Inquiétude sur la croissance avec l'érosion du climat des affaires

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Allemagne: le climat des affaires se degrade encore en avril[reuters.com]
(Crédits : Yuriko Nakao)

par Michael Nienaber

BERLIN/PARIS (Reuters) - Le climat des affaires s'est dégradé en avril dans les trois premières économies de la zone euro - Allemagne, France et Italie - dans un contexte marqué par la vigueur de l'euro et un accroissement des contraintes sur les capacités de production, laissant penser que la croissance des Dix-Neuf a atteint son point culminant.

La zone euro a été l'une des économies avancées les plus performantes l'an dernier. Mais les enquêtes de conjoncture suggèrent que la croissance a commencé à marquer le pas depuis le mois de janvier en raison de la fermeté de l'euro et des craintes de guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.

En Allemagne, le climat des affaires a reculé pour le cinquième mois consécutif et a touché son plus bas niveau depuis mars 2017, a annoncé mardi l'institut Ifo.

"L'optimisme des chefs d'entreprise allemands s'est évaporé", déclare dans un communiqué Clemens Fuest, le directeur de l'Ifo. "L'économie allemande ralentit."

L'indice du climat des affaires calculé par l'Ifo, ont été intégrées pour la première fois des données du secteur des services, a reculé à 102,1 contre 103,3 (révisé) en mars. Les économistes interrogés par Reuters prévoyaient en moyenne un indice à 102,7.

Dans l'industrie manufacturière, le sentiment des chefs d'entreprise s'est dégradé pour le troisième mois consécutif, tout en restant à un niveau élevé.

"Les entreprises atteignent leurs limites en termes de capacité. Nombre d'entre elles ne peuvent pas accroître leur production et répondre à leurs commandes parce qu'elles font face à une pénurie de personnel", a déclaré à Reuters Klaus Wohlrabe, économiste de l'institut Ifo.

Dans les services, le sentiment s'est fortement détérioré en raison d'une chute des anticipations d'activité à six mois.

En France, l'indicateur global du climat des affaires a également diminué pour le quatrième mois consécutif, même s'il reste bien supérieur à sa moyenne de long terme, selon les données publiées mardi par l'Insee. Il s'est établi à 108 ce mois-ci, contre 109 en mars.

"Le point haut de la croissance est clairement dépassé", observe Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode, dans un tweet.

Le climat des affaires a aussi reculé en Italie, alors que la troisième économie de la zone euro est toujours dans l'impasse sur le plan politique, dans le sillage des élections législatives du 4 mars qui n'ont dégagé aucune majorité.

LA BCE PRISE ENTRE DEUX FEUX

Pour Ion-Marc Valahu, gestionnaire de fonds de la société de conseil genevoise Clairinvest, "le ralentissement est manifeste et l'euro n'aide pas."

"La Banque centrale européenne est coincée. Si elle cherche à normaliser les taux, l'euro va monter en flèche et elle a du mal à faire en sorte que l'euro baisse", souligne-t-il.

"L'économie de la zone euro a clairement dépassé son pic de croissance", estime également Oliver Rakau, d'Oxford Economics, en soulignant que les tensions protectionnistes croissantes représentent aussi un risque pour les exportations.

Selon lui, les résultats des différentes enquêtes de conjoncture nationales remettent en question le rebond attendu de la croissance du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre après la période de flottement observée en début d'année.

Mais d'autres économistes sont moins pessimistes.

François Cabau, économiste de Barclays, souligne dans une note que l'érosion du climat des affaires en France ces derniers mois relève "plus probablement d'une saine correction (...) que d'un véritable point d'inflexion" pour l'économie française, qui "cherche encore son rythme de croisière".

"Globalement, nous restons confiants sur les perspectives pour l'économie française", précise-t-il en confirmant sa prévision d'une croissance de 2,2% du PIB cette année.

Cette prévision dépasse celle de 2,0% annoncée par le gouvernement français dans le programme de stabilité présenté mi-avril et se situe dans le haut de la fourchette des prévisions des organisations internationales (Commission européenne, FMI, OCDE), qui s'étale de 1,9% à 2,2%.

En ce qui concerne l'Allemagne, Klaus Wohlrabe estime que cette cinquième baisse consécutive de l'indice dénote une "normalisation" et non un changement de tendance, ajoutant que l'Allemagne est "loin d'une récession".

Il a dit prévoir une décélération de la croissance à 0,4% au premier trimestre contre 0,6% sur les trois derniers mois de 2017.

Le ministère des Finances et la Bundesbank ont également lancé un avertissement sur le risque d'une décélération de la croissance allemande au premier trimestre. Le gouvernement publiera ses prévisions mercredi.

Le Fonds monétaire international (FMI) a relevé la semaine dernière sa prévision pour le PIB allemand en 2018, tablant désormais sur une expansion de 2,5%.

A l'inverse de ces enquêtes de conjoncture, les résultats préliminaires de l'enquête mensuelle d'IHS Markit ont mis en évidence une stabilisation de la croissance du secteur privé dans la zone euro en avril.

(Véronique Tison et Myriam Rivet pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)