Même s'il rend sa position inconfortable, la Chine reste aux côtés de Poutine

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Le president russe vladimir poutine avec le president chinois xi jinping lors d'un sommet de l'organisation de cooperation de shanghai a samarcande, ouzbekistan[reuters.com]
(Crédits : Sputnik)

par Brenda Goh

(Reuters) - Xi Jinping ne lâchera probablement pas son "vieil ami" Vladimir Poutine quand bien même la récente décision du président russe de mobiliser des centaines de milliers de réservistes pour le conflit en Ukraine et ses menaces voilées de recours à la force nucléaire mettent à l'épreuve le partenariat "sans limite" conclu entre la Chine et la Russie, estiment les experts.

Pékin va au contraire camper sur sa position, quoique inconfortable, consistant à appeler au dialogue et à la recherche d'une solution pacifique au conflit tout en refusant de condamner l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré jeudi à son homologue russe, Sergueï Lavrov, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, que la Chine resterait sur une position "objective" et "juste" au sujet de l'"opération militaire spéciale" en Ukraine.

Xi Jinping et Vladimir Poutine n'ont cessé de se rapprocher ces dernières années, mus par une méfiance partagée à l'égard de l'Occident et le rejet de ce qu'ils perçoivent comme une volonté de domination hégémonique des Etats-Unis sur le monde. Ce rapprochement a été formalisé par l'affirmation d'un partenariat stratégique "sans limite" entre leurs deux pays lors d'un sommet à Pékin le 4 février, soit 20 jours seulement avant le déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine.

LA COMPÉTITION AVEC LES USA RESTE LA PRIORITÉ

Depuis, la Chine a toutefois pris soin de ne fournir aucune aide matérielle directe à la Russie susceptible de lui valoir des sanctions occidentales.

Vladimir Poutine a lui-même admis les limites de ce partenariat lors de sa première rencontre avec le président chinois depuis le début du conflit en Ukraine, la semaine dernière à Samarcande, en Ouzbékistan. Le président russe a alors reconnu que son homologue chinois avait des interrogations et des inquiétudes au sujet de la situation en Ukraine et il l'a remercié pour sa position "équilibrée".

"Je ne vois pas en quoi toute nouvelle position pourrait être différente (...). La Chine ne soutient pas la guerre, elle ne soutient pas le conflit, c'est très clair depuis le début", dit Henry Wang Huiyao, fondateur du Centre pour la Chine et la Mondialisation, cercle de réflexion basé à Pékin.

Si la Chine espérait certainement une guerre courte, les récentes initiatives de Vladimir Poutine concernant la conduite de la guerre en Ukraine, où l'armée russe a subi des revers depuis début septembre, ne vont certainement pas inquiéter la Chine ni modifier la nature essentielle de la relation entre les deux pays, disent les analystes. Le facteur essentiel reste la géopolitique, notamment la compétition avec les Etats-Unis.

La coopération économique entre la Chine et la Russie, pays voisins, a toutes les chances de se renforcer, la première profitant d'approvisionnements énergétiques plus abondants et moins chers quand la seconde trouve des débouchés lui donnant l'espoir de compenser la fermeture des marchés européens.

RESTER À L'ÉCART DU DÉSORDRE

"Ce qui importe le plus pour Xi, c'est que Poutine ne chute pas ou qu'il ne provoque pas avec l'invasion un désordre susceptible d'exposer la Chine à des dommages collatéraux, essentiellement dans la sphère économique", pense Steve Tsang, directeur de l'Institut chinois à l'Ecole des études orientales et africaines (SAOS) de l'Université de Londres. "Ce qui sous-tend toute la politique étrangère de Xi, c'est de penser d'abord à la Chine."

Les médias officiels chinois ont à peine couvert le discours prononcé mercredi par Vladimir Poutine, une discrétion contrastant avec les vives condamnations des pays occidentaux et les secousses provoquées sur les marchés financiers mondiaux. Les déclarations de président russe ont en revanche été beaucoup commentées sur le réseau social Weibo, avec à la fois des critiques que la censure n'a pas fait disparaître et des expressions de soutien.

Yuan Jingdong, professeur associé à l'Université de Sydney, spécialiste des questions relatives à la défense et à la diplomatie chinoises, dit s'attendre à ce que la Chine s'efforce de rester sur sa ligne précaire consistant à ne pas critiquer publiquement la Russie ni manifester ouvertement de la sympathie à l'égard de l'Ukraine, tout en s'abstenant autant que possible de paraître avaliser les actions de Vladimir Poutine.

"Comme le conseiller à la sécurité nationale de Poutine (se trouvait) en Chine quand Poutine a effectué son annonce, il a pu y avoir une forme de garantie de la Chine à la Russie sur l'importance de la relation bilatérale mais aussi des indications claires sur ce que la Russie peut attendre de la Chine de manière réaliste", déclare-t-il.

"A ce stade, le choix de Pékin semble être de rester à l'écart du désordre et du danger croissant auxquels l'invasion russe a conduit."

(Reportage Brenda Goh, version française Bertrand Boucey, édité par)