Macron appelle à Strasbourg à refuser "l'Europe de l'habitude"

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(Crédits : Vincent Kessler)

STRASBOURG (Reuters) - Emmanuel Macron a appelé mardi devant le Parlement européen à refuser "l'Europe de l'habitude" et à dépasser les clivages traditionnels, en écho à son désir de bouleverser les équilibres politiques lors des élections européennes de mai 2019.

Face à lui dans l'hémicycle strasbourgeois, les présidents des grands groupes politiques ont souligné la difficulté qu'il aurait à faire triompher ses idées de réformes, qui se heurtent à de fortes résistances dans nombre d'Etats membres.

"Il y en a beaucoup qui aujourd'hui pensent qu'on peut continuer à préférer les confrontations habituelles, les certitudes d'hier (...), les divisions bien connues et bien concertées", a dit le président français.

Face à des menaces existentielles pour l'Europe, "je ne veux pas appartenir à une génération de somnambules", a-t-il proclamé, disant l'urgence de sensibiliser les citoyens à l'importance du prochain scrutin européen.

"Notre responsabilité dans les mois à venir, c'est d'organiser le vrai débat européen" pour que les peuples puissent choisir entre "ceux qui veulent une Europe qui ne propose plus, ceux qui veulent une Europe du repli, ceux qui veulent une Europe de l'habitude ou ceux qui sont prêts à porter une Europe de l'ambition, d'une souveraineté réinventée, d'une démocratie vivante, celle à laquelle nous croyons", a-t-il dit.

Emmanuel Macron s'est prononcé pour un soutien financier européen aux collectivités accueillant des réfugiés, un prix plancher commun du carbone, une taxe carbone aux frontières de l'UE, l'augmentation de la contribution française au budget européen et l'instauration dans ce cadre d'une conditionnalité liée à la convergence fiscale et sociale.

OBSTACLES EN ALLEMAGNE

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a applaudi ce discours : "la vraie France est de retour", a-t-il dit.

Après avoir salué la conviction européenne d'Emmanuel Macron, le leader de la première force au Parlement, le parti conservateur PPE, a exprimé ses réserves devant certains de ses projets.

Manfred Weber a notamment défendu le système du Spitzenkandidat, dont l'automaticité est contestée par Emmanuel Macron, par lequel le chef de file du parti obtenant le plus de députés doit présider la Commission.

Le président du groupe des socialistes, Udo Bullmann, a souligné l'opposition, en cours de consolidation, des conservateurs allemands aux projets français.

"Les prochains jours ne seront pas faciles pour vous. On a vu la situation à Berlin, ça va être difficile de faire avancer la réforme de l'Union économique et monétaire", a-t-il dit.

Guy Verhofstadt, président des libéraux et démocrates (ALDE), a soutenu Emmanuel Macron, appelant à l'"audace" car "une large partie de nos concitoyens est exaspérée par l'inertie".

Emmanuel Macron devait lancer ce mardi après-midi à Epinal (Vosges) les consultations sur l'avenir de l'Europe, qu'il a convaincu tous ses partenaires d'organiser pour préparer les européennes.

Il se rendra jeudi à Berlin pour travailler avec Angela Merkel sur la feuille de route franco-allemande de réformes qu'ils veulent boucler d'ici le Conseil européen de la fin juin.

UN OUTIL BUDGÉTAIRE NÉCESSAIRE

Ce document se concentrera sur l'achèvement des chantiers en cours : union bancaire, marché des capitaux et réforme du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Mais la France souhaite que soit en outre mentionnée une future "capacité budgétaire" pour la zone euro, chiffon rouge pour une partie de la droite allemande, ainsi que le développement des capacités européennes pour l'innovation.

Cette capacité budgétaire, qui fait resurgir les craintes allemandes de payer pour les autres, n'est pas le seul point posant problème entre la France et l'Allemagne.

Selon un document consulté avant la rencontre entre la chancelière et le président, des députés conservateurs du Bundestag cherchent à limiter la marge de manoeuvre d'Angela Merkel sur la zone euro.

Devant les députés, Emmanuel Macron a confirmé sa volonté que l'union bancaire soit achevée "dans cette mandature", que la zone euro développe des instruments de solidarité et qu'une représentation politique propre soit inventée.

"Il n'y a aucun espace monétaire au monde qui fonctionne avec les contraintes d'une monnaie commune (...) sans une capacité budgétaire qui permette l'investissement, la convergence et la stabilisation en cas de crise", a-t-il dit.

(Jean-Baptiste Vey, avec Gilbert Reilhac à Strasbourg, édité par Yves Clarisse)