une dette grecque ramenée au niveau jugé « soutenable » de 120 % du PIB en 2020 et des garanties publiques (via le FESF ?) qui n'excéderaient pas 30 milliards (sans tenir compte de l'appui ponctuel de la Banque centrale européenne au moment de l'échange lui-même). Jeudi matin, à Bruxelles, une tentative de debriefing technique organisée par des experts européens pour les journalistes afin d'y voir plus clair a manqué tourner au pugilat.

« Sur le pont du Titanic »

Derrière cette confusion se cache pourtant une bonne nouvelle : les Européens ont enfin admis l'insolvabilité grecque et Angela Merkel, elle-même, a reconnu qu'Athènes aurait besoin encore « pendant des années » du soutien de ses voisins, y compris l'Allemagne. C'est un revirement majeur. Au début de l'été, elle ne voulait qu'une chose : ramener à son Parlement un chiffre sur la « participation du secteur privé » au deuxième plan grec et l'idée même d'un défaut grec était à peine admise. Il fallait juste « faire payer les banques ». Depuis, le déni a cédé la place à la réalité. Quant à savoir ce qui dans les quelque 100 milliards d'euros de remises de dettes accordées à Athènes sera pris en charge effectivement par les banques et ce qui finalement, en fonction de l'accord trouvé sur les taux et les garanties, sera, à nouveau, à la charge des contribuables européens, c'est une autre affaire.

Les députés européens, réunis en plénière à Strasbourg, partageaient le sentiment qu'il « reste beaucoup à faire », comme l'a dit le président du centre droit, Joseph Daul. La gauche critique tantôt « l'austérité généralisée » annoncée, tantôt l'incomplétude du plan. « Tout ce que vous avez fait hier, c'est remettre de l'ordre dans les chaises sur le pont du Titanic », ont raillé, comme à leur habitude, les conservateurs britanniques.

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