Surveiller et protéger l'espace, enjeu militaire pressant

reuters.com  |   |  732  mots

par Julie Carriat

KOUROU, Guyane (Reuters) - La protection des satellites, à l'heure où l'armée française s'apprête à renouveler les siens, est cruciale dans un espace devenu lieu d'affrontement et plus seulement de compétition, estime le chef du commandement interarmées de l'espace.

"L'espace devient un champ de confrontation", déclare le général Michel Friedling dans une interview à des agences, un phénomène qui s'ajoute à la démocratisation de l'accès à l'espace et des capacités spatiales militaires.

Après avoir lancé l'alerte en septembre sur la manoeuvre inamicale d'un satellite russe, soupçonné de tentative d'espionnage d'un satellite militaire franco-italien, la ministre des Armées Florence Parly doit présenter au chef de l'Etat ses propositions pour garantir l'autonomie stratégique spatiale de la France, sur la base d'un rapport d'experts remis il y a quelques jours.

Outre l'incident évoqué par Florence Parly, "on a observé déjà deux tirs de destruction par missiles de satellites, les Américains et les Chinois ont fait deux tests", note Michel Friedling. En plus des missiles, des armes à énergie dirigée (laser par exemple) pourraient être en mesure demain de détruire ou rendre inopérant un satellite.

Autre menace potentielle, les véhicules de service en orbite, censés faire de la maintenance en s'arrimant à des satellites, mais qui peuvent avoir un usage militaire hostile, "par exemple une désorbitation, endommager les panneaux solaires ou priver d'énergie un satellite", poursuit le chef du commandement interarmées de l'espace.

LANCEMENT DU PREMIER SATELLITE CSO

L'armée française doit donner mercredi le coup d'envoi du renouvellement de ses satellites de soutien aux opérations, avec le lancement du premier satellite CSO d'observation. Initialement prévu mardi à 13h37 locales depuis le Centre spatial guyanais, le lancement du CSO-1 a été reporté à mercredi, pour cause de vents d'altitude menaçant de faire tomber d'éventuels débris du lanceur sur des zones exposées.

"On a toujours protégé tous nos satellites, ce qu'on appelle le cœur souverain, le noyau dur de nos capacités, contre le brouillage, l'espionnage, la prise de contrôle à distance. Mais on n'a pas développé de moyens pour contrer un tir laser, ou contrer un missile, pour empêcher un satellite de s'approcher", note le chef du CIE, soulignant la nécessité de développer la surveillance de l'espace, mais aussi de poser "sans tabou" la question du développement de capacités de protection.

Pour surveiller l'espace, le chef du CIE évoque notamment des pistes peu coûteuses, tirant parti de la dynamique de New Space (Nouvel Espace) où les acteurs privés investissent l'espace avec des nano-satellites, des offres de service pour la surveillance. L'installation de caméras sur les satellites de façon à surveiller leur environnement est une autre possibilité.

Stéphane Israël, le PDG du groupe Arianespace, qui opère les lancements de satellites depuis le centre spatial guyanais à Kourou, voit pour sa part des pistes de surveillance facilement intégrables aux opérations existantes.

LA FRANCE "AVEUGLE" SANS L'ESPACE

"La ministre a dit qu'il y aurait des caméras embarquées sur les prochains Syracuse (satellites militaires de télécommunication), pour nous ça ne change pas grand-chose, ça n'est pas un lancement supplémentaire, mais ca change quelque chose pour la France qui pourra observer depuis l'espace", a-t-il dit à des journalistes, tout en soulignant que la surveillance passera par ailleurs par le développement du système français de détection de satellites radar GRAVES.

D'ici 2022, outre les satellites d'observation CSO, l'armée française disposera de trois satellites d'écoutes électromagnétiques CERES, et deux Syracuse IV.

En matière militaire, le renseignement issu des satellites garantit aussi une capacité de vérification voire de correction des informations fournies par des alliés.

"C'est aussi pour l'autonomie de décision politique, l'exemple flagrant c'est l'Irak en 2003. C'est parce qu'on avait des images satellite qu'on a su acquérir et exploiter que les autorités politiques françaises ont décidé de ne pas intervenir", déclare le chef du commandement interarmées de l'espace.

"Toutes les opérations militaires dépendent très largement du spatial, si on perdait toutes les capacités spatiales, on serait très vite aveugles, sourds et impotents, en tout cas très handicapés".

(Edité par Yves Clarisse)